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ÉVANGILES APOCRYPHES


assez obscur et pourrait admettre une interprétation ortliodoxe. Tout ceci explique les divergences des critiques dans l’appréciation de cet Évangile. Pourles uns, il est le produit de la gno ; e panthéistique, Lipsius, dans Diclionary oj Christian biographij. t. ii, p. 712, ou tout au moins il présente des tendances encratites nettement caractérisées (Zahn). D’autres, au contraire, veulent y voir luie partie de la littérature évangéliquc primitive. Harnack a prétendu montrer que l’encrai isme de cet apocryphe se tenait dans les limites (le l’orthodoxie ; son opinion se fonde tout particulièrement sur l’emploi de notre Évangile dans la Sccunda Clenwnlis. Quelques auteurs, Findlay, Tasker. soutiennent mie opinion intermédiaire entre ces deux extrêmes. On aurait affaire à un écrit gnostique, mais qui a puisé à de bonnes sources ; son auteur a eu entre les mains des renseignements d’aussi bon aloi que ceux dont les évangélistes faisaient usage, mais il a traité plus librement sa matière. La patrie de cet Évangile serait Antioche d’après Zahn, l’Egypte d’après Harnack ; il remonterait au milieu du iie siècle, peut-être un peu plus tôt (Harnack). Plusieurs critiques rapporteraient volontiers à l'Évangile des Égyptiens les fragments découverts dans les papyrus du Fayoum et d’Oxyrhinque. Cette attribution n’est pas prouvée.

Les textes dans Preuschen, Antilegoinena, p. 2, 3, et dans Harnack, Altchr. LUI., t. i, p. 13, 14.

Principaux travaux : Schneckenburger, Uebcr dus EvangcUiirn (1er /Egypiier, Berne, 1834 ; Vôlter, Pctniseuangeliiim oder Mgijptereuangeliuiii ? Tubingue, 1893 ; Zahn, Geschichie des N. T. Kanons, t. ii, p. 628-642 ; Harnack, Chronologie, 1, p. 612-622. Bibliographie plus complète dans Hcnnecke, Ilandbucli, p. 38 sq.

3° L'Évangile de Pierre. — Jusqu'à ces dernières années nos connaissances sur l'Évangile de Pierre étaient extrêmement sommaires. On savait que l'évêque Sérapion d’Antioche (fin du iie siècle) avait eu entre les mains un Évangile selon Pierre qu’il avait d’abord jugé inotïensif, mais dont, à plus ample informé, il avait constaté le caractèi’e docète. Voir Eusèbe, H.E., .Vl, XII, édit.Schwartz, t. ii, p. 544 ; P.G., t.xx, col. 545. Origône mentionnait ce même écrit et montrait qu’il en connaissait le contenu./n A/a///i., tom.x, 17, P. G., l. XIII, col. 876. Eusèbe déclarait que l'Évangile attribué à Pierre n’avait été cité par aucun écrivain ecclésiastique, et le rangeait en conséquence parmi les apocryphes, vôûa. II. E., 1. Hf, iii, 2 ; XXV, 6, édit. Schwartz, t. i, p. 190, 252 ; P. G., t. xx, col. 217, 269. Selon Thcodoret.Hæ ; -. fab.confulatio, ii, 2, P. G., t. Lxxxiii, col. 389, les nazaréens se seraient servis d’un Évangile selon Pierre. Enfin, quelques critiques supposaient que les àTr')iJ.vi, aov£-j|xaTa (twv aTioaTrj >(.)v), dont il est plusieurs fois question dans Justin, Diai, 106 ; Apol., i, 66, etc., édit. Otto, t. ii, p. 380 ; t. i, p.l82 ; P. G., t. VI, col. 724, 429, pouvaient bien être l'Évangile de Pierre. Cf. Zahn, Geschichie des N. T. Kanons, 1889, t. i, p. 509 sq. L’absence complète de citations authentiques et la pauvretédes renseignements permettaient les conjectures les plus diverses. Les choses en étaient là, quand, à l’automne de 1892, Bouriant fit connaître dans les Mémoires publiés par les membres de la Mission archéologique française au Caire, les résultats de ses fouilles à Akhmin, l’ancienne Panopolis, durant l’hiver de 18861887. Dans le tombeau d’un moine égyptien, on avait retrouvé un paquet de feuillets d’un ms. grec du viii^-ixe siècle, contenant, outre un fragment assez important du livre d’Hénoch, neuf pages d’un Évangile de saint Pierre et sept pages d’une Apocalypse attribuée au même apôtre. Le ms. d’Akhmin restituait environ 174 stiques de l'Évangile de Pierre, donnant la fin du récit de la passion et le récit de la résurrection. Pilate convaincu de l’innocence de Jésus, mais

