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EXODE


aux ordres du Pharaon, 15. La barque de papyrus, dans laquelle la mère de Moïse exposa son enfant sur le Nil, ii, 3, n’est usitée qu’en Egypte. Le nom de Moïse est probablement d’origine égyptienne. Ce qui est dit des magiciens égyptiens qui, par leurs incantations, cliangcrent des verges en serpents, vii, 11, et firent des contrefaçons de plusieurs plaies, iniligées par Dieu aux Égyptiens, vii, 22 ; viii, 7, 18 ; cf. ix, 11, est bien confornie à la réalité. Ces plaies elles-mêmes, sans perdre leur caractère miraculeux, sont des fléaux naturels en Egypte, qui ont été produits dans des circonstances où apparaissait manifestement le doigt de Dieu. La donnée sur la composition de l’armée égyptienne de chars de guerre, xiv, 7, 9, 17, 18, 23, 25, 28 ; XV, 1, 4, 19, 21, est d’une exactitude parfaite. Les institutions rituelles et sacerdotales, établies par Moïse au pied du Sinaï, présentent une ressemblance, purement extérieure sans doute, mais néanmoins très réelle, avec les rites égyptiens. Le tabernacle avait, dans son ensemble, les mêmes dispositions que les temples égyptiens, et l’arche d’alliance, qui y était renfermée, ressemblait en quelque manière à leur naos intérieur. Bref, le récit de l’Exode a une couleur égyptienne évidente. Les critiques rationalistes ne la nient pas ; ils veulent seulement la restreindre aux passages qui auraient été empruntés au document élohiste. Ils l’expliquent dans ce document par le rapprochement immédiat de la Palestine et de l’Egypte et par les relations que les Israélites avaient sous leurs rois avec les Égyptiens. B. Bæntsch, Exodiia, Leviticus, Nunieri, p. lxx-lxxi. Toutefois, ce critique y reconnaît, pour son compte, quelques vestiges de la tradition nationale des Hébreux. Mais cette tradition, eût-elle reçu dès l’origine une forte empreinte égyptienne, aurait, au cours des âges, perdu de sa fraîcheur première et de son coloris local. Un rédacteur postérieur, fût-il personnellement au courant de la situation particulière de l’Egypte, de ses usages et de ses coutumes, n’aurait pu consigner la tradition par écrit d’une manière aussi conforme, jusque dans les moindres détails, à la réalité historique que les découvertes égyptologiques nous ont révélée. Il aurait été exposé, même involontairement, à la modifier d’après l'état politique différent de l’Egypte de son temps. Or, on ne remarque aucune trace de pareilles modifications, et l’Egypte est exactement décrite telle qu’elle existait à l'époque de l’Exode. Cette exactitude parfaite est plutôt le fait d’un Israélite contemporain, ayant longtemps vécu en Egypte, disons, de Moïse ou d’un de ses scribes. Enfin, le coloris égyptien existe dans les récits qu’on attribue au document jéhoviste aussi bien que dans ceux qui seraient de l'élohiste, notamment au sujet des plaies d’Egypte. Le livre de l’Exode tout entier, et non pas seulement le code de l’alliance, est donc d’un contemporain des faits racontés. CL E. Mangenot, op. cit., p. 234-238.

2. Réponse au.v principales objections des critiques. — Les critiques rationalistes, à qui quelques catholiques ont fait écho, ont proposé des arguments contre l’unité de rédaction, et par conséquent contre l’authenticité mosaïque du Pentateuque. On trouvera à l’art. Genèse la discussion de celui qui est tiré de l’emploi différent des noms divins, Élohim ou Jéhovah, dans le livre entier de la Genèse, dans les cinq premiers chapitres de l’Exode. Voir déjà t. iv, col. 951. Voici la solution de ceux qui concernent plus spécialement l’Exode.

