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VOLTAIRE. VIE, FERNEY

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En cours de certains articles de métaphysique et de théologie (lui) font bien de la peine », à d’Alembert, 24 mai 1758 (loc. cit., 211). « Pendant la guerre des parlements et des évêques, les gens raisonnables ont beau jeu. » Au même, 13 novembre 1756 (ibid., 131). Après qu’en janvier 1758, à la suite des difficultés provoquées par l’article Genève, d’Alembert fut sorti de l’affaire et que l’Encyclopédie fut menacée, en attendant qu’en mars 1759 le privilège lui soit retiré, Voltaire eût voulu voir les encyclopédistes, Diderot à leur tête, en appeler à l’opinion, en se refusant à continuer ou à reprendre « un ouvrage nécessaire » et qui « comptait trois mille souscripteurs ». En 1766, découragé par ses propres difficultés à Genève, par les traverses des encyclopédistes, il leur proposera de se réfugier chez Frédéric II, au pays de Clèves, au château de Moyland. Là, ils poursuivraient le combat « pour la raison et pour la vraie religion », en équipe et non en ouvriers dispersés, sans avoir à craindre un roi, un parlement, un clergé. Les invités se dérobèrent. Sur l’ensemble, voir R. Naves, Voltaire et l’Encyclopédie, in-8o, Paris, 1938.

Toutes ces années, également, il a malmené ceux qui combattent son parti. S’il n’attaque pas directement l’avocat Moreau, auteur de deux Mémoires pour servir à l’histoire des Cacouacs, 1757, et l’abbé de Saint-Cyr, auteur du Catéchisme et décisions des cas de conscience, à l’usage des Cacouacs, in-16, Cacopolis (Paris), 1738, il s’en préoccupe dans sa Correspondance.

A partir de 1760, il s’en prend aux Pompignan, au poète d’abord qui, le 10 mars, a attaqué le parti philosophique. Il le submerge sous des libelles très courts mais très mordants : les Quand (xxiv, 111), les Car (ibid., 261), les Ah ! Ah ! (ibid., 263)… ; il l’attaque dans les satires, la Vanité (x, 114), Un Russe à Paris (x, 118), dans les épigrammes, Savez-vous pourquoi Jérémie… ; toutes pièces que Morellet réunira dans le Recueil des facéties parisiennes, avec une Préface de Voltaire. Cf. Desnoiresterres, op. cit., v ; A. Praviel, Une victime de Voltaire, dans Correspondant, du 25 septembre 1925. Il s’en prit ensuite à l’évêque du Puy, plus tard archevêque de Vienne, qui, depuis 1752, dans ses Questions sur l’incrédulité, in-12, Paris ; en 1754, dans la Dévotion réconciliée avec l’esprit, in-12, Montauban ; puis, en 1759, dans l’Incrédulité convaincue par les prophéties, 3 vol. in-12, Paris, attaquait les philosophes. À son Instruction pastorale sur la prétendue philosophie des incrédules modernes, in-4o, Le Puꝟ. 1763, Voltaire répondra par l’Instruction pastorale de l’évêque d’Alétopolis (xxv, 1), et par deux Lettres d’un quaker à Jean— George Le franc de Pompignan (xxv, 5 ; 141).

En 1767, en pleine affaire Calas, le Bélisaire, surtout en raison du c. xv, qui déclarait superflues la révélation et la foi en Jésus-Christ, et réclamait la tolérance civile, est condamné par la Sorbonne, cf. Censure de la Faculté de théologie de Paris contre le livre qui a pour titre Bélisaire, in-12, Paris, qui relève dans l’ouvrage 37 propositions erronées, et par Christophe de Beaumont dans un mandement du 24 janvier 1768. Voltaire prend donc à partie, dans la satire Les trois empereurs en Sorbonne (x, 154), le syndic Riballier qui a dénoncé le roman et le professeur Ceger, auteur d’un Examendu Bélisaire de Marmontel, s. n. d. a., in-8o, Paris, 1767, puis, dans une Lettre de l’archevêque de Cantorbéry à l’archevêque de Paris (xxvii, 577), Christophe de Beaumont et, en 1769, dans sa tragédie les Guèbres ou la tolérance (vi, 505), tous les ennemis du Bélisaire. Cette tragédie était si violente qu’il ne put obtenir qu’elle fût représentée. Il la publia, précédée d’un Discours historique et critique qui en montrait l’esprit dans ces deux vers, séparant la religion du gouvernement : « Je pense en citoyen, j’agis en empereur, je hais le fanatique et le persécuteur. » Acte V, scène vi ; et la morale, dans ceux-ci : « Que chacun dans sa loi cherche en paix sa lumière, mais la loi de l’État est toujours la première. » Ibid.

