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THÉODORE DE RAÏTHOU — THÉODORE LE SA H.VITE


expose son but. Alors que les disciples d’Eutychès et de Dioscore font sucer avec le lait l’hérésie à leurs enfants, ne convient-il pas que les orthodoxes s’appliquent à connaître leurs erreurs, leur histoire, les chefs qui leur ont valu leur nom ? Sans doute l’Église est-elle en paix : les hérésies doivent maintenant se cacher dans leurs repaires ; les orthodoxes se reposent de leur combats. Mais les mauvais jours peuvent revenir. D’ailleurs une bonne formation théologique est utile en toutes circonstances. Après ce préambule, édit. Diekamp, p. 185 sq., Théodore expose sommairement les erreurs opposées de Manès et de Paul de Samosate, d’Apollinaire et de Théodore de Mopsueste, de Nestorius et d’Eutychès, ibid., p. 187-190, puis la doctrine de l’Église, qui a toujours suivi la voie royale entre les deux rangées d’hérésies, p. 190-196. Cette doctrine, il la définit par ces deux articles : 1. [iioc <puaoç toû ©sou Xôyou aeoapxcD£xév7), wapxî eu.41uxMU.ev7), 4°X7l vospS xocl Xoyt.xfj. — 2. 8ùo <pû<T£iç oùtncoScoç 7)vmu.évocç… xocl où jxôvov 8uo cpùoetç oùoLCdSwç YjvMuivocç, àXkà. xocl kiâ>asi tt] xoc6’ùn6ara.aii à8toca7toccrTMÇ ccu.oc xal àcuy/ÙTWç, p. 191. Théodore place donc la formule de saint Cyrille, une nature incarnée, sur le même plan que celle de Chalcédoine, deux natures unies, tout comme Jean le grammairien de Césarée, cf. Sévère d’Antioche, Liber contra impium Grammaticum, éd. L. Lebon, t. ii, dans le Corpus script, christ, orient., Scriplores syri, versio, sér. IV, t. v, Louvain, 1929, p. 154. Au vie siècle tous les théologiens dyophysites admettaient cette formule, | mais ne lui faisaient généralement pas un tel honneur, j Après un commentaire de sa définition, Théodore s’attaque enfin aux chefs des hérésies contemporaines, Julien d’Halicarnasse et Sévère d’Antioche, p. 196200. Il est difficile de ne pas s’étonner de la brièveté de cette section, alors qu’une phrase de l’auteur nous incite à considérer tout ce qui la précède comme une sorte d’introduction, p. 196, 1. 1 ; cf. p. 186, 1. 26.

Dans plusieurs manuscrits et dans les anciennes éditions le texte de la npoTrocpoco-xeur) s’arrête ici. La section philosophique qui vient ensuite, p. 200-222, n’est rattachée en effet à la première partie historicodogmatique que par un lien très artificiel : l’affirmation, toute gratuite, selon laquelle Sévère n’aurait apprécié les théologiens qu’en raison de leurs connaissances philosophiques, p. 200. Son authenticité n’en est pas moins indiscutable. On pourrait la définir, une paraphrase chrétienne de l’Isagogè de Porphyre et des Catégories d’Aristote. Elle s’étend surtout sur les notions d’essence, de nature, d’hypostase et de personne, leurs équivalents philosophiques, leurs différences et leurs rapports, p. 200-216. Toute cette partie intéresse dans une certaine mesure la théologie de l’incarnation ; le reste, p. 216-222, est purement philosophique.

Quand donc la npoTOcpocaxeur] a-t-elle été écrite ? Autrefois on faisait de son auteur un contemporain de saint Maxime le Confesseur († 662). A. Ehrhard a fait remarquer avec raison que le silence absolu de cet ouvrage sur le problème des deux volontés du Christ ne permettait pas de repousser la date de sa composition au delà de l’an 620. Dans Krumbachcr, Geschichle der byzantinischen Litteratur, 2e éd., Munich, 1897, p. 64. Selon Fr. Diekamp, op. cit., p. 174, cette date doit être cherchée entre 580 et 620. Ce n’est pas vraisemblable : si Théodore ignore le monothélisme, il ignore également les agnoètes, le trithéisme, les décisions du concile de Constantinople, la théologie officielle de l’empereur Justinien, celle de Léonce de Byzance, les formules des moines scythes. Cette ignorance peut s’expliquer dans une certaine mesure par l’isolement de Raïthou ; mais cette explication ne sullit pas. D’autre part la phrase de son préambule sur les chefs, ^yeu-ôveç, auxquels les hérétiques doivent leurs noms, àtp’cov ë^ouaiv ttjv 7upoawvo|iiav, se comprend

