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CERTITUDE


dans un état mixte composé de certilude et d’abstention ou suspension de jugement. La certitude précède et porte dans la sphère idéale sur quelques principes immédiats ou axiomes, et, dans la sphère réelle, sur quelques faits immédiatement perçus ou aperçus par l’expérience externe ou la conscience. Le doute, c’est-à-dire l’abstention de juger des autres principes ou faits et de leurs conséquences, suit logiquement. Mais on ne peut rester dans cet état, de sa nature, initial. La vie est là qui marche, l’action s’impose, il faut se décider pour ou contre une foule de jugements spéculatifs ou pratiques qui se pressent et sollicitent l’homme. Il importe donc de trouver un signe auquel on reconnaîtra les jugements vrais et qui autorisera la certitude à leur sujet. Ce signe universel doit être intrinsèque, objectif et immédiat.

2° Il doit être intrinsèque, c’est-à-dire entrer dans la constitution intime de toute vérité et en faire partie. Supposez, en ell’et, un critérium extrinsèque, c’est-à-dire une autorité extérieure qui attesterait le vrai et devant laquelle la raison s’inclinerait. Dans cette hypothèse, on ne sait pas la chose, on la croit, la science l’ait place à la foi. Or ce système, s’il est admissible pour quelques vérités qui dépassent la portée de notre expérience limitée ou de notre raison finie, ne peut pas suffire si on le généralise. Car cette autorité qui nous attestera toute vérité, par quoi sera-t-elle attestée à son tour ? Si elle s’affirme elle-même et s’impose ainsi à notre foi, nous nous heurtons à une pétition de principe ; si elle se démontre autrement que par l’affirmation et si elle se prouve par l’évidence, nous sortons du critérium extrinsèque et nous devons en admettre un intrinsèque. Il n’y a plus un seul critérium de la certitude. Si elle est attestée par une autre autorité, sur quoi s’appuiera celle-ci ? Il faudra, ou procéder à l’infini, ce qui est impossible, ou aboutir à un critérium interne. La révélation divine, la tradition qui nous la transmet, la raison générale ou consentement universel du genre humain qui nous la traduit, ne peuvent donc être le critérium général de la certitude, et c’est ajuste titre que la logique et, avec elle, l’Église rejettent le fidéisme, le traditionalisme et la raison générale de Lamennais. Voir Fidéisme, Traditionalisme, Lamennais.

3° Si le critérium doit être interne, il ne peut pas pour cela être subjectif, c’est-à-dire qu’il ne doit pas être cherché dans les conditions psychologiques de la connaissance ou du sujet pensant, mais au contraire appartenir à la constitution de l’objet connu, do la vérité’perçue. Le critérium doit être objectif’. Nous n’avons pas à rappeler ici la thèse de philosophie qui distingue, dans la connaissance, deux faces, deux éléments divers : l’objet et le sujet, ce qui est connu et ce qui connaît, ce qui apparaît et ce qui perçoit. La distinction est courante en psychologie. Quand il s’agit de la certitude et <lr son pourquoi, d’aucuns le cherchent dans le

sujet, ("est le dogmatis subjectiviste. « Toutes les

théories subjectivistes présentent ce caractère commun qu’elles placent le motif dernier de la certitude ou tout au moins d’une partie des connaissances certaines dans une disposition affective du sujet pensant. Pour les uns, cette disposition s’appellera sentiment du devoir, impératif catégorique, pour d’autres une impulsion naturelle (le s< ns commun des Écossais) ou un sentiment spirituel (Geislesgefïtht de Jacobi), pour d’autres, enfin, une croyance soit aveugle, irrésistible (Jouffroy), oil volontain. libi i o-critici i, une foi dictée par la ni ci ité de trouver un objet aux aspirations les plus nobles de notre nature et un fondement à l’ordre locial (Halfour, Bruneliére) ; mais chez les représentants de écoles, il j, i i préoccupation

