Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1171
1172
ORDINATIONS ANGLICANES. PRATIQUE DE L'ÉGLISE


règne de Marie ; il paraît bien au contraire qu’il y en eut peu. De leur rareté le P. Sidney Smith donne des raisons acceptables, Dict. apol. de la foi cath., t. iii, col. 1196-1197. En tous cas, il est certain qu’il y en eut. Le Dr Brown, évoque anglican, a relevé quatorze cas de réordinations absolues, de 1553 à 1558 : le Dr. Frère, The Marian reaction, 1896, a dressé la liste des ordinations qui eurent lieu sous Edouard VI et de celles qui furent faites sous la reine Marie. La comparaison de ces deux listes donne l'évidence « qu’un certain nombre de membres du clergé d’Edouard VI se firent réordonner par les évêques de Marie Tudor, selon le vieux rite latin. A Oxford, il y en eut au moins trois exemples et probablement quatre ; à Exeter, deux ; à Londres, au moins neuf et probablement dix. » Cité par S. Smith, Dicl. apol., t. iii, col. 1194. Or, seul l'évêque d’Exeter avait été ordonné suivant le nouveau rite ; ceux de Londres et d’Oxford étaient vraiment évêques : c’est donc l’Ordinal qui fut la cause de ces réordinations voire même le premier Ordinal, celui qui avait conservé la porrection des instruments.

Cette coutume de conférer à nouveau les ordres à ceux qui les avaient reçus suivant l’Ordinal, se continua après le règne de Marie Tudor. Le chanoine Estcourt cite, d’après le Registre de l’ancien séminaire de Douai et d’autres documents, vingt-deux cas de réordinations de 1570 à 1704. The question of anglican ordinations discussed, p. 138 sq. De l’examen de ces faits, Léon XIII pouvait donc légitimement conclure : Auctorilates quas excilavimus Julii III et Pauli IV aperte oslendunt initia ejus disciplinée quee lenore conslanli jam tribus amplius sœculis custodita est, ut ordinaliones ritu edwardiano haberentur infectée et nullæ ; cui disciplinée amplissime suffragantur leslitnonia multa earumdem ordinationum quee, in hac etiam Urbe, seepius absoluleque ileralie sunt sub ritu catholico. 2° Les décisions de 1684 et de 1704. — La validité des ordres anglicans fut de nouveau étudiée en 1684 et en 1704. En 1684, il s’agissait d’un calviniste français qui avait reçu la prêtrise en Angleterre, suivant le rite anglican. Réconcilié avec l'Église, il demande s’il peut se marier. « Après une minutieuse enquête, de nombreux consulteurs énoncèrent par écrit leurs réponses. On vota et les autres s’unirent à eux pour conclure unanimement à l’invalidité de l’ordination ; cependant, eu égard à certains motifs d’opportunité, il plut aux cardinaux de répondre : différé. » Bulle Aposlolicee curée.

En 1704, c’est sur la validité de la consécration épiscopale que Rome est appelée à se prononcer. Jean Gordon avait été, en 1688, consacré évêque de Galloway, en Ecosse, par l'évêque de Glasgow. II demanda à Clément XI de recevoir les ordres, suivant le rite romain. Cf. Le Quien, Nullité des ordinations anglicanes, Paris, 1725, t. ii, app., p. lxix-lxxv. Il fondait sa requête sur le cas de Parker et sur le défaut de forme et d’intention dans la collation du sacerdoce. L’affaire fut examinée par le Saint-Office qui conclut, dans la séance du 17 avril 1704 présidée par Clément XI : ex inlegro et absolute ordinetur ad omnes ordines etiam sacros et preecipue presbyteralus et quatenus non fuerit confirmatus, primtfm sacramentum confwmationis suscipial. Cdnoniste contemporain, 1897, p. 368.

