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ORIGENISME LE Ve CONCILE


2° La condamnation d’Origène au Ve concile gênerai en 552. — 1. Événements qui précédèrent le concile. — Nonnus, l’origéniste de la première heure, ayant refusé de souscrire à la condamnation d’Origène, avait été évincé de la Nouvclle-Laure ainsi que ses partisans. Il fit de l’agitation, provoqua des bagarres et finalement, fort de l’appui de Théodore Askidas, obtint du patriarche sa réintégration. Quelque temps après, Théodore Askidas ayant imposé au faible patriarche de Jérusalem deux syncelles origénistes, ceux-ci se sentirent si puissants qu’ils firent élire un de leurs partisans, Georges, comme abbé de la Grande-Laure. Mais, la catastrophe devait suivre de près leur triomphe. Georges ne put se maintenir à la Grande-Laure et, Nonnus étant mort en février 547, la discorde divisa les moines origénistes en isochristes et en protoctistes ou tétradites. Vita Sabæ, p. 367-371.

Cyrille de Scythopolis qui nous fait connaître ces dénominations, ajoute qu’elles servaient à établir la démarcation entre deux doctrines. Vita Sabie, p. 372. Le terme Isochristes désignerait donc ceux qui professaient qu'à l’apocatastase les hommes deviendraient les égaux du Christ, ïaoi tô Xpiafû. Cette inference semble reposer sur un fondement sérieux : l’historien Évagre, en effet, cite une parole de Théodore Askidas exprimant la même idée, H. E., IV, xxxviii, P. G., t. lxxxvi, col. 2779 sq., et Cyrille de Scythopolis attribue cette doctrine à beaucoup d’origénistes : XéyoueRV on taoi yiv6[i.£6a toG Xpta-roij èv ttj à.7TOxaTaaTdcasi. Vita Cyriaci, dans Acla sanctorum, septemb., t. viii, p. 153. L’explication du terme Protoctistes ou Tétradites est plus difficile. Diekamp en donne une interprétation qui semble très plausible, op. cit., p. 60 sq. Quand les protoctistes ou tétradites s’unirent aux orthodoxes contre les isochristes, ils abjurèrent la doctrine de la préexistence, sans faire mention de l’apocatastase. Vita Sabee, p. 375. Les protoctistes n’admettaient donc pas, comme les isochristes, l'égalité de tous les hommes avec le Christ à l’apocatastase. Et s’il en est ainsi, ils n’ont pas dû enseigner non plus l'égalité initiale de tous les êtres spirituels, y compris le voùç du Christ, que les origénistes extrêmes professaient, ainsi que nous le verronsComme ils étaient partisans de la préexistence des âmes, et comme ils tenaient à la préexcellence de l'àme du Christ, ils ont dû la considérer comme la première et la plus excellente des créatures, TrpwTOv xtîajzoc, d’où protoctistes ; et c’est à elle seule qu’ils attribuaient l’union avec le Dieu Logos à la catastase, et non à toutes les âmes, comme le faisaient les isochristes. A ceux qui enseignaient ainsi l’union de l'âme du Christ avec le Dieu Logos à la catastase. leurs adversaires ont pu objecter qu’ils élargissaient la Tptâç et en faisaient une Tsxpâç d’où le nom de tétradites.

Revenons maintenant à la suite des événements. Les protoctistes ou tétradites s’unirent aux orthodoxes après avoir renoncé à la doctrine de la préexistence, et firent cause commune avec eux contre les isochristes. Ils dépêchèrent un des leurs, nommé Isidore, avec le nouvel abbé de la Grande-Laure, Conon, à Constantinople, pour demander le secours impérial contre les agissements de leurs adversaires (septembre 552). Vita Sabx, p. 373. A peine étaient-ils arrivés à Constantinople, que le patriarche Pierre de Jérusalem mourut (octobre 552). Forts de l’appui de Théodore Askidas, les isochristes lui firent donner un successeur, Macaire, qui leur était favorable. Cette élection excita des troubles à Jérusalem. Ayant appris ces événements, Justinien en fut très irrité contre Théodore Askidas et les origénistes ; il ordonna d'écarter Macaire et d’installer à sa place un évêque orthodoxe. L’abbé Conon profita de l’animosité de l’empe reur contre Théodore Askidas et les origénistes pour présenter un mémoire « découvrant toute leur impiété ». Vita Sabæ, p. 373.

