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2817 ROIS (LIVRES III ET IV DES). VALEUR HISTORIQUE

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pour démontrer que Dieu avait été très juste en châtiant sévèrement les Israélites et en mettant fin au royaume théocratique ; n’est-ce pas également le but des IIIe et IVe Livres des Rois, rappelant sans cesse la menace du châtiment réservé à l’infidélité?

A l’encontre de ces arguments les raisons ne manquent pas pour prouver que Jérémie ne saurait être l’auteur des deux derniers Livres des Rois. — a) Si celui-ci, en effet, résidait à l’est de l’Euphrate, comme on le conjecture d’après III Reg., iv, 24 (col. 2815), ce ne peut être Jérémie, qui, à la suite du meurtre de Godolias, fut contraint de s’exiler avec ses compatriotes en Egypte, où probablement il mourut. Jer., xltii, G. La tradition juive conservée dans le Talmud et d’après laquelle Nabuchodonosor aurait fait conduire le prophète d’Egypte en Babylonie ne correspond guère aux faits. Cf. le titre du ps. lxiv, d’après la Vulgate. — b) A l’argument littéraire des affinités de style et de langage, s’oppose l’absence dans les oracles du prophète de nombreuses expressions caractéristiques des Livres des Rois, ce qui rend peu probable la composition des deux ouvrages par un seul et même auteur. — c) En dehors de la lutte entre Jahvé et Baal dans le royaume du Nord, dans laquelle Élie et Elisée interviennent d’une manière décisive, ce n’est qu’incidemment qu’est rappelé le rôle des prophètes. Il est certain, par exemple, qu’Isaïe ne tient pas dans les Livres des Rois la place qui fut la sienne dans l’histoire de son temps d’après le recueil de ses prophéties, à plus forte raison Jérémie qui n’est même pas l’objet d’une simple mention. Si donc Jérémie n’est pas l’auteur des Livres des Rois, il est vraisemblable que celui-ci appartenait au milieu qui subissait l’influence du prophète et ainsi s’expliqueraient les analogies de pensée et de style des deux ouvrages.

.Moins probables encore les hypothèses qui font de Baruch, d'Ézéchias, d’Isaïe ou même d’Esdras l’auteur des Livres des Rois.

V. Valeur historique.

L’autorité du témoignage apporté par les Livres des Rois n’est point compromise par l’incertitude qui subsiste au sujet de la date de leur rédaction et de la personne de leur auteur. Elle est garantie, en effet, par le caractère même des documents utilisés, par la comparaison avec les récits parallèles d’autres livres de la Bible surtout des Paralipomènes ; elle est confirmée par toute une série de documents extra-bibliques que les fouilles d’Egypte, de Palestine et d’Assyrie surtout ont mis à jour.

Deux observations préliminaires s’imposent pour répondre à des objections tirées du but didactique de l’ouvrage et du caractère merveilleux de certains de ses récits.

Que l’auteur des deux derniers Livres des Rois ait entrepris d'écrire l’histoire d’Israël et de Juda pour en dégager un enseignement, c’est certain. Qu’il revendique pour la loi de l’unité du sanctuaire une fidélité absolue, et que de l’attitude des rois à son égard dépende leur éloge ou leur condamnation, c’est non moins certain. Mais est-ce à dire qu’une telle conception de l’histoire porte nécessairement atteinte à l’exactitude historique ? Nullement, car le point de vue religieux auquel l’auteur se place n’influe que sur les jugements qu’il porte sur les personnes et les événements et en aucune manière sur la relation des événements eux-mêmes.

