Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/621

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1229
1230
BULGARIE

d’abord les partisans de l’entente avec l’Occident qui obtinrent les meilleurs résultats. Le 12/24 décembre 1860, un groupe de Bulgares de Constantinople s’adressait à Mgr Hassoun, alors primat des Arméniens catholiques de l’archidiocèse de Constantinople et depuis patriarche de tous les Arméniens-Unis de l’empire ottoman. Ils demandaient à s’unir avec l’Église romaine, conformément aux décisions du concile de Florence, en gardant leur liturgie, leurs rites, leurs cérémonies et coutumes religieuses, et en obtenant une hiérarchie nationale et un clergé national qui les administreraient, mais après avoir reconnu la suprématie du pape. A la suite de cette démarche publique et de la réponse favorable de Mgr Hassoun, 120 députés bulgares, deux archimandrites, un prêtre et un diacre, agissant au nom de 2000 de leurs compatriotes, déposèrent entre les mains de Mgr Brunoni, délégué apostolique, leur acte d’union aux conditions énumérées ci-dessus. La Porte accueillit avec bienveillance le procès-verbal de cette réunion, elle présida même à l’installation du chef de la nouvelle communauté bulgare, en lui reconnaissant l’usage des droits civils et religieux qu’avait exercés jusqu’alors le patriarche œcuménique. Un bref de Pie IX, daté du 21 janvier 1861, suivit, qui confirma l’acte approuvé par la Porte et, peu après, Sokolski, vieil archimandrite ignorant, qu’on a ait désigné pour devenir archevêque uni de la Bulgarie, se rendit à Rome, accompagné de M. Bore, supérieur des lazaristes, d’un diacre bulgare et de deux députés laïques de la nation. Le pape Pie IX le consacra lui-même, le 8 avril 1861, et le combla de présents. A son retour à Constantinople, Joseph Sokolski obtint de la Porte le bérat d’investiture, 1er juin 1861, et reçut un accueil favorable, qui détermina parmi ses compatriotes un mouvement sensible vers l’union. Cent quarante-huit familles bulgares d’Andrinople passaient au catholicisme ; tout le diocèse de Salonique menaçait de les imiter, pendant que des districts entiers et fort populeux de Monastir et de Kazanleuk se déclaraient pour Mgr Sokolski. En peu de jours, on compta plus de 60000 abjurations ; Zankof, un des pèlerins de Rome, mit au service de cette cause sa plume de journaliste en fondant la Boulgaria ; l’ébranlement tendait à devenir de plus en plus général.

C’est alors que la Russie intervint. Jusque-là, elle s’était opposée aux manifestations des Bulgares contre le Phanar pour ne pas contribuer à créer dans les Balkans un État slave indépendant ; mais comprenant que son abstention favorisait la propagande catholique, elle entreprit de pousser la Porte à prononcer la séparation de l’Église bulgare de l’Église grecque et suscita de nombreuses pétitions dans ce sens. Quant au mouvement vers Rome, elle décida de l’enrayer, grâce à un de ces moyens, dont sa politique abonde et qui sont aussi contraires à la morale publique qu’au droit des gens. Moins de deux mois après son retour à Constantinople, le 18 juin 1861, Sokolski disparut subitement sur un bateau russe en partance pour Odessa, après avoir emporté son bérat et les présents qu’il avait reçus de Rome. Était-il victime ou complice de cet enlèvement ? Son grand âge et son intelligence passablement bornée autorisent les plus fâcheuses suppositions. Quoi qu’il en soit, le coup si inopinément porté à la communauté nouvelle ralentit son développement ; les chefs laïques ne favorisèrent plus la tendance vers le catholicisme, craignant qu’elle ne fût pas assez, forte pour entraîner toute la nation et qu’elle eût pour résultat direct de la diviser en deux camps et, par suite, de l’affaiblir pour la réussite des revendications politiques. Au mois de février 1862, le prêtre bulgare latin Arabajeski fut désigné pour remplacer Sokolski et reconnu par la Porte en qualité d’administrateur civil des uniates. Mais cet ecclésiastique ayant refusé de quitter le rite latin, on dut pourvoir à son remplacement et, quelque temps après, le pope Raphaël Popof fut placé à la tête des Bulgares par la S. C. de la Propagande avec le titre d’évêque des Bulgares-Unis et reconnu par la Porte le 10 février 1865. Il le resta jusqu’en 1883, s’occupant, avec l’aide des lazaristes en Macédoine, des assomptionnistes et des résurrectionnistes en Thrace, à relever les ruines accumulées par les premières apostasies. Le coup mortel avait été porté à l’œuvre, le lendemain emportait les fruits des travaux de la veille, sans que rien fit encore prévoir comment on pourrait assurer à cet apostolat une solidité durable. Pendant plusieurs années, ce fut chez les nouveaux convertis un va-et-vient continuel du catholicisme à l’orthodoxie et réciproquement.

