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PAULIN DE VENISE — PAVIE DE FOURQUEVAUX
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parfois par nos adversaires comme symptôme d’un séparatisme égoïste, doit sa naissance à l’expérience qui prouve que nos coreligionnaires, à cause de leur parenté d’esprit, la plus proche de toutes, se rallient spontanément et s’inspirent de préférence de la consigne de l’Église, tout en constituant, grâce à cette union particulière d’efforts, une force puissante, conservatrice de l’ordre et de la société. On l’a vu en 1903, alors que les cheminots chrétiens ont empêché la grève générale des chemins de fer, déclenchée par les socialistes avec des arrière-pensées politiques ; on l’a vu encore en 1918, lorsque les libéraux allaient céder aux socialistes, qui annonçaient que le moment où ils devaient s’emparer du pouvoir était arrivé.

C’est surtout dans l’organisation de la jeunesse catholique qu’on peut constater le caractère patriarcal du système. L’association comprend plus de 200 000 membres, répartis dans des patronages et des cercles pareils, ce qui prouve qu’il s’agit plutôt de l’éducation complète de la jeunesse que d’un mouvement de jeunesse proprement dit. C’est pourquoi les étrangers, réunis à La Haye, au congrès international des associations catholiques de la jeunesse, admiraient cette belle organisation des Hollandais, mais ils se demandaient où donc était la jeunesse dont on s’occupait. Ces derniers temps on a commencé à admettre une forme d’éducation plus libre pour les « éclaireurs » et certains autres groupes. Comme correctif de cette formation plutôt collective de la jeunesse, à laquelle on s’intéressait d’abord exclusivement, signalons deux initiatives remarquables, relativement aux jeunes ouvrières. Il y a d’abord la Croisade eucharistique, d’origine flamande ; l’abbé Frencken, de Bréda, l’a adaptée davantage à la vie pratique et aux nécessités sociales, l’a appropriée au naturel impulsif de la jeune fille et mise en rapport avec l’avenir de celle-ci comme mère de famille. Soutenu par les industriels autant que par les ecclésiastiques, cet apostolat a pour but de renouveler la société par la formation d’une élite et veut partir de la coopération volontaire de l’enfant elle-même. L’œuvre a ses maisons à elle, organisées avec un goût sobre et exquis à la fois en vue de petites réunions des membres ; elle dispose encore de salles annexes aux usines où, déjà, on constate que le ton et l’esprit des jeunes ouvrières se sont renouvelés. L’autre œuvre, tout à fait originale, c’est le Graal, qui, au diocèse de Harlem, s’occupe des jeunes filles travaillant aux ateliers et aux magasins. Elle est dirigée parles Dames de Nazareth, dont plusieurs ont reçu une formation universitaire, qui vont travailler dans les ateliers pour en connaître l’atmosphère ; elles forment une congrégation de religieuses travaillant au milieu du monde avec tous les moyens modernes.

VII. Une oasis industrielle.

C’est faire preuve d’une conception surannée que de diviser la Hollande en deux parties bien distinctes : le Nord protestant et le Sud catholique. En effet, d’un côté la majorité des catholiques habite dans les villes commerçantes du Nord, de l’autre côté les industries du Sud attirent des protestants de plus en plus nombreux. Dans la partie la plus méridionale du Limbourg hollandais des villages qui ne s’occupaient que d’agriculture sont devenus sans aucune transition, par suite des charbonnages, des centres industriels. Malgré toutes les difficultés inhérentes à cette crise aiguë, tout s’arrangea si bien que non seulement la population autochtone a subi, sans défection en masse, l’attaque du socialisme, mais que les catholiques y ont toujours la haute main sur la vie publique.

