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    1. PRIMAUTÉ##


PRIMAUTÉ. LE GRAND SCHISME

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cile œcuménique. Le vieux droil canonique est de la part de Durand l’objet d’un culte fervent ; il a un idéal Juridique très élevé ; malgré les hardiesses de sa pensée,

on ne peu ! prétendre qu’à ses eu le concile général détient l’autorité suprême dans l’Église ; en tout cas, il ne le dit pas expressément. Jean de Paris (Jean Quidort, f 1306) avait osé davantage, puisque, selon lui, le pape ne doit procéder à des mesures nouvelles, nisi cum magna maturitate et habita prias concilio generali et discussione facta ubique per titleralos. De potestate. regia et papali, dans Goldast, Monarchia, t. n. p. 143.

Avec le Grand Schisme, de telles théories devaient fatalement rencontrer une faveur considérable. Pierre d’Ailly et Jean Le Charlier de Gerson vont s’en inspirer pour construire leurs systèmes de réforme in capile et in membris. S’ils se défient de Marsile de Padoue, ils font confiance à Occam, le venerabilis incœplor, et à Nicolas de Clam anges († 1137), leur ami.

Pierre d’Ailly († 1420) enseigne que la subordination de l’Église au pape n’est qu’accidentelle ; car c’est du Christ et non du pape que découle la juridiction des évêques et des prêtres ; l’évêque de Rome est la tête de l’Église, mais en tant que principaiis inler minislros…, minislcrialiter exercens, administraliter dispensons. De Ecclesise, ennr. gen. et sum. pontif. aurtoritale, dans Gerson, Opéra, t. ii, col. 928, 931, 958. Du reste, la primauté a passé d’Antioche à Rome, avec Pierre ; elle n’est donc pas attachée à un siège. On peut toujours en appeler du pape au concile général quand il y va du bien commun, car le concile général est supérieur au pape, peut le juger, le condamner et, si besoin en est, le déposer. Utrum Pétri Ecclesia lege regulctur…, ibid., t. i, col. 668669, 690, 691 ; i f. t. ii, col. 951 sq. Pour d’Ailly, en définitive, l’Église est pourvue d’un régime non pas monarchique, mais aristocratique. Voirl’art. Ailly (Pierred’) t. i, col. 642-654.

Gerson († 1429), le docteur très chrétien, n’est pas l’adversaire de la primauté du pape ; à cet égard, il est probablement moins aventureux que Pierre d’Ailly. Il accorde que l’évêque de Rome jouit d’une primauté réelle, monarchique, instituée par le Christ lui-même. Mais ce n’est pas à dire que le pape soit l’évêque universel, et que, comme tel, il jouisse d’un pouvoir immédiat sur toutes les Églises et sur tous les fidèles : la puissance est en lui subjective et exPeutive. Ce pouvoir exécutif de lier et de délier, cette juridiction instrumentale et opérative est sous le contrôle et la dépendance de l’Église universelle, pratiquement, du concile général, qui peut être convoqué par le premier chrétien venu et auquel peuvent être appelés, pour y délibérer, non seulement les évêques, mais aussi les simples prêtres et les curés, voire, à certains égards, tous les fidèles. Opéra, t. n. De auferibilitate papæ et De potestate ecclesiastica, col. 201 sq., 2 19 sq., 529 sq. Voir l’art. Gerson, t. vi, col. 1313-1330. Nous voilà, quant à présent, bien plus loin que d’Ailly.

2. En attendant, et tandis que se prolonge le Grand Schisme, le rôle du pouvoir civil dans l’Église s’accroît outre mesure, s’ingérant, sans délai, entre la papauté divisée et l’intervention hypothétique du concile œcuménique. Gerson. d’ailleurs, prêche le devoir qu’a tout chrétien de se rallier à son prince dans ces heures troublées, et à plusieurs reprises l’université de Paris blâme et accuse de lèse-majesté ceux qui n’acceptent pas les décisions royales dans les affaires du schisme. Bientôt, de fait, la « soustraction d’obédience prive Benoit XIII de ses derniers partisans : on lui retire la collation des offices et bénéfices ecclésiastiques que déjà le prince tient en main. Puis les ordonnances royales du 18 février 1407 substituent entièrement le roi au pape dépossédé. Un nouveau régime s’instaure. avec l’approbation des docteurs, Simon de Cramaud

et Gerson en tête. On hésite cependant à mettre sur pied une véritable Hglise nationale : on n’ose rien promulguer ; enfin, Benoit XIII ayant menacé, le 19 mai