2. Le Ve concile s’est-il spécialement occupé d’Origène ? — « Sur ces entrefaites, le Ve concile œcuménique ayant été convoqué, Origène, Théodore de Mopsueste, les doctrines d'Évagre du Pont et de Didyme sur la préexistence et l’apocatastase furent frappés de l’anathème par le synode en présence et avec l’approbation des patriarches. » Vita Sabæ, p. 374. Ce récit de Cyrille de Scythopolis, contemporain des faits qu’il relate, semble bien être digne de foi. Il est d’ailleurs corroboré par le canon Il du Ve concile qui lance l’anathème contre quiconque refuse d’anathématiser Arius, Eunomius, Macédonius, Apollinaire, Nestorius, Origène et leurs dogmes impies. Mansi, Concil., t. ix, col. 384.

On a prétendu que la mention d’Origène avait été interpolée dans cet anathématisme. Sans doute, il est avéré qu’on a introduit des pièces étrangères dans les Actes de ce concile, mais rien ne prouve la nonauthenticité du texte qu’on vient de citer. Le fait qu’Origène ne s’y trouve pas à sa place chronologique ne prouve rien non plus.

Mais voici un argument plus spécieux : au Ve concile, on discuta longuement (et c'était toute la question des Trois-Chapitres) si un chrétien pouvait être frappé d’anathème après sa mort ; or, dans la discustion, on ne rappelle jamais le précédent d’Origène. On en a conclu que le Ve concile n’a pu anathématiser Origène. On aurait pu également en conclure à sa noncondamnation au concile de Menas en 543, et à celui de Théophile en 400. Mais ceux qui argumentent ainsi oublient que la question qui se posait au Ve concile était celle-ci : un personnage mort dans la paix de l'Église peut-il être frappé d’anathème ? Or, on l’a vu plus haut, Épiphane croyait déjà qu’Origène était mort apostat ; du temps de saint Jérôme, on croyait à sa condamnation par l'Église dès son vivant, et Justinien, dans sa lettre à Menas, avait répété cette opinion. Le cas d’Oj-igène ne pouvait donc pas servir de précédent dans la question qui se posait au concile. Enfin, les Actes du concile nous donnent un témoignage suffisamment clair de la condamnation qu’y encourut Origène : à la ve session, Théodore Askidas rappela les différentes condamnations d’Origène et ajouta : quod etiam nunc in ipso (se. Origène) fecit et vestra sanctitas (les membres du concile) et Vigilius religiosissimus papa antiquioris Romse. Mansi, t. ix, col. 272. Le terme nunc ne peut signifier que « maintenant », c’est-à-dire à ce concile. Fort de ces témoignages, nous pouvons conclure avec Diekamp, que Cyrille de Scythopolis est dans le vrai quand il fait condamner Origène par le Ve concile. Sur cette question, voir Diekamp, op. cit., p. 66-76. Cela étant admis, il faut se demander si le Ve concile a simplement fait sienne la condamnation d’Origène portée par un concile antérieur, en la rappelant incidemment, ou bien s’il a fait un nouvel examen de la question origéniste.

Bien des historiens, y compris Hefele, Hisl. des conciles, trad. Leclercq, t. ii, p. 1188, sont pour la première alternative et nient que le Ve concile ait fait un nouvel examen de la question origéniste. Ils se fondent sur les faits suivants : 1° Dans sa lettre au patriarche Eutychius, par laquelle il donne son adhésion aux décisions du Ve concile, le pape Vigile ne parle pas d’une condamnation d’Origène ou de tractations le concernant, qui auraient eu lieu dans le synode. Même silence dans son Constitution. Voir ces deux documents dans Mansi, t. ix, col. 413-420, 457-488. — 2° Le pape Pelage II (578-590) a écrit une lettre aux évêques d’istrie pour justifier les décisions du Ve concile. Ces évêques estimaient que le concile n’avait pas eu le