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EXTRÊME ONCTION DU I" AU IX" SIÈCLE

1930

en maisons et c’est ce que ne permettait pas la prudence clirétienne… Four éviter cet inconvénient, on permettait aux chrétiens d’emporter l’eucharistie dans leurs maisons… Les choses étant sur ce pied dans les trois premiers siècles, il n’est pas surprenant que, dans le suivant, on ait encore négligé de recevoir ce sacrement : c'était une suite ^e l'état où on s’est trouvé. » On a fait observer aussi que l’extrême onction n'était conférée ni aux martyrs ni aux saints, ni aux fidèles condamnés à la pénitence publique : sous cette forme générale, ces affirmations sont contestables. Cf. Kern, De sacramento extrcinæ undionis, Ratisbonne, 1907, p. 18. Il paraît très probable pourtant, sinon certain (voir le texte d’Innocent 1° étudié plus loin) que, pour l’un ou l’autre de ces trois motifs, l’extrême onction a pu n'être pas administrée.

Des crudits ont cru parfois constater que les laïques s’oignaient eux-mêmes. Que le fait ait été légitime ou non, ait porté atteinte ou non à la validité du rite, s’il a eu lieu, il rend raison du défaut d’attestations nombreuses en particulier dans les documents liturgiques. Il faut ajouter que dans les Églises où la recommandation de saint Jacques sur l’intervention de plusieurs presbyties était prise à la lettre, la collation du sacrement, étant beaucoup plus difficile, fut plus aisément négligée : les communautés comptaient un nombre toujours plus considérable de -chrétiens, les campagnes passaient à la religion nouvelle, les paroisses n'étaient pas dès l’origine régulièrement organisées. La pluralité des ministres dut rendre moins fréquente l’administration du sacrement. Partout et toujours d’ailleurs, il faut compter avec la faiblesse humaine. A l'époque des invasions barbares, par exemple, la charge pastorale devint très lourde, elle fut confiée souvent à des hommes peu préparés et le ministère fut en souffrance. Ainsi dans les premiers siècles de l'Église franque, les conciles durent rappeler aux prêtres l’obligation de visiter les malades, aux évêques le devoir de bénir l’huile sainte ; les capitulaires impériaux et épiscopaux blâmèrent les rétributions excessives qu’exigeaient les ministres des sacrements et qui détournaient les fidèles de leur réception. Les documents du temps constatent l’ignorance et la superstition des fidèles : on en arriva, en certains milieux, à considérer l’onction comme un privilège dont le bénéhce était réservé aux clercs. Cf. Netzer, loc. cit., p. '205-206. Ces faits dûment constatés expliquent pourquoi les preuves de l’existence du sacrement des malades, sans être rares, ne sont pas plus fréquentes.

Certains catholiques ont cru pouvoir alléguer aussi la loi du secret. Des érudits ont contesté, il est vrai, l’existence dans les deux premiers siècles de la discipline de l’arcane, soutenu que dajis la suite la discrétion catéchétique et liturgique avait un caractère fictif et que l’on taisait officiellement ce que tout le monde savait ou pouvait apprendre. Batilïol, art. ArCANE, t. I, col. 1738-1758. Mais même s’il en était iiinsi, ce qui n’est pas universellement admis, cette attitude eut pour conséquence le silence relatif des écrivains chrétiens. Quoi qu’il en soit, ce qu'écrivait Cliardon, op. cit., col. 755, reste vrai : « Les anciens avaient pour maxime de ne parler de nos mystères que lorsque la nécessité les y contraignait et rien ne les obligeait ù parler de celui-ci… Si les Pères ont parlé dans ce temps des autres sacrements…, c’a été ou pour réfuter les calomnies des païens ou pour instruire les catécliumènes…, et il n'était point nécessaire qu’ils parlassent de ce sacrement que les premiers ne connaissaient pas et dont on avait tout le temps d’instruire les seconds lorsqu’ils seraient dans l'Église. »

