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ORÏGÉNISME. CONTROVERSES DU IVe SIÈCLE


Offensive de Théophile d’Alexandrie.

Jusqu'à

cette époque, Théophile avait été favorahle à Origène. Brusquement, en l’an 400, un concile convoqué par lui condamna solennellement les erreurs de l’ancien maître du Didascalée d’Alexandrie.

A en croire Socrates et Sozomène, ce changement d’attitude de l'évêque d’Alexandrie aurait été provoqué par une manifestation des moines anthropomorphistes de Nitrie, violents adversaires d’Origène, et par sa brouille avec le prêtre Isidore, qui s'était réfugié auprès des Longs Frères, troiscélèbresmoines de Nitrie, grands admirateurs d’Origène. Socrates, H. E., IV, iv, P. G., t. lxvii, col. 684 sq. ; Sozomène, H. £., VIII, xi-xii, ibid., col. 1544 sq.

Quoi qu’il en soit des motifs qui ont influencé Théophile en cette affaire, dès la clôture de son concile, il notifia la condamnation d’Origène aux évêques de Palestine et de Syrie. Cette synodique nous a été conservée dans la traduction qu’en a faite saint Jérôme. Epist., xcii, P. L., X. xxii, col. 759 sq. Théophile y débute en disant qu’il n’a pas cru devoir rester inactif devant la propagande faite dans les monastères de Nitrie en faveur des erreurs origénistes. Au concile réuni dans le désert de Nitrie, les livres d’Origène furent lus et on y releva maintes propositions hétéro-' doxes. C. i. Ainsi, dans le Péri Archôn, Origène a écrit : « Le Fils, par rapporta nous, est vérité ; par rapport au Père, il est erreur » ; et « Le Fils est inférieur au Père dans la même mesure que Pierre et Paul sont inférieurs au Fils ; » et encore : « Le règne du Christ aura une fin et le diable purifié de toutes ses souillures recevra l’honneur qui lui revient et sera soumis avec le Christ. » Dans le De oratione, le synode releva le passage suivant : « Nous ne devons pas prier le Fils, ni le Fils avec le Père, mais le Père seul. » Le concile reproche ensuite à Origène d’avoir dit qu’après de nombreux siècles révolus, nos corps seront petit à petit réduits à rien et se dissoudront en un souille léger, et que les corps ressuscites seront non seulement corruptibles, mais mortels. Quant aux anges, le concile reproche à Origène d’avoir nié leur création au ciel et d’avoir enseigné que la diversité de leurs classes et de leurs fonctions provenait de fautes commises antérieurement. La synodique s'élève aussi contre l’opinion origéniste que les démons se nourrissent du fumet des sacrifices païens, comme les anges se délectent du sang et de l’encens des sacrifices d’Israël. Enfin, le concile voit dans Origène un adepte de l’astrologie, parce qu’il aurait dit que les démons connaissent l’avenir par l’observation du cours des astres. P. L., t. xxii, col. 762 sq. Après avoir copieusement invectivé les moines origénistes et essayé de ruiner la réputation d’Isidore par une histoire de femme, la synodique cite un passage du De resurrec(ione d’Origène : Le terme art magique ne me semble pas désigner une chose réelle, mais, s’il existe véritablement, il n’y a en lui rien de mal ni de méprisable, » pour en conclure qu’Origène était un sectateur de la magie. Le concile reproche à Origène d’avoir essayé de démontrer dans le Péri Archôn que le Verbe de Dieu n’avait pas pris un corps humain, col. 766 sq. ; enfin il excommunie Isidore et les origénistes.

Les citations du Péri Archôn données par la synodique ne se trouvent pas dans la traduction de Rufin. Koelschau lui-même, bien que prévenu contre la fidélité de celle-ci, n’a pas osé les insérer dans le texte ; il n’y a que la première qu’il ait rangée dans les testimonia en reprochant à Rufin d’avoir sciemment altéré le texte d’Origène. Voir l'édition du Péri Archôn de Rufin, p. 36. Dans ses Recherches sur l’histoire du texte et des versions latines du De Principiis d’Origène, G. Bardy ne s’est pas préoccupé de ces citations.

