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MESSE DANS LA LITURGIE, LA MESSE ROMAINE


à reconstituer le Gélasien et le Grégorien primitif. Les Ordines romani sont aussi du plus grand secours dans cette tâche.

Cette liturgie du ve -vi° siècle, débarrassée des interpolations étrangères, nous représente le « génie romain ». C’est une liturgie simple, bien ordonnée, logique. Saint Grégoire et ses prédécesseurs possédaient un ordo missx, un canon sans incohérence, où se reconnaît une pensée sûre d’elle-même. Mais ce n’est pas à dire que, sous cette forme, on ne puisse distinguer des substructions d’une époque plus ancienne qui nous ramèneraient en deçà du iv> siècle. Ed. Bishop a protesté plus d’une fois contre les liturgistes, notamment ceux d’Allemagne, qui ne voyaient dans le canon romain du vi « au vu 8 siècle, qu’une dislocation, un réarrangement maladroit de celui du iv° siècle. Ce n’est pas à dire non plus qu’elle n’ait à cette époque subi aucune iniluence étrangère. Tout récemment encore l’abbé Ch. de Corswarem relevait dans cette liturgie les traces de l’influence de Byzance. La liturgie byzantine et l’union des Églises, Avignon, 1926.

Malgré tout la liturgie de cette époque est spécifiquement romaine ; c’est une liturgie locale, la liturgie de la ville de Rome, la liturgie des papes, des basiliques romaines, des cimetières, des tombeaux sur les voies romaines, auxquels il est fait de nombreuses allusions.

Du ix° au xie siècle les choses changèrent ; il va s’exercer sur la liturgie romaine des réactions assez profondes, des influences étrangères qui en modifieront le caractère. Il faut donc dans tout exposé sur la messe romaine tenir compte de ces perspectives, et distinguer dans le missel actuel ce qui est ancien, c’est-à-dire antérieur au moins au ixe siècle et ce qui est de date postérieure. Et ceci est d’autant plus important que ces additions d’ordinaire ne sont pas d’origine romaine, mais d’origine gallicane. Les éléments purement romains de la messe, en négligeant quelques détails secondaires, sont d’après Bishop, la collecte, l'épître, la bénédiction avant la lecture de l'évangile, l'évangile, Vorate fratres et la secrète, la préface, le canon, l’oraison dominicale, la postcommunion et l’Ile missa est. A cela il faut ajouter les quatre pièces de chant : introït, graduel, offertoire et communion, qui, s’ils ne sont pas d’origine romaine, furent adoptés à Rome dès leur apparition. Le génie du rit romain, p. 32.

Nous nous efforcerons donc, dans l’exposé que nous allons faire, de distinguer l'âge et l’origine de chacun des éléments de la messe romaine. On peut dire que ce n’est pas aujourd’hui une besogne bien difficile après les travaux des liturgistes qui nous ont précédé, et dont on trouvera la liste dans une note bibliographique finale.

Prélude.

Pendant que le pape, les prêtres et les

clercs se rendent de la sacristie à l'église, on chante un psaume qui s’appelle introït, ou psaume d’entrée ou de début, anliphona ad inlroïtum ; le terme d’Ingressa est employé avec le même sens dans les livres ambrosiens.

Cette procession, on l’a remarqué, devait être imposante, surtout aux jours de fête. Le cortège du pontife comprenait sept acolytes porteurs de flambeaux, sept diacres, sept sous-diacres, l’un de ceux-ci tenait un encensoir fumant. Tous, du pape aux acolytes, étaient revêtus de planetm ou pœnulæ de forme ronde et sans manches, que nous appelons chasubles. C’est le chœur des chantres qui, dans le presbgterium, chantait l’introït. Acolytes et sous-diacres se rangent à leur place, tandis que le célébrant arrive au pied de l’autel, prie en silence, donne le baiser de paix à ses assistants, et les diacres vont baiser deux par deux les extrémités de l’autel, puis le célébrant monte à l’autel,

baise le livre des évangiles qui y est déposé et l’autel lui-même. Le pontife se rend ensuite à son siège. C’est un rite analogue qui s’accomplit encore au vendredi saint.