Ce phénomène semble >très rare, peut-être même unique au monde ; il est d’autant plus remarquable, que l’industrie de cette région est extraordinairement bien outillée et très productive, et que les conditions de

travail sont plus favorables que celles de tous les districts miniers. Aussi n’est-il pas étonnant qu’on espère que le Limbourg deviendra le point de départ d’un revirement dans le mouvement ouvrier d’autres pays. Tout d’abord le nombre des nouvelles églises a pu suivre les sautes capricieuses de l’accroissement de la population. Seulement les ouvriers se méfient des subventions accordées par les directeurs des mines aux entreprises des ecclésiastiques ; ils voient là un moyen employé par les compagnies pour enchaîner le clergé au capitalisme. Il est possible que le fait, d’ailleurs très regrettable, que la plupart des directeurs ne soient pas catholiques ait favorisé l’exercice indépendant du ministère des âmes et les relations mutuelles entre la population et ses prêtres. Ceux-ci, dès qu’il s’est agi de fonder de nouvelles paroisses par dizaines, ont vu accourir les ordres religieux, jeunes et vieux. Telle colonie minière, eh baraques, n’apparut pas plus tôt, qu’une église et un presbytère provisoires furent construits, demeures du bon Dieu et du prêtre parmi les pauvres fils des hommes, attendant avec eux une installation plus confortable. Grâce à cette activité, on ne rencontre que d’une manière exceptionnelle des hommes sans pratique religieuse, et les socialistes n’ont guère pu attirer à eux que des mineurs immigrés.

Ces résultats heureux doivent être attribués au fait que les moyens naturels et surnaturels ont agi de concert. Ce fut une grâce particulière de la Providence que l’arrivée, en 1910, de Mgr Poels sur ce point menacé du Limbourg catholique. Ancien professeur d’Écriture sainte à Washington, il est un personnage dont l’importance dépasse de lo in les bornes de sa petite patrie, homme franc et loyal, doué d’une prévoyance remarquable et d’un courage viril. Il faut l’avoir entendu, lorsqu’il enseigne à fond, dans ses « entretiens du soir », aux ouvriers, les principes de la sociologie chrétienne, d’une façon aussi amicale que solide. Il trouvait que l’on s’était tu trop longtemps sur Mammon et que les ouvriers devaient comprendre clairement que l’Église, loin de s’identifier avec la société actuelle, défendait leurs véritables droits. De même que les apologistes des siècles précédents avaient à réfuter l’accusation portée contre elle d’être l’ennemie de l’État ou de la science, ainsi il fallait aujourd’hui prouver que le catholicisme n’était pas l’ennemi du peuple. Puis, Mgr Poels n’omettait pas de déclarer que l’association des ouvriers catholiques, dont il est le conseiller ecclésiastique, n’était point une association ecclésiastique, mais qu’elle réalisait un mouvement social selon les normes établies par Léon XIII. Éloquent orateur, écrivain remarquable, il ne s’est cependant pas contenté de paroles : fondations innombrables, foyers pour ouvriers non mariés, institut d’éducation sociale (qui prépare des jeunes filles pour toutes sortes d’entreprises sur le terrain social), témoignent de son énergie féconde et de ce talent d’organisation, grâce auquel il a su apprécier et choisir les meilleurs collaborateurs tant parmi les laïques (même non catholiques) que parmi le clergé ; sept prêtres se sont trouvés être de vaillants « aumôniers du travail ». Le chef-d’œuvre de sa prévoyance sociale, c’est la solution qu’il a donnée au problème du logement. Grâce à une combinaison qu’on peut qualifier de géniale, il put fonder une double société : l’une, qui s’appelle Ons Limburg (Notre Limbourg) s’emploie à construire des maisons, l’autre, qui porte le nom significatif de Tydig (A temps 1), pour prévenir le surenchérissement, achète de grands terrains, et les revend à Ons Limburg. Ainsi on a pu bâtir 8 000 demeures saines et belles, chacune pour une famille, disséminées sur la contrée par groupes pittoresques, visitées régulièrement par des inspectrices (celles-ci formées à l’institut d’éducation sociale dont nous avons parlé plus haut). De la sorte on a prévenu le