Au reçu de la synodique de Théophile, les évêques

de Palestine réunis en concile à Jérusalem, pour la fête de la Dédicace, 14 septembre 400, envoyèrent au patriarche d’Alexandrie une adhésion froide et digne. Ils marquèrent dans leur lettre, qu'à part quelques tenants des erreurs d’Apollinaire, la Palestine était exempte de tout hérétique et que, pour leur part, ils n’avaient jamais entendu personne enseigner que le règne du Christ aurait une fin, que le diable serait rétabli dans son état primitif et soumis à Dieu comme le Christ. Si toutefois, continuaient-ils, il existe des hommes qui aient enseigné dans leurs écrits que le Fils est vérité par rapport à nous et erreur par rapport au Père, etqu’ilestinférieur au Père comme Pierre et Paul lui sont inférieurs, les évêques s’associent à leur condamnation par le concile de Théophile. Ils terminent en promettant de ne pas admettre à leur communion ceux que le patriarche d’Alexandrie aurait excommuniés pour les erreurs susdites ou pour toute autre cause. Cette lettre des évêques de Palestine nous est conservée dans la traduction qu’en a faite saint Jérôme. Epist., xciii, P. L., t. xxii, col. 769 sq. Un des évêques de Palestine, Denys de Lydda, qui trouvait sans doute cette lettre trop froide, envoya à Théophile une adhésion enthousiaste, dans laquelle il l’exhortait à pourfendre du glaive de l'évangile le maître d’Arius (Origène) et son disciple (Isidore ou Rufin). Traduite par Jérôme, Epist., xciv, P. L., t. xxii, col. 771. Théophile envoya également sa synodique au pape Anastase I er. Celui-ci, qui jusque-là avait ignoré Origène et ses écrits, adhéra à la condamnation du grand Alexandrin et la communiqua aux évêques d’Italie. Lettres à Simplicius de Milan, et à son successeur Vénérius ; voir la première, P. L., t. xx, col. 74 sq. ; la seconde dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1899, p. 7 sq. Théophile obtint aussi une sentence des empereurs Honorius et Arcadius, qui interdisait la lecture des livres d’Origène. Lettre du pape Anastase à Jean de Jérusalem, P. L., t. xx, col. 70.

Cette condamnation ne désarma pas Théophile. Dans les lettres festales de 401, 402 et 404, il continua à ferrailler contre Origène. Ces lettres nous ont été conservées dans la traduction de saint Jérôme, sous les n os xevi, xcvni et c des lettres de saint Jérôme. Nous nous contentons d’y relever les griefs formulés contre Origène, qui ne sont pas contenus dans la synodique. La lettre de 401 note que, si Origène est tombé dans l’erreur, c’est par suite de sa trop grande confiance en lui-même, il a mêlé les arguties de la philosophie à l’exposé de la foi chrétienne, c. vi. Suivant le dogme impie des stoïciens, Origène aurait enseigné que les êtres du ciel redescendraient sur terre, seraient même précipités dans les enfers pour être sauvés plusieurs fois encore par la mort du Christ, c. ix. Croyant au salut des démons, pour être conséquent avec lui-même, Origène aurait dû aussi enseigner que le Christ se ferait un jour démon pour les sauver et qu’il instituerait une eucharistie en leur faveur, c. x et xi. Reprenant la citation du De oratione déjà relevée dans la synodique où Origène dit qu’on ne doit pas prier le Christ, Théophile en conclut que le vieux maître du Didascalée niait la divinité de Jésus, c. xiii et xiv. Enfin, la lettre festale condamne la doctrine de la préexistence des âmes, enfermées dans les corps en punition d’une faute, c. xvii. P. L., t. xxii, col. 774 sq.

La lettre festale de 402 (dans les épîtres de Jérôme, Epist. xcviii) appelle Origène l’hydre des hérésies, c. ix ; elle lui reproche d’avoir enseigné la préexistence de l'âme du Christ, c. viii ; d’avoir prétendu que l’opération du Saint-Esprit ne s'étend qu’aux êtres raisonnables, c. xiii, et d’avoir limité l’activité de la Providence aux régions célestes, c. xiv. Elle s'élève contre l'étymologie de <jwX')> c l u 'O r i§ène fait dériver de t^ûxoç, c. xv, et contre son interprétation de Phil.,