Nous ne sommes pas en présence d’une vérité niée, caricaturée par les infldèles, dénaturée par les hérétiques. Il ne s’agit pas d’un acte qui se répète comme l’eucharistie, qui exige des dispositions nombreuses comme la pénitence, qui est l’objet des catéchismes antérieurs à l’initiation clirétienne comme le baptême et la confirmation, qui se fait en pleine assemblée des fidèles solennellement, qui a une extrême importance pour la vie de la communauté comme l’ordination. Même aujourd’hui, les clirétiens entendent-ils souvent des sermons sur l’extrême onction, et les ouvrages consacrés à ce sacrement par des catlioliques sont-ils aussi nombreux que ceux qui sont composés sur l’eucharistie ? Certainement on pourrait encore parler du silence relatif qui, au xxe siècle, est gardé sur ce sacrement. Et si on établissait un rapport entre le nombre des affirmations, des controverses, des écrits consacrés de nos jours à la communion et le nombre des affirmations, controverses, écrits relatifs à l’extrême onction, on conclurait peut-être que la situation est telle qu’elle fut jadis.

Sans doute, l'Écriture parle de l’onction et on pourrait être tenté de croire que ce rite a été mentionné par de nombreux commentateurs. Malheureusement, les Épitres catholiques ont été expliquéesparpeu dePères. Des travaux de Clément d’Alexandrie, de Didyme, de saint Cyrille d’Alexandrie et de saint Augustin il ne nous reste plus que des fragments. Le premier commentaire complet que nous possédons encore est du vénérable Bède ; or, il contient un très précieux témoignage sur l’extrême onction. L'Épître de saint Jacques, puisqu’elle est deutérocanonique, n’a pas eu partout la même diffusion dans l'Église, et le rite qu’elle recommandait a dû être ignoré dans les Églises où la lettre elle-même n'était pas encore parvenue. D’autre part, « en Orient avant le ve siècle et en Occident avant le viii"", saint Marc n’a pas eu de commentateurs. » Cornely, Manuel d’introduction historique et critique à toutes les saintes Écritures, trad. franc., Paris, 1908, t. ii, p. 323. Et le plus ancien interprète grec du second Évangile, Victor d’Antioche, parle de l’extrême onction. Enfin l’Ancien Testament ignorait ce rite ; comme l’observent les théologiens scolastiques, il ne signale aucune cérémonie qui puisse être considérée comme une figure du sacrement des mourants. Ainsi, la Bible n’offrit pas occasion de parler de l’extrême onction ; il en fut tout autrement du baptême, de la pénitence, de l’eucharistie et de l’ordre.

Il est pourtant des écrits où on s’attendrait à trou. ver au moins des allusions à l’extrême onction, ce sont les récits de morts des fidèles. Avec grande attention, de Sainte-Beuve a examiné cet argument. Op. cit., col. 73-80. Après avoir étudié toutes les descriptions des derniers moments des premiers clirétiens connues de lui, il aboutit à ces conclusions-qui n’ont pas perdu leur valeur. Certains parmi ces fidèles sont morts après avoir reçu le baptême et n’avaient aucun besoin de l’extrême onction. D’autres n’ont pas été malades, mais sont subitement passés de vie à trépas. Plusieurs étaient de grands personnages qui, de leur vivant même, étaient tenus pour des saints : peut-être n’at-on pas jugé à propos de leur appliquer un rite dont un effet est la rémission des péclics. Pour beaucoup on ne dit pas non plus qu’ils aient reçu la communion ni la pénitence ; or ce sont des fidèles pieux dont la vie et la mort sont présentées comme des exemples, et nous savons que le P concile de Nicée, can. 13, confirme « la loi antique de l'Église qui défend de priver du dernier et nécessaire viatique celui qui est près de la mort ; » on doit lui accorder le pardon et l’admettre à la communion. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 594. L’extrême onction étant un