Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1605
1606
OH OSE


A toutes ces questions Augustin ne lit pas sur l’heure de réponse pertinente ; du moins essaya-t-il dans son Liber ad Orosium contra priscillianistas et origenistas, P. L., t. xlii, col. 6C9-677, de mettre au point quelques-uns des problèmes soulevés. Voir aussi la lettre à Évode d’Uzala, déjà citée, Epist., clxix, 13, t. xxxiii, col. 757. Le Commonitarium montre bien que la théologie d’Orose n'était point encore très assurée ; c’est un peu la même impression que donne le traité suivant :

2° Liber apologetieus (P. L., t. xxxi, col. 1173-1212 ; édit. C. Zangemeister, dans le Corpus de Vienne, t. v, p. 603-664). — Composé après une altercation assez vive d’Orose avec Jean de Jérusalem, altercation qui eut lieu le 14 septembre 415, ce livre se présente comme une défense personnelle de l’auteur et de son attitude dans l’affaire de Pelage et lors de la réunion de Jérusalem. Le titre donné dans P. L., Contra Pelagium, de arbitrii libertate, n’est donc pas très exact et n’a pas de garantie dans la tradition manuscrite. L'édition de P. L., reproduction de l'édition Havercamp (1767) compte 48 numéros, mais il faut en retrancher, comme l’avait déjà fait Gallandi et comme le fait Zangemeister, les numéros 32 (à partir de hanc esse intentionem, col. 1201 B) à 46 qusqu'à Scripturas utique non avertens Novi Testamenti ubi didicimus, col. 1209 C). Ce long développement est une reproduction à peu près textuelle du De natura et gratia de saint Augustin, n. 13-21 et 3-13, P. L., t. xliv, col. 253-257, et 249-253. Il y a tout lieu de croire non à un plagiat d’Orose, mais à une erreur de copiste, très ancienne, car tous les mss. la donnent. Si Orose avait lui-même inséré le texte augustinien dans sa composition, la soudure serait moins malhabile ; au contraire, en supprimant le développement en question, on obtient un sens très satisfaisant : Mea sententia est, quia et in hoc quoque peccamus, qui cum inftrmi sumus, de infirmitate conquerimur (col. 1201 B), sicut Apostolus ait : « Xumquid dicet figmentum ei qui se finxit, quid me jecisti sic ? » Infirmilalis ei querela propriæ virtutis ambitio est (col. 1209 C).

Tel quel, l’ouvrage se ressent fort des circonstances où il a été composé, et du milieu où il a vu le jour. Les idées, toutes voisines de celles que développe saint Jérôme dans la Lettre à Ctésiphon et les Dialogues contre les pélagiens, sont peu claires, mal enchaînées. L’argumentation est plus que faible, noyée dans une érudition scripturaire tumultueuse. L’allure est toujours polémique : à l’endroit de Jean de Jérusalem, Orose adopte l’attitude qu’eut trop souvent le solitaire de Bethléem.

S’adressant au clergé palestinien, celui-là peut-être qui allait se réunir à Diospolis, l’auteur entend à la fois laver son orthodoxie des soupçons que l’on a élevés contre elle, et mettre au jour la perfidie (entendons l’hétérodoxie) de Pelage : non solum defensor fidei meæ sed etiam perfidiæ manifeslator aliénée, n. 1, col. 1175 A. Deux parties en somme : Défense personnelle d’Orose contre l’accusation portée à son endroit par Jean de Jérusalem, n. 1-10, attaque en règle contre Pelage, n. Il à la fin. — Comme nous l’avons dit, dans la chaleur de la discussion, Orose, à la réunion de juillet, avait lâché une proposition que l’on avait ainsi comprise : Nec cum Dei adjutorio potest esse homo sine pecccdo. L’auteur faisant, à sa manière, le récit des événements se défend d’avoir prononcé une telle parole ; il n’hésite pas à déclarer que c’est un exécrable blasphème. Mais, en revanche, l’idée de Pelage « que l’homme peut être sans péché et garder les commandements de Dieu, s’il le veut, » cette idée est non moins condamnable, même si l’on fait mention de ce secours très général de Dieu, dont parlent les pélagiens et qui est constitué par les forces mêmes

