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    1. PRÉMOTION PHYSIQUE##


PRÉMOTION PHYSIQUE. LA PENSÉE DE S. THOMAS

tive créée, pour l’appliquer à agir. C’est dont une motion distincte, el de l’action incréée qu’elle suppose, et de notre action qui la suit au même instant. La grâce efficace n’est ni Dieu, ni l’acte salutaire auquel elle est ordonnée. Ainsi notre action reste bien nôtre : elle n’est pas créée en nous ex nihilo, mais procède vitalement de notre faculté appliquée à agir par la prémotion divine.

2. C’est une motion physique, quoad exercitium artus, et non pas morale, ou quoad specifteationem par l’attrait d’un objet proposé. De tous les agents distincts de notre volonté, Dieu seul du reste peut la mouvoir ainsi intérieurement selon l’inclination naturelle au bien universel, que lui seul a pu lui donner. Sous cette motion, elle se meut elle-même.

3. C’est une prémotion, à raison d’une priorité non de temps, mais de raison et de causalité.

4. Elle est prédéterminante, selon une prédétermination causale distincte de la détermination formelle de l’acte qui la suit ; c’est-à-dire qu’elle meut notre volonté par une efficacité intrinsèque et infaillible à se déterminer à tel acte bon déterminé plutôt qu’à tel autre. La détermination à l’acte mauvais, étant elle-même mauvaise, déficiente, vient à ce titre non de Dieu, mais de la liberté défectible et déficiente. La motion divine prédéterminante n’est pourtant pas nécessitante, car, comme les décrets divins prédéterminants, dont elle assure l’exécution, elle s’étend jusqu’à produire en nous et avec nous le mode libre de nos actes, qui est encore de l’être et tombe ainsi sous l’objet adéquat de la toute-puissance, en dehors duquel il n’y a que le mal.

IV. Cette notion de la motion divine est-elle

CONFORME A LA PENSÉE DE SAINT THOMAS ? TOUS

les textes du saint Docteur que nous avons cités, pour expliquer ce que n’est pas cette motion et ce qu’elle est, suffisent à prouver qu’il en est ainsi. Par manière de synthèse et pour éviter au lecteur la peine de les recueillir, rappelons ici les principaux de ces textes et quelques autres importants. La nécessité d’être précis et de répondre à certaines objections oblige à quelques redites.

Efjcctus determinati ab infinita ipsius (Dei) perfectione procedunt, secundum delerminalionem voluntatis et intellcclus ipsius. D, q. xix, a. 4. Voilà le décret éternel prédéterminant, élection de la volonté divine, suivie de I’imperium de l’intelligence divine ; or, la motion divine assure l’exécution de ce décret dans le temps ; c’est en ce sens qu’elle est dite prédéterminante.

Peu après, saint Thomas s’objecte, I a, q. xix, a. 8, 2 a obj. : Sed voluntas Dei non potest impediri. Ergo voluntas Dei imponit rébus volitis necessitatem ; c’est l’objection toujours renouvelée contre les décrets divins prédéterminants. Saint Thomas répond : Ex hoc ipso quod nihil voluntati divinæ résistif, sequitur quod non solum fiant ea quee Deus vult fieri, sed quod fiant contingenter vel necessario qute sic fieri vult. Le décret divin prédéterminant, loin de détruire la liberté de notre choix de par son infaillible efficacité, la produit en nous de par cette efficacité transcendante qui n’appartient qu’à lui et qui s’étend jusqu’au mode libre de notre élection, car ce mode, qui est l’indifférence dominatrice du vouloir à l’égard d’un bien mêlé de non-bien, est encore l’être, et il tombe ainsi sous l’objet adéquat de la puissance divine, tandis que le désordre du péché ne saurait y tomber.

Voir encore I a, q. lxxxiii, a. 1, ad Z xua : El sicut naturalibus causis, movendo eas, non auferl (Deus) quin aelus earum sint naturales ; ita, movendo causas volunlarias. mm <ui/rrl quin actiones earum sint voluntarise, sed potius hoc in eis facil.