En 1883, une nouvelle organisation pour les Bulgares-Unis était créée par la Propagande. Il y eut à Constantinople un administrateur apostolique avec le titre d’archevêque, Mgr Nil Isvorof, et deux vicariats apostoliques, celui de Macédoine et celui de Thrace. Sauf la charge d’administrateur apostolique, supprimée par suite de la chute de son titulaire, cet ordre de choses n’a pas varié depuis.

Le vicariat apostolique bulgare de Macédoine fut érigé le 12 juin 1883 et confié aux lazaristes, dont un des membres, Mgr Lazare Mladenof, recevait ce jour même la consécration épiscopale. En 1885, on fondait à Zeitenlik un séminaire, dont le but était de former des prêtres indigènes du rite oriental et des instituteurs pour les villages de la Macédoine. En 1889, les prêtres de la Mission jetaient les premières bases d’une congrégation de religieuses bulgares, avec l’appui des sœurs de charité ; en 1892, plusieurs missionnaires quittaient le rite latin pour embrasser le rite gréco-slave et tenter la résurrection de cette nouvelle mission orientale. De 1884 à 1894, les conversions se multiplièrent ; près de soixante villages reconnurent l’autorité de Rome. Hélas ! de si beaux débuts aboutirent à une fin lamentable. Dès 1894, les partisans de l’exarque, le chef officiel de l’Église bulgare orthodoxe, se mirent en campagne pour enrôler ces populations ignorantes sous leur drapeau politique et religieux. Grâce à leur argent, à leurs menaces, à l’appui non déguisé des Bulgares de la principauté, ils provoquèrent chez les catholiques un exode des plus douloureux. De 30 000, le nombre des fidèles descendit à 8 000 et peut-être au-dessous ; prêtres et instituteurs repassèrent en masse à l’orthodoxie, le vicaire apostolique lui-même fut entraîné dans le mouvement général et fit une chute scandaleuse, qu’il ne tarda pas d’ailleurs à réparer. En quelques mois, les efforts de plusieurs années étaient anéantis. Dès son retour, Mgr Mladenof fut envoyé à Rome, où il est encore avec le titre d’évêque titulaire de Satala ; on lui donna pour successeur, le 23 juillet 1895, un séculier, Mgr Epiphane Scianof, qui porte le titre de Livias et réside habituellement à Salonique. Aujourd’hui les ruines sont à demi réparées et la mission semble reprendre un nouvel essor. Le vicariat apostolique de Macédoine compte présentement 10 000 catholiques répartis en 20 villages, 16 églises, 30 prêtres de rite slave, 13 écoles de garçons et 9 de filles et 4 maisons de religieuses bulgares, les sœurs eucharistines. Le séminaire bulgare de Zeitenlik, reconstitué, a donné 5 prêtres ; il comprenait, en 1902, 49 élèves, dont 1 étudiant en théologie, 39 élèves au petit séminaire et 9 apprentis pour divers métiers. Les instituteurs sont pris parmi les séminaristes, qui montrent peu de goût pour la carrière ecclésiastique ; les institutrices sont formées dans une école normale élémentaire, tenue par les sœurs de charité à Koukouch. La mission possède, de plus, deux orphelinats de filles, avec 25 orphelines dans chaque maison.

Le vicariat apostolique bulgare de Thrace a été érigé le 7 avril 1883 et a eu pour premier pasteur Mgr Michel Petkof, ancien élève de la Propagande, qui l’administre