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ORDRE. HIÉRARCHIE APOSTOLIQUE, CHARISMES


(car ce sont eux qui veillent, comme devant rendre compte de vos âmes)… Saluez tous vos préposés et tous les saints. » xiii, 7, 17, 24. Clément de Rome, qui a connu et utilisé l'épître aux Hébreux, désigne les supérieurs ecclésiastiques sous le nom de qyoû(xsvoi., i, 3 ; xxi, 6. On sait d’ailleurs que les deux expressions toùç 7rpoYiyou[z.é)ouî T/jç sxxA-qaiaç, et twv 7TpoïaTa[xé/ojv t ?jç sxxÀ'/jenaç se retrouvent dans le Pasteur d’Hermas, Vis., II, ii, 6 ; iv, 3 ; III, ix, 7, pour désigner les « anciens » de l'Église.

Il n’est pas possible d’admettre ici la thèse de Harnack, Prolegomena zur A'.Sa^Y), dans Texte und Untersuchungen, t. ii, fasc. 1, 2, p. 94, note 8, et de Sohm, Kirchenrecht, t. i, p. 28, réservant le mot de riyoûji-evoi aux prédicateurs doués de la parole. Le texte des Actes, xv, 22, pourrait être invoqué en faveur de cette opinion ; mais on doit observer qu’appliqué à Silas et à Barsabas, r)Yoô|i.svoi est un simple adjectif et non un substantif. D’ailleurs, on sait que Silas était prophète, et qu'à ce titre il avait une autorité supérieure dans la hiérarchie. Voir ci-dessus. Quoiqu’il en soit le terme yjyoô^svoi a toujours impliqué une autorité : voir, dans la version desSeptante, Ezech., xliii, 7 ; Mich., vii, 5 ; II Parai., xxxi, 13 ; I Mach., xiv, 16, et dans l'épître de Clément aux Corinthiens, v, 7 ; xxxii, 2 ; xxxvii, 2, 3 ; li, 5 ; lv, 1, cf. lxi, 1. Les riyoù^svoi « ne sont pas de simples délégués de la communauté, des prêcheurs sans autorité, des maîtres quelconques, mais des chefs qui ont droit à la soumission… Ces chefs sont des pasteurs, leurs fonctions rappellent celles des anciens ; et, de fait, parmi les judéo-chrétiens, les Églises avaient des anciens à leur tête. Toutefois, comme 7)Y 01 V eV01 a un sens très général, nous pensons que toutes les autorités, par exemple aussi les apôtres, y sont comprises avec les anciens ». Michiels, op. cit., p. 171.

Une chose frappe l’esprit, dans cette recherche des manifestations premières des pouvoirs sacerdotaux, c’est qu’il n’existe encore, dans le langage ecclésiastique de l'âge apostolique, aucun nom propre pour désigner les chefs revêtus des pouvoirs sacrés : anciens, surveillants, pasteurs, préposés, chefs, apôtres, prophètes, docteurs, évangélistes, tous ces qualificatifs de la hiérarchie stable ou itinérante ne nous disent pas par eux-mêmes les pouvoirs spéciaux de ceux qu’on appelait ainsi. Un seul mot aurait pu caractériser nettement le pouvoir sacerdotal, Ispsôç ; mais ce mot était vraisemblablement encore réservé à Jésus-Christ, seul vrai prêtre. Cf. Heb., v, 5-6 ; vi, 19-20, 26 ; xiii, 1-2 ; ix, 11-12. Les mots àpx'.spsûç et ispsôç ne s’appliqueront à l'évêque et au prêtre de deuxième rang qu’une fois la hiérarchie à trois degrés (évêques, prêtres, lévites) organisée en opposition avec la foule des simples laïques. Cf. S. Clément, Ad Cor., xl.

5° Conclusion : Caractère de pouvoir réservé inhérent au sacerdoce chrétien. — Ainsi, de toute cette étude des textes de l'époque apostolique, il résulte clairement que, dès les premières années de l'Église, la distinction entre le « clergé » et les laïques est fondée non sur une nécessité pratique de bon ordre, mais sur l’institution divine, promulguée par les apôtres. Cette conclusion va directement contre la thèse de certains protestants libéraux, renouvelée d’anciens hérétiques, selon laquelle, au début de l'Église, tous les chrétiens se considéraient comme prêtres et pouvaient, au besoin, baptiser, célébrer l’eucharistie, faire observer la discipline. C’est la thèse, avons-nous déjà dit, mise en relief par Edwin Hatch, The organization oj the early Christian Clmrch, 5e édit., Londres, 1895. Plus nous avancerons dans notre étude, et plus nous constaterons combien cette thèse se heurte aux faits de l’histoire les mieux établis.