Sur l’infaillible efficacité des décrets prédéterminants et de la motion divine, saint Thomas écrit dans

le Conlr. gent., I. III, c. xcil : Operatio angeli est solum sicut disponens ad electionem (noslram) ; operatio autem Dei est sicut perpétras… Xon semper homo eligit id quod angélus custodiens intendit… ; semper lamen hoc homo eligit quod Deus operatur in ejus voluntate… Unde custodia angelorum interdum cassalur…, divirvi vero providentia semper est firma. VA I. I, c. lxviii : Omnia igitur Drus cognoscil, suam essenliam cognoscendo, ad quæ sua causalitas extenditur. Extenditur autem ad operationes intellcclus et voluntatis… Cognoscil igitur Deus et cogilaliones et affectiones mentis. Il connaît nos affections non pas indépendamment de sa causalité, mais dans sa causalité qui s’étend jusqu’à nos affections les plus intimes. S’agit-il même de nos élections libres ? Nul doute. Saint Thomas écrit, ibid., t. III, c. xci : Oportet omnium voluntatum et electionum molus in divinam voluntatem reduci, non autem in aliquam aliam causam, quia solus Deus noslrarum voluntatum et electionum causa est. Il s’agit de nos élections ou choix libres, comme élections et non pas seulement comme actions, car il s’agit de leur détermination libre que Dieu connaît en tant qu’il la cause en nous et avec nous, comme il a été dit dans le texte précédent. Cf. Quodl., xii, a. 6.

Saint Thomas, rappelons-le, s’objecte, I 1, q. xxiii. a. 1, l a obj., que le Damascène a écrit (Deorlh. fide, t. II, c. xxx) : Præcognoscit (Deus) ea quæ in nobis sunt, non autem prédéterminât. Il répond, ibid., ad l u " : Damascenus nominal prædeterminationem impositionem necessitatis, sicut est in rébus naturalibus, quæ sunt prædeterminalæ adunum. Quod patel ex eo quod subdil : « Non enim vult malitiam, neque compellit virtutem. » Unde prœdestinatio non excluditur. Saint Thomas dit de même Cont. gentes, t. III, c. xc, in fine : Damascenus dicil in l. II De orlh. fide, c. XXX, quod ea quæ sunt in nobis Deus prœnoscit, sed non prædeterminal ; (hœc verba) exponenda sunt, ut intelligantur ea quæ sunt in nobis divinæ providenliæ determinalioni non esse subjecta, quasi ab ea necessitate accipientia.

Bien avant Bancs, Sylvestre de Ferrare avait noté ici dans son commentaire sur le Conlr. génies, 1. III. c. xc, in fine : Gregorius Xyssenus in libro De homine el Damascenus in l. II De orlh. fide, videntur dicere quod ea quæ sunt in nobis divinæ providenliæ non subsint. — Sed respondet (sanctus Thomas) quod nihil aliud intendunt quam quod ea quæ in nobis sunt a divina delerminalione necessitatem non recipiunt.

Comme l’écrivait récemment le P. Synave, O. P. : Prédélermination non nécessitante et prédélermination nécessitante, dans Revue thomiste, janv. 1927, p. 74 : « Ce qui est hors de doute, c’est la pensée même de saint Thomas : Ea quæ sunt in nobis divinæ providentiæ determinalioni non esse subjecta, quasi ab ea necessitatem accipientia. Saint Thomas admet donc une détermination divine non nécessitante : les volontés et les choix de l’homme sont soumis à la détermination de la divine providence, sans que cette détermination leur impose de nécessité. Il n’est pas juste d’écrire que, « selon l’usage constant de saint Thomas l’idée de nécessité est inhérente au verbe determinare ». L’équation non ex necessitate determinare = non determinare n’est pas exacte… Peut-on du moins avancer, que determinare ex necessitate ad unum n’est qu’une expression plus claire et plus appuyée pour dire la même chose que determinare ad unum.’Pas davantage. Un second texte, aussi formel que le précédent, va nous montrer que cette équation est aussi fausse que la précédente, dont elle n’est qu’une variante par l’adjonction, dans les deux termes comparés, de l’expression ad unum. A saint Jean Damascène, qui affirme : Quæ in nobis sunt, non providenliæ sunt, sed sunt nostri liberi arbilrii, saint Thomas répond (De oeritale, q. v, a. 5, ad l un) : Vcrbum Damasccni non est intelligendum