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FILIOQUE


tlu docteur Langen fut traduit en russe. Le cardinal Franzelin l’a réfuté avec force dans son Examen doclrinæ Macarii, p. 239-310.

La même année 1876, un ancien prêtre catholique, le docteur Owerbeck, publiait son livre : Die Bonner Unions-Konferenzen, Halle. A son avis, la doctrine théologique des vieux catholiques aboutissait à la négation absolue de la participation du Fils dans la spiration active du Saint-Esprit. Le Fils y était réduit à être uniquement le principe de la mission temporaire du Saint-Esprit. Les vieux catholiques acceptaient donc la thèse ortliodoxe.

Trois ans après, im théologien russe, N. Bogorodsky, apporta une note nouvelle dans la controverse du Filioque. Dans son livre : Utchenie sv. Jocinna Damaskina ob iskhojdenii sv. Dukha (La doctrine de saint Jean Damascéne touchant la procession du Saint-Esprit), Saint-Pétersbourg, 1879, il démontra que la formule ex Pâtre per Filium signifiait la snnultanéité de la procession éternelle du Fils et du Saint-Esprit, de la part du Père. La tlièse de Bogorodsky, qui était un premier pas thnide vers l’aveu de la vérité dogmatique du Filioque, reçut les meilleurs éloges de Vladimir Soloviev, dans Venghérov, Kritiko-biographitcheskii slovar, Saint-Pétersbourg, 1895, t. iv, p. 170-175. Sous le pseudonyme de Basile Livansky, un écrivain catholique russe, Michel Jerebtzov († 1905), en tirait profit pour écrire un livre sur la crise doctrinale de l'Église russe : Protoprosvitcr Janijchev, i noinji doctrinalnyi krizis v russkoi Izerkvi, Fribourg-en-Brisgau, 1888. Cet ouvrage excita les rancunes des théologiens russes, qui y virent un nouveau complot jésuitique. A. K., Novaia jezuilskaia machinatzia, dans Tzerkovngi Viestnik, 1888, n. 14, col. 277-280.

En 1877, les relations otTicielles entre l'Éghsc russe et le vieux catholicisme eurent une brusque interruption. Le Saint-Synode ne voyait pas de bon œil l’infiltration du libéralisme doctrinal des vieux catholiques dans l'Église russe, et craignait qu’on n’arrivât pas à donner au Filioque l'étiquette orthodoxe. Ce ne fut qu’en 1892 qu’on renoua les relations entre l'Église russe et les vieux catholiques. Grâce aux elTorts du général Kiréev, le Saint-Synode institua une commission spéciale de théologiens, chargés d’examiner les conditions proposées par les vieux catholiques pour entrer en communion avec l'Église russe. Le professeur Katansky publia sa broclmre sur la procession du Saint-Esprit, Oh iskhojdenii Sv. Dukha, Saint-Pétersbourg, 1893, où il soutenait que par un seul et même acte éternel le Père produit le Fils et engendre le Saint-Esprit. Cette théorie, remarque justement Bogorodsky, supprimait toute distinction réelle entre le Fils et le Saint-Esprit. Dans son volume sur la question vieille catliolique, Sturokalolilclwskii vopros v novieichce vremia, Kazan, 1897, le professeur Vladimir Kerensky n’allait pas si loin que Katansky. Il y admet la sinmltanéité éternelle de la génération et de la spiration, et il se réjouit de ce que les vieux catholiques condamnent comme illégale l’addition du Filioque au symbole et que, par conséquent, ils l’arrachent du domaine des vérités dogmatiques, p. 198-205. Par la bouche de son évêque, le docteur Th. Wcber, le vieux catholicisme répondait en revendiquant le droit d’expliquer selon ses opinions philosophiques les mots : Spiritus a Paire procedit, en déclarant de nouveau que la doctrine du Filioque n’est pas un dogme et que son insertion au symbole n’est pas correcte. Russische Stimnicn iiber den Altkatholizisnius, dans la Revue inlernuliomde de théologie, 1897, t. v, p. 540-556.