Pour nous en tenir d’abord à l'époque strictement apostolique, il suffira de relever les textes sur lesquels certains auteurs prétendent appuyer leur étrange théorie, I Pet., ii, 5, 9 ; Apoc, v, 10 ; xx, 6, et de montrer comment ces textes, dans leur sens obvie et selon l’interprétation des saints Pères se retournent contre ceux qui en invoquent l’autorité.

Saint Pierre, rappelant une parole de l’Exode, xix, 6, écrit aux premiers chrétiens : « Soyez vousmêmes posés sur lui [le Christ] comme des pierres vivantes, un édifice spirituel, un sacerdoce saint, pour offrir des hosties spirituelles, agréables à Dieu, par Jésus-Christ… Vous êtes la race élue, le sacerdoce royal, la nation sainte, etc. » Or, dans ces textes, le sens métaphorique est prédominant. Les expressions « pierres vivantes », « édifice spirituel », « offrande d’hosties spirituelles », « race élue », « nation sainte » montrent qu’ici saint Pierre parle par métaphore, et qu’il ne faut pas, en conséquence, prendre les expressions « sacerdoce saint », « sacerdoce royal », en un sens tellement strict qu’il faille considérer tous les chrétiens indistinctement comme des prêtres. Comparez Rom., xii, 1 ; Heb., xiii, 15, 16 ; Phil., iv, 18. Cette interprétation s'étend aux deux passages de l’Apocalypse qu’on a coutume d’alléguer, saint Jean proclamant que Jésus-Christ a fait ses fidèles « rois et prêtres », paoriXsîav xal tepsîç, v, 10, et montrant que les élus seront, au ciel, « prêtres de Dieu et du Christ » et « régneront avec lui mille ans ». xx, 6.

L’interprétation des Pères les plus autorisés montre bien en quel sens il faut retenir ces expressions. On pourrait tout d’abord dire que les simples fidèles sont prêtres parce qu’ils offrent vraiment, avec le prêtre proprement dit et en union avec lui, le sacrifice eucharistique. Voir Messe, t. x, col. 1284-1285. Mais, précisément, cette participation au sacrifice eucharistique suppose, dans le chrétien, la possibilité d’offrir à Dieu ces sacrifices spirituels, improprement dits, dont il est si souvent question dans l'Écriture, sacrifice du propre corps et des convoitises, Rom., xii, 1 ; sacrifice des exercices de la vie chrétienne en général, I Pet., ii, 5 ; sacrifice de la prière, Heb., xiii, 15 ; sacrifice de la bienfaisance et de l’aumône, Heb., xiii, 16 ; Phil., iv, 18 ; sacrifice même de la foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ, Phil., ii, 17. C’est en ce sens très large que les Pères ont compris le sacerdoce et le sacrifice des simples chrétiens. Voir Origène, In Leviticum, homil., ix, 1, cꝟ. 9, P. G., t.xii, col. 508, 521 ; Clément d’Alexandrie, Adumbrationes in I Pet., P. G-, t. ix, col. 730 ; S. Ambroise, Exposilio in Lucam, t. V, 33 ; t. VIII, 52, P. L., t. xv (1845), col. 1645, 1781 ; S. Augustin, De civilate Dei, t. XX, c. x, P. L., t. xli, col. 676 ; S. Léon le Grand, Serm., iv, 1, P. L., t. liv, col. 14 ; S. Maxime de Turin, De baptismo, tract. iii, P. L., t. lvii, col. 777, 778. La doctrine des Pères est que la vie chrétienne tout entière, et dans ses détails, peut être considérée comme un sacrifice spirituel que chacun de nous doit continuellement offrir à Dieu ; et c’est pour cette offrande que tout fidèle reçoit, dans son initiation au christianisme, un sacerdoce spirituel qui fait de lui un « prêtre » au sens large du mot. Le catéchisme du concile de Trente a repris cette explication, part. III, c. vii, n. 23 sq. ; cf. Mazzella, De Ecclesia, n. 527 sq.

Mais la thèse de M. Hatch prétend s’appuyer sur des textes postérieurs à l'âge apostolique et dont le sens obvie semble nier la distinction entre prêtres et laïques. On allègue un certain nombre de cas où la prédication et l’administration du baptême étaient confiées aux laïques. Sans discuter chacun des exemples allégués sur ces deux points, nous reconnais-