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THJEL ANDRÉ — THIERRY DE FREIBERG


toire ecclésiastique de l’Ermland et <le son organe la Zeitschrift fur die Geschichle und Allerlumskunde Ermlands, il a beaucoup contribué à faire connaître les antiquités religieuses de cette région.

Notice sur lui dans le périodique ci-dessus, t. xvii, 1910, p. 417-103 ; Hurter, Nomenclatur, 3° éd., t. v b, col. 1973 ; Buchberger, Lexikon fur Théologie, t. x, col. 101.

É. Amann.

1. THIERRY DE FREIBERG.

Le nom, que les manuscrits orthographient diversement, est sujet à question ; et l’origine plus encore : peut-être Frihourg, plus probablement Vriberg en Saxe. Les sources dominicaines parlent plus sobrement de Theodoricus Teutonicus. Il appartint à l’ordre des prêcheurs. On l’y trouve prieur de Wurzbourg, en 1285, et peut-être à nouveau en 1313 ; provincial d’Allemagne, de 1293 à 1296, puis vicaire de la même provinte en 1310. De sa carrière enseignante on sait qu’il fut, avant 1275, lecteur à Fribourg ; en 1 275-1 276 sans doute étudiant à Paris ; maître en théologie, avant 1293 semble-t-il, et régent à Saint-Jacques soit vers 1290-1293, soit entre 1293 et 1300. On ignore la date de sa mort. Personnage d’autant plus intéressant qu’il est un des rares représentants, à cette époque et dans son ordre, du courant platonicien, qu’il est très averti des sciences de la nature, mais en même temps haut spéculatif et mystique, qu’il exerça enfin une influence certaine, à ce dernier point de vue, sur Berthold de Mosburg, Maître Eckhart et Tauler.

I. Œuvres. — Sa production littéraire fut considérable. On ne connaît pas moins de trente-six ouvrages authentiques de lui, dont vingt-cinq conservés, cinq seulement édités. Ils se répartissent ainsi :

Traités scientifiques.

De iride et radialibus

impressionibus, édit. J. Wurschmidt, dans les Beitràge…, de Bâumker, 1914. — De luce et ejus origine. — De coloribus. Le premier de ces ouvrages, écrit après 1304 (et avant 1311) est remarquable par l’explication scientifique qu’il donne du phénomène de l’arc-enciel ; dépassant largement Witelo, Pecham et Roger Bacon, ses prédécesseurs, Thierry découvre et expose la théorie que Descartes reprendra plus tard.

Traités philosophiques.

1. Logique. — De origine rerum prwdicamentalium ; De magis et minus ; De

esse et essentia, éd. Krebs, dans Rev. néo-scol., 1911 ; De quidditatibus enlium. — 2. Cosmologie et psychologie. — De natura contrariorum ; De miscibilibus in mixtis ; De elementis corporum naturalium ; De tribus difficilibus arliculis, ce traité expose, comme le titre l’indique, trois problèmes assez disparates, mais également difficiles, c’est pourquoi Thierry les a abordés à la demande de ses socii : De animalione ceeli ; De intellectu sive de visione beatifica ; De accidentibus ; De intellectu et intelligibili, éd. Krebs, Meister Dietrich, p.H9*-206* ; De cognitione enlium separatorum ; De intelligentiis et moloribus cœlorum ; De universiiate entium (perdu) ; De mensuris durationis rerum ; Quod subslantia spiritualis non sil composila ex materia et forma ; De temporc ; De causis (perdu) ; De subslantia orbis (perdu) ; De habitibus, éd. Krebs, op. cit., p. 207*-215* ; De voluntate (perdu).

Traités théologiques.

De efficienlia Dei ; Qusestio

de vi cognitiva in Deo ; De viribus inferioribus intellectu in angelis (perdu) ; De incarnalilate angelorum (perdu) ; De corporibus gloriosis ; De dotibus corporum gloriosorum ; De corpore Christi morluo ; De corpore Christi in sacramento (peidu) ; De Iheologia (perdu) ; De subjecto theologise.