mieux si elle a été écrite avant que les appellations théodosiens et gaïanites n’aient commencé à concurrencer celles de sévéiiens et julianistes. Bref, à considérer le contenu de la IIpoTOXpaaxeuT), on est amené à conclure que cet ouvrage a été rédigé bien avant 580, sous le règne de Justinien, à peu près certainement avant 553. Les quelques lignes consacrées aux avatars de Sévère, p. 196, semblent supposer celui-ci vivant. D’autre part la description que donne le préambule de la situation de l’Église serait bien flattée si Alexandrie avait été encore en ce temps gouvernée par un patriarche monophysite. Mais la série des patriarches dyophysites d’Alexandrie commence en 537 seulement avec Paul, et Sévère est mort en 538. Il serait imprudent de conclure de trop faibles indices que la ITpûTTOcpocGXE’jr, a été écrite dès l’arrivée de Paul ; mais on ne se trompera sans doute pas en y voyant une œuvre du second quart du vie siècle, écrite par un homme que les intrigues politico-religieuses de Constantinople n’avaient pas effleuré.

La IlpoTTapacxe’jY ; est-elle le seul ouvrage de Théodore de Raïthou ? J.-P. Junglas, Leontius oon Byzanz, Paderborn, 1908, p. 16-20, attribue également à cet auteur le traité (De sectis, P. G., t. lxxxvi, col. 1193-1268, dont le véritable titre doit se traduire : « Notes de Léonce, le scolastique byzantin, prises au cours de Théodore le très pieux abbé et très sage philosophe… ». Les arguments de Junglas sont malheureusement d’inégale valeur. Il faut d’ailleurs en dire autant de ceux que Fr. Diekamp leur a opposés, op. cit., p. 176 sq. La question reste donc pendante. Avouons que sa solution ne présente qu’un intérêt théorique, car une bonne trentaine d’années sépare la date de composition de la Uponupx<yx.z>T l de celle du De sectis, rédigé après 579, et une trentaine d’années remplies d’événements bien propres à modifier quelques idées chez un théologien du dogme de l’incarnation. Ces deux ouvrages intéressent en quelque sorte deux chapitres différents de l’histoire du dogme, qu’ils soient ou non l’œuvre du même auteur. D’ailleurs cette différence d’âge, loin d’être un argument contre l’attribution du De sectis à Théodore de Raïthou, la rend plus vraisemblable. Elle permet d’expliquer pourquoi Théodore, ici prêtre de Raïthou, est appelé à le très sage abbé ; pourquoi on constate aussi entre ces deux ouvrages tant de dissonances. Elle rend d’autant plus notables certaines consonnances, qui n’ont pas été suffisamment notées jusqu’ici, et qui sont assez sérieuses pour que l’hypothèse de Junglas apparaisse très vraisemblable. Cette hypothèse expliquerait bien une des particularités les plus notables du De sectis : cet ouvrage juge fort librement, disons même sévèrement, aussi bien la doctrine de Léonce de Byzance, cf. M. Richard, Le traité De sectis et Léonce de Byzance, dans Revue d’hist. eccl., t. xxxv, 1939, p. 712, que la politique religieuse de l’empereur Justinien ; cf. P. G., t. lxxvi, col. 1237 D. Une telle attitude eût été impertinente chez un jeune homme. Elle ne se comprend bien que chez un vieillard qui aurait eu sa théologie de l’incarnation toute faite avant de lire Léonce et avant d’entendre parler des Trois-Chapitres. Mais l’auteur de la npo71apaaxeurj répond fort bien à ces exigences ; il est peut-être le seul théologien connu du vie siècle qui y réponde vraiment. Or, il s’appelle Théodore ; il est moine et épris de philosophie. Il est bien difficile de fermer les yeux à tant d’évidence.

M, Richard.

14. THÉODORE LE SABAITE, évêque

d’Édesse, est probablement la création d’un faussaire. Sa Vie, écrite au ix<- ou au xe siècle (le ms. grec le plus ancien, à noire connaissance, est le Mosq. synod. 321 de l’année 1023) par son « neveu », Basile d’Émèse,