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PAULIN D’AQUILÉE


dissertations grammaticales. Pour citer un exemple, il tire un excellent parti de l’explication du mot assumptio, qu’il oppose à adoptio (cf. Hefele-Leclercq, Hist. des conciles, t. m b, p. 1036, n. 1). Il ne craint pas non plus d’appuyer ses affirmations théologiques par des analogies empruntées aux choses de la —nature, procédé très conforme, il le dit lui-même, à l’humanas rationis afjectus. C’est ainsi qu’il prétend expliquer les rapports de l’âme et du corps par ceux du point mathématique et de la figure géométrique. D’autre part, tout en se défendant de rien innover en matière de foi, il revendique le droit de commenter et même de compléter les brèves formules traditionnelles, afin de donner aux ignorants les éclaircissements qui leur sont nécessaires : il justifie de cette façon l’addition du Filioque, et il ajoute que ses explications devront entrer dans l’enseignement des clercs. Conc.de Cividale. Ce souci d’instruire se retrouve même dans ses traités polémiques, où il ne fait jamais œuvre purement défensive, mais qui comportent toujours des expositions du dogme avec commentaires explicatifs. D’ailleurs, dans ses attaques, souvent assez vives, il conserve un souci de charité : il se défend de viser les intentions, et il lui arrive d’omettre, dans les listes d’hérétiques qu’il établit, ceux auxquels il s’adresse personnellement.

Ses ouvrages d’ordre moral ou disciplinaire reflètent le même caractère personnel et la même hauteur de vue. Sa morale est austère. Il veut que les laïques eux-mêmes visent à la perfection, à la « justice ». Liber exhortaiionis. Il s’emploie à maintenir la rigueur ancienne de la pénitence. Ad Heistuljum, Ad Leonem. et parfois même il aggrave les anciens canons (à Cividale, il fait étendre, même aux femmes à l’abri de tout soupçon, l’interdiction portée par le 4e canon de Nicée d’admettre des subintroductæ dans la maison des clercs), mais c’est parce qu’il est profondément persuadé de la nécessité de la satisfaction et des exigences du christianisme ; d’ailleurs, il recommande de tempérer la rigueur par la miséricorde. Ad Leonem. Il s’en prend à tous : évêques peu soucieux du devoir de résider, clercs trop portés à s’occuper du siècle, laïques influents à qui il rappelle que Dieu ne fait pas acception des personnes, et qu’ils sont responsables du salut des gens de leur maison, paysans qui célèbrent le jour du Seigneur le samedi et non le dimanche. Il expos* à Charlemagne tout un programme de gouvernement, où le prince garantira la paix et la concorde, et s’occupera même de l’administration de la chose ecclésiastique, P. L., t. xcix, col. 509, et où chacun remplira son devoir d’état, philosophos ad rerum divinarum humanarumque cognitionem, primates ad consilium…, milites ad armorum experientiam. Que le prince, rex et sacerdos, veille à tout cela. La part qu’il fait au souverain est évidemment très grande, mais, par ailleurs, les démarches de Paulin en faveur de la liberté des élections épiscopales, ses requêtes pour obtenir que les clercs soient dispensés du service des armes et autres sujétions d’ordre temporel, et le soin qu’il a de réserver le droit du Saint-Siège en matière de condamnations doctrinales, montrent chez lui un réel souci des prérogatives du pouvoir spirituel.

L’un des points sur lesquels Paulin nous donne un témoignage particulièrement précieux est le sacrement de mariage. L’indissolubilité absolue du lien matrimonial est rappelée au concile de Cividale : même en cas d’adultère, nul des conjoints ne peut contracter une nouvelle union, et pour la femme adultère cette prohibition subsiste même après la mort du mari, nt à l’exception nisi ob jornicationem indiquée dans saint Matthieu, xix, 9, elle s’applique au seul renvoi de l’épouse coupable.

On peut dire qu’Alcuin ne s’est pas trompé dans les DICT. m ririloL. cathol.

éloges qu’il adressait à son ami : Paulin méritait bien d’être appelé lux Ausonise patrisc. Il fut l’un des grands proceres sur lesquels s’appuya Charlemagne. Son style est parfois obscur et sa versification irrégulière ; il le signale lui-même, sans paraître d’ailleurs s’en préoccuper, dans son Apologia relative à la Régula fidei. Mais sa culture, tant profane que théologique, est très étendue, et il en use assez adroitement. Tout en maintenant avec respect la tradition, il sait faire œuvre personnelle et sagement novatrice. Sa réputation et son influence furent très grandes de son temps, mais par la suite on l’honora plutôt comme saint que comme écrivain. N’était-ce pas d’ailleurs l’hommage le plus conforme au caractère de cet homme si attaché à la foi, si soucieux du maintien de la morale, et dont la piété, amie des belles hymnes, s’épanchait en ferventes prières dont quelques-unes ont été conservées, non seulement dans son livre d’exhortation, mais jusque dans ses ouvrages polémiques ?