A quoi il faut ajouter un écrit de polémique : De defensione privilegiorum ordinis, d’ailleurs perdu ; et deux lettres au cardinal Jean de Tusculum.

IL Doctrines. — Ce qui caractérise la pensée philosophique et théologique de Thierry, telle qu’elle res sort de ces divers écrits (dont le troisième groupe malheureusement est le moins bien conservé), c’est avant tout l’emploi très large qu’il fait des grands thèmes platoniciens. Il subit en cela surtout l’influence de Proclus et « le son Elementalio theologica, jointe au Liber de causis et à Avicenne. Mais il les corrige ou complète au besoin par des éléments empruntés à l’aristotélisme de saint Thomas ; et il dépend très nettement aussi de certaines thèses augustiniennes. Ce qui dans les doctrines néo-platoniciennes eût conduit à des vues monistes du monde, avec une saveur panthéiste même, est toujours corrigé par lui dans le sens du vrai pluralisme, maintenant la distinction substantielle des êtres, et dans le sens créationiste aussi, impliquant liberté divine dans la production, médiate ou immédiate, des choses. Tout son système se ramène aux deux grands mouvements par lesquels les êtres procèdent de Dieu et retournent vers lui : ticut omnia ab ipso intclleclualiter procedunt, ita omnia in ipsum conversa sunt . De intell, et intelligibili, p. 130*.

Au point de départ, c’est donc l'émanationisme, don ; Thierry emprunte la formule à Proclus : les substances sensibles dérivant des esprits qui animent les corps célestes ; ceux-ci procédant des intelligences pures, créées à leur tour immédiatement par Dieu, l’Un : in quo… advertendum est esse quamdam inleriorem respectivam transfusionem qua illa superbenedicta natura sua fecunditale redundet extra in lotum ens, constiluens illud ex nihilo per emanalionem et gubernalionem. Ibid., p. 130*. Bien que cette production des êtres inférieurs se fasse réellement par intermédiaires, elle n'échappe pas à l’influence de la cause première, quia quidquid agit causa secunda in essentialiter ordinalis agitur a causa superiori ; et c’est pourquoi la création demeure l’acte exclusif de Dieu.

Les êtres ainsi produits sont tous réellement et substantiellement districts de l’essence divine, quelque intime que puisse être l’influence de celle-ci sur ceux-là. Ils ont tous leur constitution propre. Les substances terrestres sont dans le temps, composées de matière et de forme, la première étant passive et ne pouvant exister sans la seconde ; les corps célestes, eux, ont eu un commencement mais n’auront pas de fin ; ils sont animés par des intelligences : substanliæ separalæ intellecluales… uniuntur corporibus cœlestibus, non solum ut motores sed eliam ut formée, unione essentiali. De tribus difficil., t. i, p. 65*. Les intelligences pures, y compris l’intellect agent, sont éternelles ; mais, comme Dieu est « superéternel », elles ne lui sont pas coéternelles. Il en serait de même du monde s’il avait été créé ab eeterno, chose qui d’ailleurs n’est pas intrinsèquement impossible. Sur ce point, comme sur l’hylémorphisme, Thierry rejoint saint Thomas ; et de même sur l’unité de forme substantielle dans tout être composé. Par contre, il s’en écarte en niant la distinction réelle entre l’essence et l’existence dans les êtres créés ; comme aussi en attribuant le principe de l’individuation non pas à la matière mais à la forme ; si bien qu’il peut y avoir, même parmi les esprits angéliques, pluralité d’individus sous une même espèce. De intell, et intelligibili, p. 154* sq.

Au processus de la création par intermédiaires se rattache toute la doctrine de Thierry relative à la connaissance. Dans le descensus des êtres, en effet, l’intelligence supérieure en se connaissant en engendre une autre : intelligendo causant ea quæ sunt post, quia lalis eorum intelligentia non est passio et passiva, sed vere actio et activa ; et ita est redundans in aliquid aliud extra se. De intell, et intellig., p. 129*. En se contemplant, elle connaît l’intelligence qu’elle engendre ; celle-ci reçoit son être sous cette influence et à son tour connaît le principe d’où elle dérive. Cette règle