Une deuxième remarque vise le caractère merveilleux de maints récits, surtout dans l’histoire des deux grands prophètes du ixe siècle, Élie et Elisée. Leur mission a été et est encore l’objet de nombreuses discussions, non seulement dans tel ou tel de ses détails, mais dans son ensemble même, pourencontestersinon l’existence du moins l’importance que leur attribuent les récits conservés au IIIe Livre des Rois. Beaucoup, qui

I en admettent la valeur historique au moins substantielle, prétendent y retrouver une part plus ou moins grande de légende mêlée à l’histoire. Cependant, si l’on se rappelle que la majeure partie en a été écrite relativement peu de temps après les faits rapportés, une cinquantaine d’années environ, on est bien obligé de reconnaître que la légende n’aura guère eu le temps de transformer, au point de les rendre méconnaissables, les personnages d'Élie et d’Elisée. Mettre sur le compte de la légende tout ce qui, dans un récit offrant par ailleurs toute garantie d’exactitude, présente un caractère miraculeux n’est pas d’une saine critique. Comment prétendre distinguer trait pour trait ce qui est strictement historique de ce qui est simplement légendaire ; d’autant plus que la précision et l’abondance des détails portent la marque d’un témoin et que bien des faits s'étant passés aux yeux de tous, il était difficile d’altérer la vérité dans des relations aussi proches des événements. La valeur historique de l’ensemble de l’ouvrage ajoute encore sa garantie à la véracité des cycles prophétiques d'Élie et d’Elisée.

Nature des documents.

L’autorité du témoignage

des Livres des Rois est assurée tout d’abord par la date et le caractère même des documents employés à leur rédaction. Les annales ou chroniques dont ils reproduisent de larges extraits, peu ou point remaniés, sont contemporaines des faits relatés ou du moins en sont très proches ; les cycles mêmes d'Élie et d’Elisée, qui n’en proviennent pas, ne sont pas non plus très éloignés de l'époque où vivaient les prophètes ; non sans vraisemblance on en a fixé la rédaction aux environs de 800 pour celui d'Élie et une vingtaine d’années plus tard pour celui d’Elisée. Kittcl, Die Bûcher der Konige, 1900, p. 160, 186.

Il est certain d’autre part que le rédacteur reproduit fidèlement le texte de ses sources. Le fait même qu’il les cite et y renvoie le lecteur montre assez qu’il n’a pas à redouter le contrôle. Les différences relevées entre les diverses parties de son œuvre, surtout dans les récits d’une certaine étendue, tant au point de vue. du style que du vocabulaire prouvent une transcription fidèle, où sont demeurées des expressions qui portent la marque de leur époque ; c’est ainsi que l’histoire d'Élie, par exemple, est tenue à juste titre pour un des meilleurs spécimens de la prose narrative hébraïque, d’origine éphraïmite et presque contemporain des événements.

Cette fidélité dans la transcription des documents est encore garantie par l’indépendante de jugement de l’auteur, exempt de tlatterie à l'égard des rois et de préférence injustifiée pour le royaume de Juda auquel il appartenait. Si le royaume d’Israël est l’objet de jugements plus sévères, ses destinées sont cependant décrites d’une façon aussi complète que celles de Juda et à l’exception de ceux d'Ézéchias et de Josias, aucun règne de Juda n’est traité avec autant d’ampleur que ceux de la dynastie des Amrides, d’Achat) et de ses fils ; il est vrai que c’est aussi le temps d’Elie et d’Elisée.

Le souci de fidèle transcription enfin est poussé si loin que, malgré les divergences que présentent entre elles les données chronologiques des règnes en Israël et en Juda, l’auteur les a laissées telles qu’elles se trouvaient dans ses documents, plutôt que d’essayer de les faire disparaître en rétablissant la correspondance et l’harmonie entre ces indications divergentes.

Comparaison avec les autres livres de la Bible.


Nombreux sont les passages parallèles dans les Livres des Paralipomènes, dont le deuxième couvre la même période que les deux derniers Livres des Rois. Il s’agit ou bien d’un emprunt direct par le Chroniqueur aux Livres des Rois, ou bien de l’utilisation de sources communes que les auteurs sacrés auraient adaptées à