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ESPERANCE

et sur le bien personnel de qui qui espère. En somme, la foi et l’espérance ont une différence non seulement nominale, mais réelle aux yeux de la raison. Quant à l’invisibilité de l’objet, elle est commune à la foi et à l’espérance. Dans l’Épître aux Hébreux…, la foi est appelée une conviction des choses que l’on ne voit pas… L’apôtre dit de même au sujet de l’espérance : Quand on voit (le bien présent), on ne l’espère plus. Nous espérons ce que nous ne voyons pas. Rom., VIII, 24. » Enchiridion de fide, spe et caritate, c. VIII, P. L., t. XL, col. 234.

Le saint docteur achève en montrant les trois vertus inséparablement unies dans le juste : « L’apôtre recommande la foi animée par la charité, Gal., v, 6, qui ne peut être sans l’espérance. Donc, pas d’amour sans espérance, pas d’espérance sans amour, et ni l’un ni l’autre sans la foi. » Ibid., col. 235. Mais, de ces paroles, les jansénistes ont mal conclu que dans le pécheur l’espérance ne peut se trouver sans la charité parfaite ; Augustin lui-même dit plus bas au c. cxvii : « Quoiqu’on ne puisse espérer sans aimer, il peut arriver qu’on n’aime pas un moyen nécessaire à la fin qu’on espère. Ainsi, l’on espérera la vie éternelle, (qui ne l’aimerait pas ?) mais on n’aimera pas la justice sans laquelle personne ne peut y parvenir. » Ibid., col. 286. L’espérance théologale, d’après lui, inclut donc un certain amour de Dieu, mais elle n’a pas toujours avec elle cet amour parfait et conforme aux volontés et aux commandements de celui qu’on aime, qui à l’instant même change le pécheur en juste.

Ainsi, saint Augustin explique suffisamment cette inséparabilité des trois vertus, dont il semble avoir emprunté le principe à saint Zénon de Vérone, qui le premier a fait un essai de théorie de l’espérance. Zénon dit que « si on leur refuse la charité, la foi et l’espérance cesseront. » Tract., II, de spe, fide et caritate, n. 1, P. L., t. xi, col. 269. Mais, comme le remarquent les frères Ballerini dans une dissertation sur la doctrine de saint Zénon, P. L., ibid., col.128, l’évêque de Vérone prend ici la charité dans un sens très large, puisqu’il l’attribue à tous les hommes, même à ceux qui n’ont pas la foi, et qu’il en retrouve l’image jusque chez les animaux. Il veut dire simplement que l’espérance inclut un certain amour, comme le dira aussi saint Ambroise : « Celui qui espère, ne désire-t-il pas et n’aime-t-il pas ce qu’il espère ? » Serm., ix, in ps. cxviii, n.3, P. I, ., t. xv, col. 1321. Saint Augustin n’est donc pas le premier à avoir pris le mot de « charité » dans un sens souvent très large, ce qui a jeté tant d’obscurité sur sa doctrine de la charité, et a donné occasion à plus d’une erreur janséniste. Voir Augustin, t. i, col. 2436.

L’espérance dans les documents de l’Église.

Voici les principaux, d’autres seront ajoutés au cours de cet article.

1. Le concile de Trente, énumérant les divers actes par lesquels les pécheurs, avec le secours de la grâce, se disposent à la réconcihation avec Dieu, à la « justification » , décrit ainsi l’acte d’espérance, avec l’objet spécial qu’il a dans ce cas particulier :

[Tableau à insérer] Par la considération delà
miséricorde de Dieu, ils sont
animés, encouragés à l'espé
rance, ayant confiance que
Dieu leur sera propice à
cause du Christ.

… Ad considerandam Dei
misericordiam se conver
tendo, in spem erigimtur
fidentes Deum sibi propter
Christum propitium fore.

Sess. VI, c. VI, Denzinger Bannwart, n. 798 (680).

Ainsi, l’espérance s’élance vers un bien futur et personnel (ici, le pardon). Elle a pour éléments, soit cet effort courageux (eriguntur) que les théologiens appellent erectio animi, soit la confiance (fidentes).