de la nature, don de Dieu, ou les excitants au bien que sont et les promesse et les menaces diverses, sans compter les exemples des saints et du Christ. Entré dans cette voie, Orose rejoint très sensiblement l’argumentation des Dialogues hiéronymiens. Les développements sur l’impossibilité pour l’homme d'être sans péché s’inspirent des mêmes preuves et souffrent des mêmes imprécisions. En particulier, Orose n’arrive pas à faire une distinction claire entre ce que les théologiens postérieurs appelleront le « concours divin », indispensable pour tous les actes, quels qu’ils soient, et l’influx surnaturel nécessaire pour rendre méritoires les actes de la vie morale. Celle exagération qui lui fait réclamer l’auxilium divinum pour tous les actes de l’homme, cunctis et singulis, l’amène d’ailleurs à une heureuse conséquence ; elle le force à reconnaître que Dieu donne sa grâce à tous, chrétiens et païens. Voir en particulier, n. 19, col. 1188-1189, le développement : Mea semper htec est ftdelis alque indubilata sententia. Notons encore un essai, qui ne se trouvait guère dans saint Jérôme, de rattacher la nécessité du secours divin au fait de la chute originelle, n. 26-27, chute qui a laissé l’humanité en état de péché : Adam générât ftlius trahentes secum seminis infidelis originale peccatum, n. 26, col. 1195 C. Enfin Orose insiste plus que ne l’avait fait Jérôme sur l’affirmation que la nature n’est pas mauvaise, mais simplement infirme. Voirsurtoutn.29. Mais, somme toute, le séjour d’Orose auprès d’Augustin a encore été trop bref, pour qu’il ait pu s’assimiler, dans sa plénitude et sa subtilité, toute la doctrine du maître. Nous allons constater une semblable impuissance dans la dernière œuvre de notre auteur, qui est aussi la plus considérable.

3° Historiarum aduersus paganos libri septem (P. L., t. xxxi, col. 663-1174 ; édit. C. Zangemeister, dans le Corpus de Vienne, t. v, p. 1-600).

1. Occasion et date.

Depuis que les vagues des invasions germaniques avaient commencé à déferler sur l’empire romain (Rome avait été prise et pillée par Alaric en 410), il ne manquait pas de gens, parmi les attardés du paganisme, pour rendre le christianisme responsable de la catastrophe où l’on sentait qu’allait s’abîmer la Res romana. Abandonnés par les chefs et par la foule, les dieux de Kome, qui en avaient autrefois assuré la grandeur, abandonnaient à leur tour l’ingrate république. — L'évêque d’Hippone avait prêté l’oreille à ces déclamations, et il avait commencé la rédaction du grand ouvrage qui allait l’occuper de longues années, la Cité de Dieu. Il entendait y répondre directement à ces clabauderies, y faire le procès de cette conception sophistiquée de l’histoire. Déjà dix livres en avaient paru ; Augustin s’occupait à la composition du onzième. Mais, distrait par tant d’autres soins, il n’avait guère le temps de faire dans les historiens du passé les recherches qui lui permettraient d'étoiïer sa démonstration. Il demanda au jeune Espagnol, maintenant revenu de l’Orient, de se livrer à ce travail, de dépouiller les œuvres anciennes pour y trouver la preuve péremptoire que le passé de la République et même du monde n’avait pas été si heureux que le prétendaient, pour les besoins de leur thèse, les pessimistes de l’heure présente, qu’il fallait en rabattre quand l’on parlait, par opposition aux misères contemporaines, des temps glorieux de jadis. Voir Orose, LIist., t. I, prol., col. 665-666.

La date de composition de l’ouvrage d’Orose est ainsi facile à déterminer. Le 1. X de la Cité de Dieu a vu le jour avant 416. Orose commence donc en 416, après son retour d’Orient ; il donne la date où il termine, t. VII, c. XLin, n. 19, col. 1174 B. Explicui… ab initio mundi usque in præsentem diem, hoc est per annos quinque mille sexcentos decem et octo (5618) (leçon de Zangemeister, p. 564, préférable à celle de P. L. :