Mais il est féroce quand il s’agit de lui-même. Alors, il attaque l’homme autant que les idées et « si, le plus souvent, il n’a pas le beau rôle, du moins, est-ce lui qui frappe le plus fort et qui met les rieurs, sinon les sages, de son côté ». G. Ascoli, Voltaire, x, op. cit., p. 713. On le voit avec Élie Fréron, 1718-1776. Celui-ci, sans s’intimider ni s’emballer jamais, ne cessera dans les Lettres de la comtesse, 1745-1746, les Lettres sur quelques écrits du temps, 1749-1753, l’Année littéraire, 1754-1776, de faire une critique judicieuse, de ton modéré, des philosophes et surtout de Voltaire. Voltaire lui déclara, à la lettre, une guerre à mort. Il attaqua sans pitié l’homme et l’écrivain, sous le nom de Vadé dans le Pauvre diable, voir plus haut, de Hume dans la comédie de l’Écossaise, 1760 (v, 421), de La Harpe dans la Guerre civile de Genève, 1768 (iv, 507). Plusieurs fois, il fit emprisonner Fréron à la Bastille, ou supprimer les revues dont il vivait. Fréron mourra le 10 mars 1776, en apprenant la suppression, sur les démarches de Voltaire, de l’Année littéraire. Cf. Ducros, Les encyclopédistes, in-8o, Paris, 1900, p. 284 sq.

D’un autre côté, il aide à tout ce qui diminue l’Église. Il dénonce « les serpents appelés jésuites et les tigres appelés convulsionnaires » à la vindicte des amis de la raison. A Mme d’Épinaꝟ. 25 avril 1760 (xl, 363). Il se sert de leurs controverses pour rendre ridicules et odieux les dogmes et les questions théologiques. En 1759, il oblige les jésuites d’Onex à rétrocéder aux frères Crassy un bien, régulièrement acquis d’ailleurs par eux, mais pendant la minorité de ces Crassy. Il applaudit aux mésaventures de la Compagnie de 1758 à 1773. Il la rend responsable de l’assassinat de Joseph I er, roi de Portugal, et il applaudit à la nouvelle que le Père Malagrida a été roué pour ce crime. A Mme de Lutzelbourg, 28 décembre 1759 (xl, 266). Il dit les jésuites « banqueroutiers et condamnés en France, parricides et brûlés à Lisbonne ». À d’Argfence de Dirac, 28 octobre 1761 (xli, 496). Il félicite La Chalotais de son réquisitoire contre eux. A M. de La Chalotais, 17 mai 1762 (xlii, 106). II n’a qu’une crainte : c’est que la disparition des jésuites ne favorise les jansénistes. Il hait ceux-ci plus encore que ceux-là. « Que me servirait d’être délivré des renards si on me livrait aux loups ? » A La Chalotais, 3 novembre 1762 (xlii, 280). La solution « complète » serait « qu’on envoyât chaque jésuite dans la mer.avec un janséniste au cou ». A M. de Chabanon, 21 décembre 1767 (xlv, 460).

Ses difficultés avec Genève ne firent que s’accroître, malgré son intervention à propos des Calas et des Sirven. Il déteste en effet « les pédants de Calvin » et eux acceptent de moins en moins son théâtre et son impiété. Un moment, il triomphera dans la question du théâtre. Il fera jouer la comédie non seulement à Ferney, mais. encore à Châtelaine, aux portes de Genève. Il profitera de l’intervention de la France dans les troubles de Genève pour imposer un théâtre à la Rome calviniste, 1766. La première pièce jouée fut Tartufe. Mais le 5 février 1768, un incendie détruisait ce théâtre. Ses écrits irréligieux lui nuisaient d’autre part. Il faisait l’impossible pour qu’on ne pût les lui attribuer. En 1755, il réussit à empêcher le libraire Grasset de publier, à Genève, sous son nom, la Pucelle ; il réussit moins bien à Lausanne, en 1758, pour la compromettante Guerre littéraire ou Choix de pièces polémiques de M. de Voltaire. Cf. Lettres à M. Bertrand, des 30 janvier et 10 février 1759 (xl, 21 et 33) ;