L’usage de chanter le psaume d’introït remonte au iv 8 siècle et avait pour but de donner à ce défilé plus de solennité. D’après ce que nous voyons au missel actuel qui représente un ancien usage, ces psaumes ne devaient pas être pris à la suite, comme ceux des matines ou des vêpres, mais choisis selon les circonstances. De bonne heure aussi, et plus facilement encore que pour l’offertoire ou la communion, on puisa, en dehors des psaumes, dans les autres livres de la Bible, et même dans les livres qui ne sont pas au canon, comme pour le Requiem œlernam des messes des morts. Aujourd’hui l’introït ne se compose plus que d’un verset ; le reste du psaume est supprimé, mais on dit toujours la doxologie. Un peu plus tard à Rome et en certaines circonstances, le début de la messe fut entouré d’une solennité plus grande encore. Le pape, le clergé et le peuple se réunissaient à un certain lieu désigné, d’ordinaire l'église de Sainte-Sabine sur l’Aventin, et se rendait à l’une des églises de la ville où se tenait la station et qui est, sauf de rares exceptions, celle encore désignée dans nos missels.

Aujourd’hui le début de la messe romaine comprend en plus le ps. xlii avec antienne, le C.onftteor, des versets, VAufer a nobis, et VOramuste. Le psaume a été choisi à cause du verset Introibo ad altare Dei qui lui sert d’antienne ; la confession, dont la formule a varié selon les temps et les lieux, est une des pratiques les plus anciennes de la synaxe chrétienne, comme nous le voyons par la Didachè, mais dont la place n’est pas nécessairement à la messe ; la formule actuelle remonte au haut Moyen Age. L’Aufer a nobis est emprunté au Léonien (v siècle), et, comme la plupart des collectes de ce sacramentaire, elle est d’une inspiration élevée et d’un rythme élégant. L’Oramus te, d’une époque beaucoup moins ancienne et d’un style moins pur, rappelle cependant que, d’après une coutume qui remonte au ive siècle et au delà, l’autel qui sert de table est élevé sur une tombe de martyr ou doit au moins renfermer des reliques de martyrs ou de saints. Remarquons aussi dès maintenant que, dans la première, comme dans toutes les oraisons anciennes de la messe, le prêtre parle au pluriel pour marquer la place que tiennent les fidèles dans la célébration du sacrement, tandis que dans la seconde il ne parle que de ses péchés. En même temps qu’il dit cette dernière oraison, le prêtre baise l’autel.

Les gestes fréquents à la messe ont leur signification mystique. Le prêtre a commencé par un signe de croix ; il s’est incliné à la confession, il a frappé, sa poitrine au mea culpa, il a fait de nouveau un signe de croix pour l’absolution après la confession. A d’autres moments il étendra les mains en forme de croix, comme faisaient les orantes. C'était une attitude fréquente dans la prière, comme nous le dit Tertullien. D’autres gestes ou attitudes seront commandés par le diacre : Fleclamus genua, leoate, inclinate capita vestra Dco. Nous verrons qu'à l'élévation, à la fraction et ailleurs ces gestes ont une portée dogmatique qu’il ne faut pas négliger si l’on veut comprendre tout le sens des cérémonies de la messe. Les ouvrages qui nous renseignent sur ce point sont les Ordines romani dont nous avons déjà dit un mot.

L’encensement, qui a lieu après l’oramus le aux messes solennelles, n’est pas d’une origine très ancienne et ne fut adopté à Rome qu’assez tard, comme du reste celui de l’offertoire et celui de l'élévation. Cependant, nous l’avons vii, l’encens était employé à la procession d’introït et à celle de l'évangile. Il va sans dire que même cet usage de l’encens