En 1898, la même revue publiait, sous le voile de l’anonyme, les thèses très importantes d’un théologien russe sur le Filioque : Thrscn iiber das Pitioque von einem russisclien Theologen, ibid., 1898, t. vi, p. 681/ 712. Le théologien russe anonyme résumait en deux propositions les résultats de ses recherches : 1° ce n’est pas le Filioque qui a donné lieu à la séparation des Églises ; 2° le Filioque, en tant qu’il est une opinion théologique privée, ne constitue pas un impedimentum dirimens à l'établissement de V Interconununion entre les Églises orientales orthodoxes et le vieux catholicisme. Le Filioque n’est pas un dogme dans le vrai sens du mot, mais un theologumenon : il n’exprime pas une vérité dogmatique, mais une probabilité. Le dogme appartient au domaine des vérités qu’il faut croire pour être sauvé ; le theologumenon laisse le champ libre aux doutes et aux négations. Et puisque in nccessariis unilas, in dubiis Ubcrtas, le Filioque pourrait être librement enseigné par les latins comme un theologumenon. Ibid., p. 682.

Les tlicses du théologien russe soulevèrent en Russie une vive émotion. On y était habitué depuis de longs siècles à considérer le Filioque comme la pire des hérésies, comme le pilier du schisme, et on ne pouvait que s'étonner de l’audace d’un théologien inconnu, qui reniait d’un trait de plume la sentence portée par la théologie gréco-russe contre le Filioque depuis Photius jusqu'à la fui du xixe siècle. Cette émotion s’accrut, lorsqu’on répandit le bruit que l’auteur anonyme des thèses était Basile Vasilévitch Bolotov (j- 1900), professeur à l’académie ecclésiastique de Saint-Pétersbourg, le géant des sciences sacrées en Russie, au dire de Vladimir Soloviev. Voir Brilliantov, V. V. Bolotov : biographitclieskii otcherk, dans Khristicujskoe Tchtenie, 1910, p. 845. Les vieux catholiques conçurent donc l’espoir d’arriver à une entente avec l'Église russe, mais leurs illusions tombèrent peu à peu.

La question du Filioque divisa les théologiens russes en deux camps opposés, et comme il arrive presque toujours dans les Églises orientales, au nom de l’orthodoxie en danger, les intransigeants eurent gain de cause sur les amis du vieux catholicisme. L'école théologique de Kazan se prononça ouvertement contre toute concession doctrinale en faveur du Filioque. M. Alexandre Gousev († 1904), professeur à l’académie ecclésiastique de Kazan, ressassa, contre le Filioque et son insertion au symbole, les vieux arguments de la théologie gréco-russe et anathématisa l’horrible impiété latine. Il attaqua vivement le Filioque dans plusieurs livres et articles de revues : Otviet starokalolitcheskomu prof. Michaud : po voprosu o Filioque, Kliarkov, 1899 ; Jezuilskaia apologia filiokvislitclieskago utclienia, Moscou, 1900 ; Starokatolilclieskii olviel nu nachi tezisij po voprosu o Filioque, Kazan, 1903 ; Poslicdnee nache slovo o starokalolitcliestvie i ego russkikh apologetakh, Kazan, 1904. D’après le docteur Gousev, le Filioque doit être rejeté dans toutes ses formes et ses interprétations. La mission éternelle du Saint-Esprit n’appartient pas au Fils. Le Fils peut seulement envoyer le Saint-Esprit dans le monde. Le docteur Gousev développa ces théories dans une lettre au général Kiriéev, insérée dans le Khristianskoe Tchtenie, 1897, t. i, p. 733-771.

Vn autre théologien de l’académie ecclésiastique de Kazan, Vladimir Kerensky, déclarait que l'ÉgUse orthodoxe russe devait toujours rejeter, connue contraire à sa doctrine dogmatique, la croyance latine de la procession du Saint-Esprit du Fils. Dans ses nombreux ouvrages sur le vieux catholicisme, le professeur Kerensky pose toujours le Filioque comme un très grave obstacle à l’union des vieux catholiques avec l'Église orthodoxe russe. Voir Starokatolilzizm i ego isloriia, Kazan, 1894 ; A' staro katolitclicskornu voprosu, Saint-Pétersbourg, 1903, 1904 (deux brochures contre le général Kiriéev) ; A' starokatolitclicskomu voprosu, Kazan, 1897 (contre le docteur Weber) ; A’avpiclicl kriliku Prof. P. Svietlov, Kazan, 1904 ; Sta-