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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/118

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NESTORIENNE (L'ÉGLISE), RELATIONS AVEC ROME

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la fâcheuse situation de nombreux chrétiens, hérétiques à ramener à la foi catholique, vivant chez les Mongols dans une pénurie à peu près complète de prêtres qui pussent leur administrer les sacrements. Guillaume de Rubrouck se laissa dire dans le même temps que les évêques nestoriens visitaient rarement la Mongolie, « peut-être une seule fois en cinquante ans ». o Alors, ajoute-t-il, on fait ordonner piètres tous les petits enfants mâles, même ceux qui sont encore au berceau, ce qui explique comment presque tous les hommes sont prêtres. » Éd. deBacker, p. 129. Quels prêtres ! André de Longjumcau, qui avait insisté en 1247, n'étant allé que jusqu'à Tauriz, sur le danger d’une double hiérarchie, pensa lorsqu’il eut été plus avant en Asie centrale, que la pénurie de prêtres était un mal plus considérable. Voilà pourquoi, à la suggestion du roi de France, le pape prescrivit le 29 février 1253, par une lettre au légat Odon de Tusculum, de consacrer évêque une certaine proportion des religieux, franciscains et dominicains, que l’on enverrait dorénavant en mission dans le domaine du calife de Bagdad et au delà, donc chez les nestoriens. Raynaldi, Annales ecclesiastici…, t. xiii, Rome, 1616, p. 702 ; cf. Pelliot, op. cit., p. 267 sq., extrait, p. 71 sq..

Il ne semble pas que cet ordre ait reçu même un commencement d’exécution. Les premiers évêques latins en Mésopotamie et Asie majeure, qui nous soient connus, appartiennent aux années 1307-1330. Les trente-trois années qui suivirent la mort d’Innocent IV (1251-1287) virent se succéder dix papes sur le trône de saint Pierre : la rapidité de cette succession ne se prêtait pas à l’accomplissement de grands desseins et les missions en souffrirent, bien que l’unité de l’empire mongol sous Mangou-khan et Koubilaï i ait été particulièrement favorable à la circulation des Occidentaux, commerçants ou missionnaires, comme on le voit, par exemple, par l’histoire des Polo, il ne faudrait pas croire d’ailleurs que rien ne fût fait : les couvents d’ancienne création, comme celui de Titlis, fondé au plus tard en 1210, continuaient d'être des centres de missionnaires itinérants, tandis que de nouveaux couvents se créaient en plein territoire nestorien, tels celui de Tauriz, avant 1280, et celui de Bagdad, avant 1290.

Les événements politiques amenèrent d’ailleurs, dans le dernier quart du siècle, un réveil de l’activité missionnaire. Les Mongols, après avoir porté au califat un coup définitif par la prise de Bagdad, se trouvaient en face de deux puissants royaumes musulmans, celui des Seldjoucides en Asie Mineure et celui des Mamelucks en Egypte. Pour les vaincre, ils songèrent à provoquer une intervention des Francs. L’alliance militaire que saint Louis avait tentée aux environs de 1250 fut désirée par Abagha d’abord, puis par son (ils et deuxième successeur, Arghoun. Or celui-ci, ayant envoyé comme ambassadeur auprès des cours européennes le périodeute Rabban Saumâ, ce dernier apporta à Rome, avec les lettres du monarque, une lettre du catholicos, Yahballâhâ III. Les cardinaux, qui reçurent Saumâ pendant la vacance du siège, dans l'été de 1287, après avoir manifesté leur étonnement de ce qu’un moine chrétien consentit à servir un prince mongol, procédèrent à un sérieux examen de la foi professée par cet ambassadeur d’une nation redoutée. Us ne firent pas d’objection à la formule christologique de Saumâ, qui était pourtant ambiguë, « deux natures, deux hypostases, une personne » (M. Chabot traduit : « deux natures et deux personnes, un personnage », Revue de l’Orient latin, t. ii, p. 94, extrait, p. 66). Mais, avertis qu’ils étaient sur la question de la procession du Saint-Esprit, à cause de la controverse avec les Grecs, ils le blâmèrent et le

réfutèrent sur ce point. Il ne semble pas que Saumâ ait été autorisé à célébrer les divins mystères pendant ce premier séjour à Rome, et il ne dit pas non plus qu’il ait célébré pendant son séjour en France, tandis qu’il dit la messe devant le roi d’Angleterre, et lui donna la sainte communion. lbid., p. 110, extrait, p. 82.

