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    1. PRÉMOTION PHYSIQUE##


PRÉMOTION PHYSIQUE. CE QU’ELLE N’EST PAS

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du terme « prémotion, c’est uniquement pour mon lier que la motion dont ils parlent est une vraie motion qui applique la cause seconde à agir, et non pas un simple concours simultané.

Celui-ci ne représcnte-t-il pas l’extrême opposé de l’occasionnalisme et <lu déterminisme ou fatalisme ? Si, en effet, le concours divin est seulement simultané, il n’est plus vrai de dire : Dieu meut les causes secondes à agir, puisqu’il ne les applique pas à leurs opérations. Nous n’avons plus, ici, que deux causes partielles coordonnées, et non pas deux causes totales subordonnées dans leur causalité même, comme l’avait dit saint Thomas, I a, q. cv, a. 5, ad 2 uni, et q. xxiii, a. 5, corp. Bien plus, Molina dit expressément, Concordia, q. xxiii, a. 4 et 5, disp. I, membr. 7, ad 6um, p. 476 : « Pour nous, le concours divin ne détermine pas la volonté à donner son consentement. Au contraire, c’est l’influx particulier du libre arbitre qui détermine le concours divin à l’acte, selon que la volonté se porte à vouloir plutôt qu’à ne pas vouloir, et à vouloir ceci plutôt que cela. » Les causes secondes, loin d’être déterminées par Dieu à agir, déterminent par leur action l’exercice même de la causalité divine, qui, de soi, est indifférent.

Mais, s’il en est ainsi, il y a quelque chose qui échappe à l’universelle causalité de l’agent premier, car enfin l’influx exercé par la cause seconde est bien quelque chose, c’est une perfection pour elle de passer à l’acte, c’est même une perfection si précieuse que tout le molinisme est construit pour la sauvegarder, et si délicate que Dieu même, nous dit-on, ne saurait y toucher.

La grande difficulté est celle-ci : comment la volonté, qui n’était qu’à l’état de puissance, a-t-elle pu se donner par elle seule cette perfection qu’elle n’avait pas ? C’est dire que le plus sort du moins, ce qui est contraire au principe de causalité et au principe de l’universelle causalité de l’agent premier. Saint Thomas a pensé que, pour réfuter le déterminisme, loin de porter atteinte au principe de causalité, il faut insister sur l’efficacité transcendante de la cause première, seule capable de produire en nous et avec nous jusqu’au mode libre de nos actes, puisqu’elle est plus intime à nous que nous-mêmes, et puisque ce mode libre de nos actes est encore de l’être et relève à ce titre de celui qui est cause de toute réalité et de tout bien.

Bien plus, disent les thomistes, si le concours divin, loin de porter infailliblement la volonté à se déterminer à tel acte libre plutôt qu’à tel autre, est déterminé lui-même par l’influx particulier du libre arbitre à s’exercer dans tel sens plutôt que dans tel autre, c’est le renversement des rôles : Dieu, dans sa prescience et sa causalité, au lieu d’être déterminant, est déterminé ; c’est-à-dire que sa science (moyenne) prévoyant ce que tel homme choisirait s’il était placé en telles circonstances, loin d’être cause de la détermination prévue, est déterminée et donc perfectionnée par cette détermination qui, comme telle, ne vient nullement de Dieu. Or, il n’y a rien de plus inadmissible qu’une passivité ou une dépendance dans l’Acte pur, qui est souverainement indépendant et ne peut recevoir de perfection de quoi que ce soit.

C’est la grande objection contre les théories molinistes de la science moyenne et du concours simultané comme nous l’avons montré ailleurs ; Le dilemme.Dieu déterminant ou déterminé, dans Revue thomiste, juin 1928, p. 193-211 ; voir aussi : Dieu, son existence et sa nature, 5e éd., p. 849-879.

4° La motion divine serait-elle une prémotion indifférente, par laquelle Dieu nous déterminerait seulement à un acte indélibéré, de telle sorte que le libre arbitre. par lui seul, se déterminerait et déterminerait la motion divine à produire tel ou tel acte libre en particulier ? Ainsi l’ont pensé certains théologiens, en par ticulier L. Billot, De Deo uno, paît. U.c. i, Descienlia Dei.