Les archevêques anglicans, dans leur Responsio à la bulle Aposlolicee curée, § 7 et append., Lacey, op. cit., p. 362-363 et 389-394, discutent cette décision, invoquée par Léon XIII comme jugeant définitivement de la question des ordinations anglicanes. La demande exprimée par Gordon, de recevoir les ordres suivant le rite romain, ne nuit pas à la valeur de la décision du Saint-Office : Rome ne permet de réitérer

le sacrement de l’ordre que dans le cas de nullité ; pour une ordination douteuse, elle ordonne la réordination sub condilione. Il est certain d’après les documents publiés, cf. Brandi, Romae Canlerbury ; Canoniste contemporain, 1897, p. 368-370, que le cas de Parker, déjà mis de côté en 1684, ne fut pas davantage pris en considération en 1704. Le rapport de Mgr Genetti, daté du 16 avril 1704, et adressé à Mgr Casoni, assesseur du Saint-Office, en fait foi. Il nous apprend que, sur l’ordre d’Innocent XI, plusieurs théologiens, réunis à Paris pour étudier cette question à propos de l’affaire de 1684, avaient conclu que « la décision adéquate devait se tirer, non du fait qui dépendait de l’histoire fort embrouillée des divers changements survenus en Angleterre en matière religieuse, mais du défaut de l’intention et de l’insuffisance des paroles employées par les hérétiques anglicans dans l’ordination sacerdotale. Relazione di Mgr Genetti, Brandi, Romae Canlerbury, p. 260. Il en fut de même en 1704. Dans un volum, présenté par un théologien consulteur, on peut lire : Etiamsi pro vera admittatur hisloria quee circumfertur de ordinatione memorala Parkerii in Londinensi tdberna, cujus erat insigne equi seu manuli caput, peracta, constat quatuor preedictos episcopos illi ordinalioni adfuisse, ubicumque facium fuerit, et cum precibus serio celebratum fuisse non ludicre et joculariler. Brandi, op. cit., p. 180.

Le mémoire du cardinal Casanata, rapporteur du Saint-Office pour l’affaire de 1684, fut utilisé en 1704. Ce mémoire montre que la question fut étudiée à fond : examen de l’Ordinal, d’après l’exemplaire envoyé par Tanari en 1684, comparaison avec le rite romain et avec les rituels des Églises catholiques orientales, déclaration de non validité pour insuffisance de forme et d’intention : forme insuffisante parce qu’elle ne précise pas le pouvoir du prêtre, « d’autant plus qu’elle n’est pas accompagnée de la tradition des instruments du sacrifice, laquelle est en usage dans l'Église latine. Et, bien que l'Église grecque et certaines Églises orientales ne connaissent pas la tradition des instruments, néanmoins, dans la prière qu’on appelle sacramentelle, elles confèrent toujours clairement le pouvoir de consacrer le corps de J.-C, ainsi qu’il résulte des informations que j’ai prises, faisant traduire les formules des Arméniens, Maronites, Syriens, Jacobites et Nestoriens, tant catholiques qu’hérétiques, formules qui sont rapportées ci-après. Or les Anglais, n’ayant pas la tradition des vases sacrés, et ne conférant pas dans la prière sacramentelle le pouvoir de consacrer, il ne semble pas que l’imposition des mains puisse suffire à elle seule, car elle n’est pas déterminée à la collation d’un sacrement en particulier et peut, au contraire, signifier non seulement le sacrement de l’ordre, mais celui de la pénitence et de la confirmation, suivant ce qu’ont fait observer les théologiens dans leurs commentaires sur l'É. S. » Cité par S. Smith, Dict. apol., t. iii, col. 1202. Ce n’est donc pas la seule absence de tradition des instruments qui amena le Saint-Office, en 1684 et en 1704, à considérer comme laïques ceux qui avaient reçu les ordres dans l'Église anglicane, mais bien une insuffisance du rite : la prière sacramentelle ne déterminait pas la signification de l’imposition des mains. « Il importe de considérer, dit la bulle Aposlolicee curée, que cette sentence du pape s’applique d’une façon générale à toutes les ordinations anglicanes. Bien qu’elle se rapportât, en effet, à un cas spécial, elle ne s’appuyait pas cependant sur un motif particulier, mais sur un vice de forme dont sont affectées toutes ces ordinations, si bien que toutes les fois que, dans la suite, il fallut décider d’un cas semblable, on communiqua ce même décret de Clément XI. »