I. Textes.

Le Libellas Sacrosyllabus aétépubliépourla première fois en 1549, par Jean du Tillet, puis dans diverses bibliothèques des Pères et collections conciliaires ; VEpislola ad Heisiul/um, dans le recueil de Burchard, puis dans les collection ultérieures ; le Contra Felicem, accompagné de la Régula fidei, en 1617, par André Duchesne, à la suite des œuvres d’Alcuin ; le Liber exhortationis, dans différentes éditions de saint Augustin, à qui on l’attribuait. Mais la première édition complète fut donnée par Madrisius, prêtre de l’Oratoire : S. Paulini Opéra, Venise, 1737. Encore ne contient-elle pas les poèmes De Lazaro, De destruclione Aquilegise et De luclu pamileniia :, non plus que l’ouvrage, en grande partie inédit, dont nous trouvons un fragment dans dom Martène, Ampliss. colleclio, t. i, p. 158, et le traité In très Epislolas Pauli ad Hebrmos, resté ms. Par contre, Madrisius donne, outre une multitude de notes, une Vita Paulini écrite par lui-même, une seconde Vita plus brève due à Nicoletti, les Actes du concile de Cividale de Frioul, six dissertations et deux appendices contenant, en particulier, des diplômes et des documents relatifs au culte rendu à Paulin. Migne reproduit l’édition de Madrisius, dans P. L., t. xcix, col. 9-683. L’ordre dans lequel sont donnés les ouvrages de Paulin est le suivant : Libellas Sacrosyllabus, col. 151-166 ; Ep. ad HeisiulL, col. 181-186 ; Lib. exhort, col. 197-282 ; Concil. Foro/uL, col. 283-302 ; Contra Felicem, précédé d’une Episl. ad Carol. reg. et suivi d’un fragment d’envoi au même souverain, col. 343-468 ; Régula fidei, suivie de V Apologia adressée à Alcuin, col. 467-472 ; Hymni et Rhytmi (De cath. rom. S. Pétri, Jn natale sanctorum Pétri et Pauli, De resurr. Dom., De sancto Simeone, De sancto Marco, De dedicat. eccl., De naliv. Dom.), col. 479504 ; trois fragments d’épîlres à Charles (Ad Carol. reg., De recioribus, Ad Carol. imper.), col. 503-509 ; le fragment d’épîlre Ad Leonem, col. 509-510 ; VEpistola ad Carol. reg. relative au prétendu concile d’Altino, col. 511-516 ; De Herico duce, col. 683, 684 (à la fin du 2’appendice).

Les poèmes de Paulin ont été édités plus récemment et au complet, y compris les pièces douteuses, par Dummler, Mon. Gcrm. hist., Poel. latin, mv. karol., t. I, 1881, p. 126148. Le même éditeur a donné également, ibid., Episl. karol. mv., t. ii, 1895, p. 516 sq., ce qui reste des lettres de Paulin à Charlemagne et au pape Léon, ainsi que la lettre à Heistulfe.

Les Actes du concile de Cividale de Frioul sont donnés dans les collections conciliaires, entre autres dans Mansi, t. xiii, col. 830-856, et dans les Mon. Germ. hist., Conc. mv. Karol., éd. Wirminghoff. p. 177-95.

Le Liber exhortaiionis a été traduit en français par Sic » s mond RopartE sous le titre : Le livre des salutaires dm trlnes, Paris, 1844. Cette traduction est accompagnée d’une étude inspirée de Madrisius.

IL Notices et travaux. — Baronius, Annales..m. 791. n. 3-6 ; an. 802, n. 7, 11-13 ; Bol landus, /le la snncf.Janv. t. i". 1643, col. 713-718 ; du Boulay, Hist. unit ;. Paris, t. i, 1665. col. 628 ; Fabricius, Bibl. græca, t. Vin, 1718, p. 400-410 ; i. Put. Mcd..i : v., 1721, p. 214 ; J. F. Madrisius, Vita, dans.V. Paulini Oprra, Venise, 1 l’.<, l. ouvrage reproduit daOl P, /…t.xcix, col.17-130 : 711.vMitLrfr fa France, t. IV, I p. 284-295 ; Ceillicr, Hist. gén. des ont. eccl., t. wiu. 17..2, p. 157-164 ; (linv. I>c-lr. delln SI lia. Lfl vitadi S, PaolÙto, l>n lrinrc.d, Aquilri., ennlastorindel*uociiUn, mw, ~K> : } ! rbT.

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