Les thomistes répondent (cf. V del Prado, O. I J.. Dr f/rutiii ri libero arbitrio, t. in. 1907, p. 162) : cette

théorie reste solidaire de celle de la science moyenne et se heurte à plusieurs des difficultés signalées contre la précédente. Quelque chose de réel échapperait encore à l’universelle causalité de Dieu ; une détermination apparaîtrait indépendamment de la détermination souveraine, qui est celle de l’Acte pur, un bien fini indépendamment du Bien suprême, une liberté seconde, agirait indépendamment de la liberté première. Ce qu’il y a de meilleur dans l’œuvre du salut, la détermination de notre acte salutaire, ne viendrait pas de l’auteur du salut. Saint Paul dit au contraire : Deus est qui operatur in vobis et velle et perficere pro bona voluntate. Phil., ii, 13 ; Quis enim te discernit’.' Quid autem, habes quod non accepisti’.' I Cor., iv, 7. Saint Thomas dira équivalemment en formulant le principe de prédilection : « Comme l’amour de Dieu est la cause de tout bien, nul ne serait meilleur qu’un autre, s’il n’était plus aimé et plus aidé par Dieu : Ctim amor Dei sit causa bonitatis rerum, non effet aliquid alio melius, si Deus non vellet uni majus bonum quam alleri. » I’, q. xx, a. 3. Cette doctrine de la prémotion indifférente, comme celle du concours simultané, ne peut résoudre le dilemme : « Dieu déterminant ou déterminé, pas de milieu. » Qu’elle le veuille ou non, elle conduit à poser une passivité ou une dépendance dans l’Acte pur, surtout dans sa prescience (science moyenne) à l’égard de nos déterminations libres, même les meilleures, qui, comme déterminations libres, ne viendraient pas de lui. Par rapport à elles, Dieu ne serait pas auteur, mais spectateur.

Pour ces raisons, les thomistes admettent que (Dieu étant cause première de tout ce qui existe, à l’exception du péché) même à l’égard de nos actes libres salutaires, les décrets divins sont de soi infailliblement efficaces ou prédéterminants et que la motion divine, qui assure infailliblement leur exécution, n’est pas indifférente, indéterminée, mais nous porte infailliblement à tel acte salutaire, efficacement voulu par Dieu, en produisant en nous et avec nous jusqu’au mode libre de cet acte. Nous verrons plus loin que cet enseignement est pleinement conforme à celui donné par saint Thomas, b q. xiii, a. 5 et 8 ; q. xix, a. 4 ; a. 6, ad l 11 ™ ; q. xix, a. 8 ; q. lxxxiii, a. 1, ad 3um ; I » -II®, q. x, a. 4, ad 3um ; q. lxxix, a. 2 ; De veritate, q. xxii, a. 8 et 9. Les thomistes n’emploient donc l’expression « prémotion physique prédéterminante » que pour exclure les théories du concours simultané et de la prémotion indifférente. Si ces théories n’avaient pas été proposées, comme le fit remarquer plusieurs fois Thomas de Lémos, les thomistes se contenteraient de parler comme saint Thomas de motion divine, car toute motion comme telle est prémotion, et toute motion divine, comme divine, ne saurait recevoir une détermination ou perfection que sa causalité ne contiendrait pas virtuellement. C’est toujours l’inévitable dilemme : « Dieu déterminant ou déterminé. »

5° La motion divine est-elle une assistance purement extrinsèque de Dieu, ou son action identique a son essence, sans qu’il y ait rien de créé qui soit reçu dans la puissance opérative de la créature, pour la faire passer à l’acte, par exemple pour faire produire à notre volonté un acte vital et libre ?

Quelques théologiens l’ont pensé, comme les cardinaux Pecci et Satolli, sous Léon XI fi, ainsi que, après eux, Mgr Paquet, et Mgr.lansens. 0. S. H. Ces théologiens enseignent bien, contre les molinistes et les suaréziens, que la science moyenne est inconcevable et que l’influx divin nécessaire à l’acte libre est une motion intrinsèquement efficace. Mais ils ajoutent, en