Mais lorsque l’envoyé d’Arghoun revint à Rome après l'élection de Nicolas IV, le pape l’autorisa à dire la messe en sa présence, et la curie s’intéressa à sa manière de célébrer. En outre, le dimanche des Rameaux, Saumâ fit sa communion pascale des mains du pape. Ibid., p. 115, extrait, p. 87. Il n’y a donc pas de doute qu’il fut regardé dès lors comme catholique, parce que l’on ne se rendait peut-être pas alors parfaitement compte à Rome de la foi des nestoriens, lesquels ne s’appelaient pas eux-mêmes de ce nom, préférant celui de « chrétiens orientaux ». Le symbole joint à la lettre du pape pour Yahballâhâ III est le symbole que Clément IV avait fait rédiger pour les Grecs, et que l’on appelle couramment la profession de foi de Michel Paléologue, il ne contient aucune addition relative à la doctrine christologique. Denzinger-Bannvart, Enchirid., n. 461.

Encouragé sans doute par la lettre pontificale et les présents que Saumā lui rapporta de la part du Souverain Pontife, Yahballāhā se montra plus que jamais bienveillant pour les missionnaires latins. C'étaient les mineurs que le pape lui recommandait dans la lettre du 13 avril 1288, mais il semble que le catholicos rencontra surtout des dominicains. Lorsqu’il descendit à Bagdad en 1290, il y trouva Ricoldo de Monte Croce, qui venait d’y arriver par le fleuve, venant de Mossoul. Ricoldo, suivant son usage, s'était mis aussitôt à prêcher dans les églises nestoriennes, et il avait été bien reçu jusqu’au moment où il avait appelé « Marie Mère de Dieu ». Ce seul mot l’avait fait expulser du temple qu’on avait aussitôt purifié par un lavage à l’eau de rose. Les nestoriens lui avaient cependant concédé de célébrer dans une de leurs églises, à condition qu’il ne prêchât pas. Mais Yahballāhā III, étant arrivé sur les entrefaites, l’invita à parler devant lui, en présence des prélats et du clergé et, lui donnant pleinement raison, déclara que personnellement il n'était pas nestorien et ne suivait pas la doctrine de Nestorius. Vainqueur des théologiens locaux dans une discussion publique à quelques jours de là, Ricoldo reçut du catholicos l’autorisation de prêcher librement. Mais, comme celui-ci ne résidait pas habituellement à Bagdad, le clergé nestorien tint bon contre le missionnaire, si bien que beaucoup lui disaient adhérer à sa foi, qui n’osaient pas la confesser publiquement par crainte de la persécution. Laurent, Peregrinationes…, p. 130 sq.

Aussi Ricoldo semble-t-il s'être tourné dès lors plutôt vers les musulmans ; pourtant, ce sont encore les chrétiens dissidents, qu’il avait en vue lorsqu'à la fin de son séjour en Mésopotamie il formulait des règles d’apostolat, dignes d'être prises pour directives, aujourd’hui encore : « 1° Il ne faut pas prêcher la foi ou discuter avec les étrangers par interprètes ; … ils ne savent pas exprimer les choses de la foi. Ils n’osent pas non plus avouer leur ignorance et commettent de grandes confusions… Il faut donc que les religieux sachent bien les langues… 2° Les frères doivent être solidement instruits sur le texte des Écritures… Les chrétiens orientaux connaissent le texte de l’Ancien et du Nouveau Testament… 3° Il faut bien connaître les doctrines et les arguments des différentes sectes, et distinguer si elles errent sur des points fondamentaux. Souvent des religieux discustent inutilement les questions de rites, alors qu’il s’agit de ramener les hérétiques à l’unité de la foi