1 107, le roi de France d’une excommunication majeure éventuelle, on passe outre : on publie officiellement les ordonnances, le 15 mai 1408. Tout un ensemble de décrets et d’articles complémentaires, règlent, en octobre suivant, l’organisation de l’Église de France, Courtecuisse et Ursin de Talevende ayant d’ailleurs déclaré que Benoît X 1 1 1 a perdu sa légitimité du seul fait des attaques qu’il s’est permises contre le roi. Ainsi se constituent, dans cette crise, les libertés de l’Église gallicane : du despotisme de la curie on est passé à l’absolutisme du pouvoir royal.

3. En vain tentera-t-on. en 1 10’t. d’appliquer aux maux de l’Église un remède estimé plus efficace, en déposant, au concile de Pise, les deux papes rivaux ; on n’aboutit qu’à la formation d’une troisième obédience : le remède est pire que le mal.

Le concile de Constance faillit bien être plus pernicieux encore (1414-1418). On a fait justement observer qu’une institution temporelle eût sans doute succombé à pareille crise et que la reconstitution de l’unité dans de telles circonstances est une merveille qui retient l’admiration de l’historien le plus étranger à la foi chrétienne.

Le concile de Constance parvint à mettre fin au schisme, c’est un fait : Martin V (1417-1431) devint pape légitime et fut reconnu comme tel par la chrétienté, qui jamais n’avait accueilli l’idée d’une multiplicité d’obédiences et demeurait attachée à l’unité ; c’est là un résultat positif qui s’inscrit au compte de la primauté romaine. D’autre part, le concile consacra de nombreuses sessions à l’examen, à la discussion et à la condamnation des erreurs de Wiclef, de Jean Hus et de Jérôme de Prague, erreurs qui, par certains côtés, étaient nettement opposées à la constitution de l’Église et à l’autorité de son chef.

Mais l’assemblée tumultueuse et bigarrée de Constance prétendit préluder à la réforme de l’Église, en adoptant les théories conciliaires soutenues par les Français Pierre d’Ailly et Jean Gerson, par les Allemands Langenstein et Gelhausen, par l’Italien Zarabella. Plusieurs, Zarabella, d’Ailly et Gerson, d’abord, sont là, et agissent personnellement sur les délibérations. Dans les ive et ve sessions fut proclamée la supériorité du concile sur le pape : Le concile de Constance, légitimement assemblé dans le Saint-Esprit, formant un concile œcuménique et représentant l’Église militante, tient sa puissance immédiatement de Dieu ; et tout le monde, y compris le pape, est obligé de lui obéir en ce qui concerne la foi, l’extinction du schisme et la réforme de l’Église dans son chef et dans ses membres. »

Malgré ce qu’il a d’absolu dans l’expression — les hommes, surtout s’ils appartiennent à l’Église éternelle, légifèrent volontiers dans l’absolu — ce décret pris tel quel s’atténue notablement, pourvu qu’on le replace dans les circonstances où il fut rédigé et promulgué, alors qu’il y avait doute sur la légitimité des papes en présence. En outre, il s’en faut que l’unanimité ait été acquise à ce texte fameux, et il n’est pas sûr même que d’Ailly s’y soit rallié ; le vote a eu un caractère nettement irrégulier et tumultueux. D’ailleurs, jusqu’au concile (le Bâle, que suivront plus tard les gallicans, personne ne s’avisa de voir là une décision doctrinale authentique. Enfin et surtout, l’approbation du pape Martin Y, indispensable pour donner à une session le caractère dïccuménicité et à un décret uuvaleur décisive, a été expressément restreinte aux sessions tenues conciliariter, de même qu’aux décrets portés in fauorem fidei et salutem animarum. Or. on a pu disentei’sur le caractère « conciliaire « des sessions