a) Doubles récits. — - A propos de la sortie d’Egypte, on remarque des doublets : les mêmes faits sont racontés deux fois et de manières différentes, ce qui montre à la fois la diversité des traditions et des rédactions. Ainsi la vocation de Moïse et la révé lation de Dieu sont racontées une première fois, iii, 1-iv, 17, et une seconde fois, vi, 2-11 ; vii, 12. La manière dont les deux premières plaies d’Egypte sont accomplies est dift'érente. C’est Moïse qui frappe l’eau du Nil avec sa verge, vii, 17, 18, 206, 21rt, 24, 25 ; c’est la verge d’Aaron qui, simplement étendue, change en sang toutes les eaux de l’Egypte, 19. Moïse encore fait sortir du fleuve des grenouilles qui envahiront tout le pays, viii, 2-4 ; ou Aaron étendra sa main sur tous les cours d’eau, les canaux et les étangs pour en faire sortir des grenouilles qui se répandront sur l’Egypte entière, 5, 6. Pour le pain azyme, Dieu ordonne d’en manger le 15 nisan avec l’agneau pascal et des herbes amères, xii, 8 ; de fait, les Israélites, dans la presse du départ, emportèrent au matin la pâte non fermentée, 34, qu’ils firent cuire à Socoth, et ils eurent ainsi des pains azymes, 39. Il y a encore un double récit de l’itinéraire des Israélites vers la mer Rouge : un premier, xiir, 17, 18, et un second, xiv, 1-4 ; les versets 5-7 du c. xiv semblent être la continuation du premier. Plus loin, leꝟ. 15, où Dieu demande à Moïse pourquoi il crie vers lui, ne répond pas aux deux versets précédents, dans lesquels Moïse a donné aux Israélites l’assurance que Dieu combattra pour eux. A. Schulz, Doppelberichte im Penlatcuch, dans Biblische Studien, Fribourg-enBrisgau, 1908, t. xui, fasc. 1, p. 78-85.

Ces doubles récits ne s’imposent pas à la critique, quoi qu’on ait dit. Nous avons déjà montré qu’il y a eu deux manifestations successives de Jahvé à Moïse. Voir t. iv, col. 954, 957. Mais on insiste et on prétend qu’au moins les deux récits ne peuvent être de la même main. Le second n’est pas rattaché au premier. Moïse refuse de faire une démarche auprès du Pharaon, parce qu’il pense que, n’ayant pas été écouté par les Israélites, il n’a aucune chance de succès auprès du roi ; il ne fait aucune allusion à son échec précédent. On ne dit pas non plus quand a eu lieu cette seconde révélation. Ces preuves n’ont de valeur que dans la prcsupposition que les versets 22 et 23 du c. V n’appartiennent pas au récit de la révélation qui suit. Si l’on prend le contexte actuel. Moïse avait rappelé déjà son échec précédent avant que Dieu ne renouvelle sa mission, et la date de cette révélation est établie, puisqu’elle est provoquée par les plaintes du peuple, dont l’oppression a augmenté après la première visite de Moïse au Pharaon. Ainsi isolé, le second récit fait bien l’effet d'être un doublet du premier ; mais est-il raisonnable de l’isoler de la sorte et de le détacher de son contexte ? N’est-il pas plus légitime de le relier à ce qui précède ? Si le rédacteur a eu à sa disposition deux sources différentes, il n’a pas remarqué cette absence de liaison, et s’il a rapporté deux récits d’origine distincte, c’est que ses sources, que nous n’avons plus, lui fournissaient des indices de la liaison qu’il a laissée aux récits et qu’il n’a pas établie lui-même. Il distinguait donc deux révélations différentes, ayant eu lieu à des dates différentes, et il les plaçait dans l’ordre que ses sources lui indiquaient. Mais si les faits sont distincts. Moïse lui-même peut bien être l’auteur de la disposition chronologique actuelle.

Les miracles de l’eau changée en sang et des grenouilles sorties du fleuve ne sont pas racontés de deux manières différentes. Pour le premier, il est d’abord annoncé par Moïse au Pharaon comme une menace. VII, 14-18, et il est ensuite accompli par Aaron. Dans la menace, sans doute, c’est Moïse qui doit frapper de sa verge l’eau du fleuve pour la changer en sang ; dans la réalisation, c’est Aaron qui étend sa verge sur toutes les eaux de l’Egypte. Mais la verge dont Moïse devait frapper l’eau du fleuve, est celle qui a été changée en serpent. Or, c’est celle d’Aaron, vii, 9. Mais, dit-on,