2. Dans la même session, parlant non plus des pécheurs, mais des justes, le concile ajoute :

Quant au don de persévérance.
.., que personne ne se
promette quelque chose de
certain d’une certitude absolue,
bi en que tous doivent
avoir une espérance très ferme
dans le secours de Dieu.

De perseverantiae munere
... nemo sibi certi aliquid
absoluta certitudine
polliceatur, tametsi in Dei
auxilio firmissimam spem
collocare et reponere omnes
dobent.
Sess. VI, c. xiii, Denzinger, n. 806 (689).

Nous parlerons plus bas de la fermeté ou certitude de l’espérance.

3. Ailleurs, après avoir parlé de la contrition « que la charité rend parfaite >>, et qui, sur-le-champ, réconcilie avec Dieu, le concile fait la déclaration suivante sur la contrition imparfaite ou attrition, motivée par la crainte de l’enfer :

Illam contritionem imperlectam.
.., si voluntatem
peccandi excludat cum spe
veniae, déclarat… donum
Dei esse et Spiritus Sancti
impulsirm, non adhuc quidem
inhabitantis, sed tantum
moventis, quo pœnitens
adjutus viam sibi ad justitiam
parat.
Sess. XIV, c. iv, Denzinger, n. 898 (778).

Cette attrition, si elle
exclut la volonté de pécher,
et si elle est accompagnée
de l’espérance du pardon, le
concile déclare… qu’elle est
un don de Dieu et une impulsion
du Saint-Esprit, qui
n’habite pas encore l’âme,
mais déjà l’actionne, et aide
ainsi le pénitent à se disposer
à la justification.

Nous voyons ici la séparabilité de l’espérance et de la charité : un pécheur qui n’a pas encore fait l’acte de charité, et en qui l’Esprit-Saint n’habite pas encore, peut faire utilement un acte d’espérance. — Ce qui résulte aussi de la condamnation de la 57e « proposition de Quesnel : « Il n’y a pas d’espérance en Dieu, où il n’y a pas amour de Dieu. » Denzinger, n. 1407 (1272). Par amour de Dieu, Quesnel entendait l’amour parfait ou charité théologale.

4. Le concile de Trente définit que :

In ipsa justificatione cum
remissione peccatorum hœc
omnia simul infusa accipit
homo…, fidem, spem et cari
tatem.
Sess. VI, c. VII, Denzinger, n. 800 (682).

Dans la justification elle-même,
avec la rémission
des péchés, l’homme reçoit
toutes ces choses infuses en
même temps…, la foi, l’espérance
et la charité.

Le mot d’espérance ne peut ici, comme dans les textes précédents, signifier un acte. Que serait cet acte ? Une disposition à la justification ? Mais ici, il n’est plus question des dispositions à la justification, comme au chapitre précèdent, mais de la « justification elle-même » . S’agirait-il de nouveaux actes à faire au moment même de la justification ? Mais l’Église ne nous dit pas de refaire au moment de la justification les actes préparatoires faits un certain temps auparavant ; au contraire, elle baptise ou absout le moribond inconscient, en vertu des seules dispositions antérieures, sans aucun acte présent. Force est donc d’entendre ici le mot espérance non pas d’un acte passager (auquel, d’ailleurs, ne conviendrait guère le mot infusa), mais d’un principe permanent de cet acte, d’une « vertu infuse ", qui n’est pas nécessairement en acte au moment où on la reçoit. Ce n’est pas simplement une fiction logique, une sorte de catégorie, une formule abstraite où nous recueillerions et enregistrerions nos actes d’espoir. Nous n’espérons pas seulement par des opérations isolées, nous espérons par une puissance habituelle et féconde, d’où émanent en leur temps les mouvements successifs mais non continus, qui s’appellent actes d’espérance. » J. Didiot. Morale surnaturelle spéciale, Paris, 1897, p. 311. Notre interprétation de ce passage du concile de Trente est prouvée aussi par l’Histoire du concile, de Pallavicini, l. VIII, c. xiv, n. 3.

II. Analyse de l’espérance d’après le langage et le sens commun, telle que l’a donnée