Commune, à savoir, de chercher, non pas dans un mo(i/ d’évidence objective, mais dans une disposition

affective de l’âme, le dernier mot de la philosophie critique. « .Mercier, Critériologie générale, n. 82, Louvain, Paris, 1899, p. 155. Or, d’une façon générale, on ne peut faire reposer la certilude qui est un état d’ordre intellectuel sur un fondement d’ordre affectif ; celui-ci est nécessairement une impulsion aveugle, un instinct ; il ne peut être une raison ; tiré du sujet, il ne saurait être une garantie de l’objet. Un exemple rendra tangible cette vérité. D’instinct, la mère a besoin d’estimer son fils, de le juger innocent, noble et droit ; s’il s’adonne au vice, la mère ne voudra pas se rendre aux indices, aux preuves souvent les plus catégoriques qui lui seront apportées ; fût-elle témoin elle-même des cléportements de ce fils indigne, elle cherchera à les excuser, à les pallier longtemps avant de se rendre. On dit que l’amour maternel la rend aveugle. Ceci montre l’opposition entre le jugement d’instinct et celui qui est imposé par la réalité objective. Les certitudes d’instinct de la mère sont fort sujettes à caution. Ainsi toujours on pourrait douter des certitudes humaines, si leur unique source était dans une disposition affective de l’âme, comme le prétendent les partisans du critérium subjectif.

4° Enfin, on ne saurait douter que le critérium de la certitude doive être immédiat, c’est-à-dire valant par lui-même. En effet, il est, par définition, le signe qui rend toutes vérités certaines, il faut donc qu’il soit certain par lui-même et immédiatement, comme le principe de toute lumière est lumière, de toute force est toute-puissance. Si en effet, ce qui rend toute vérité certaine, devait être lui-même certifié par autre chose, par quoi cette autre chose serait-elle rendue certaine à son tour ? Donc, pour éviter le cercle vicieux, le processus in infinitum, ou la multiplication des critériums, il faut conclure que le critérium universel de la certitude doit être immédiat.

V. L’ÉVIDENCE EST LE CRITÉRIUM DES VÉRITÉS D’ORDRE

idéal. — 1° Nous allons voir qu’un seul critérium renferme toujours toutes les conditions requises pour aider au contrôle de la vérité et fonder la certitude, et que ce critérium est l’évidence. Et d’abord, la certitude, comme le jugement dont elle est la qualité, peut porter sur deux catégories de vérités : celles d’ordre idéal et celles d’ordre réel. Les vérités ou jugements d’ordre idéal affirment l’union intime et nécessaire du sujet et de l’attribut, indépendamment de leur réalité physique, par exemple « l’être contingent exige une cause » ; ce jugement affirme la relation de l’idée d’ « être contingent » avec l’idée de « cause » ; les vérités ou jugements d’ordre réel affirment que, dans le monde extérieur, se trouve réalisé le contenu du sujet. Nous disons < le contenu du sujet », et cela suffit, parce que le jugement d’ordre idéal ayant affirmé la connexion de l’attribut el du sujet, toute attestation de la réalité du sujet entraîne fatalement l’attestation de la réalité de l’attribut. Or, dans les deux ordres, l’évidence est le signe prédestiné et essentiel qui entraîne la certitude.

2° En effet, je suppose que mon esprit porte avec certitude un jugement de l’ordre idéal, par exemple g deux et deux font quatre ». — 1, Si je consulte ma conscience, elle me dira nettement que, quelle que soit ma part dans cette affirmation, je n’y suis pas exclusivement actif, il y a de la passivité dans cette connaissance. Je ne dis pas que « deux et deux font quatre », parce que je suis ainsi construit intellectuellement, disposé subjectivement et provisoirement, ou parce que je le veux, je sens que deux et deux font quatre indépendamment de moi. Cette vérité me domine, s’impose à moi au lieu de jaillir de moi ; si je la prononce, c’est vaincu par elle et parce que.j la vois ; c’est son évidence qui ravit mon assenli ni. — 2 Si, au lieu de

consulter ma conscience, je raisonne, mon raisonnement aboutit à la même conclusion. Soit la vérité