ne pouvant le délivrer, l’abandonne à Hérode. C’est Hérode qui prononce la sentence de condamnation, la quelle est exécutée sur-le-champ. La narration suit alors d’assez près le récit des Synoptiques ; elle insiste tout particulièrement sur le fait que Jésus ne semble pas souffrir et aussi sur l’endurcissement des prêtres et des pharisiens. La résurrection de Jésus, que les Synoptiques n’avaient point décrite, est rapportée avec des détails plus ou moins fantaisistes ; elle a pour témoins les soldats qui gardent le tombeau et la foule des prêtres et des scribes qui les ont accompagnés. Suit le récit de la visite de Marie-Madeleine au tombeau ; le fragment s’interrompt brusquement au début d’une narration analogue à celle de Joa., xxi.

Sérapion d’Antioche avait déjà relevé le caractère docète de l'Évangile de Pierre ; cette vue est confirmée par l'étude du fragment découvert. Entre les deux larrons, Jésus se tait, comme s’il ne souffrait pas, èo-t(ô-a 'jj ; p./iSî Tiôvov à'ywv, IV, 10. Au lieu de s'écrier comme dans Matthieu et Marc : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » le Seigneur s'écrie : « Ma force, ma force, tu m’as quitté, » i] 6-jva|j. ! 'ç [/.OM, ïj oJvajj.c' ; tj.o-j /.a.itXuéi ; (j.e, VI, 19. Quand Jésus sort du tombeau, il grandit au point que sa tête dépassa le ciel, x, 40. Mais il reste assez difficile de décider à quelle catégorie de docètes l’on a affaire. Un second caractère de l'Évangile de Pierre, c’est sa tendance nettement apologétique. Pilate était convaincu de l’innocence du Seigneur ; c’est l’envie des prêtres, des scribes et des pharisiens qui l’a contraint à envoyer Jésus à la mort. Mais le&, miracles étonnants, qui se passent devant de nombreux témoins aussi bien au moment de la mort qu’au moment de la résurrection de Jésus, doivent convaincre les plus obstinés du caractère divin du Seigneur. Les autres traits qui diffèrent de la narration synoptique sont destinés à donner au récit plus de couleur et plus d’apparente précision.

Il n’est pas douteux, en effet, que l’auteur de notre apocryphe n’ait utilisé, en l’amplifiant, une tradition canonique. Les critiques ne sont pas d’accord, il est vrai, sur le nombre des Évangiles canoniques dont il se serait servi. Zahn tient pour incontestable que les seules sources de l’auteur sont les quatre Évangiles canoniques. Pour Swete, l'Évangile de Pierre dépend tout d’abord des quatre Évangiles canoniques, traités avec beaucoup de liberté, mais il a pu emprunter aussi à quelques autres sources. Harnack juge que le rapport avec Marc est prouvé ; avec les trois autres Évangiles il demeure incertain. Ici encore, comme dans les Évangiles des Hébreux et des Égyptiens, on aurait affaire à une tradition évangélique plus ou moins authentique, mais beaucoup moins pure que dans les Évangiles précédents.

La date reste encore indécise. L'Évangile existait certainement avant Sérapion d’Antioche qui le cite ; si, ce qui paraît assez peu vraisemblable, il était connu de Justin, il faudrait le mettre avant 150. On conjecture, sans preuve sufiisante, qu’il a été écrit en Syrie. En tout cas, il a dû circuler pendant de longues années, puisqu’au viii^'-ix'e siècle on le recopiait encore, et qu’on le mettait comme un talisman dans le tombeau du moine d’Akhmin.

Le texte a été publié pour la première foispaiBouriant. voir plus haut ; puis en pliotographiepar Gebhardt, Das Evangelium iind die Apokalypse des Peints, Leipzig, 1893 ; et aussi dans les très nombreuses éditions qui ont été faites .n partir de 1892. Signalons celles de Hftrnack, Briichs ! iicl ; e des Epangeliiims and der Apokalypse des Peints, dans Te.vlc iindUnlersttchiingen, Leip7Ag, 1893, t. ix, fasc.2 ; de Zahn, Das Evangeliiiin des Pe/rus, Leipzig, 1893 ; de Swete, T/ieapocryplial Gospel of Peter, Londres, 1892 ; de Bobinson, T/ie Gospel according to Peter and the Révélation of Peter, Londres, 1892 ; de Lods, Evangelii secimdam Petram et