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EUCHARISTIE D’APRES LES PERES

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Ainsi donc Clément distingue l’eucharistie de la gnose, malgré la ressemblance des descriptions qu’il leur consacre ; et « cette distinction, qui est fondamentale, dit Mgr Batiffol, L’eucharistie, p. 185, autorise à dire que les critiques se sont trompés qui ont, comme Steitz, cru voir se former à l’issue du iie siècle, si profondément réaliste, une conception radicalement contraire qui serait un pur sj-mbolisme, conception d’origine alexandrine et dont Clément serait le premier représentant. Ce sjmbolisme se serait résolu, au iv<e siècle, en un dj’namisme, qui lui-même aurait abouti, sur la fm du ive siècle, à une théorie de la conversion. Mais, en fait, le premier point de cette courbe n’existe pas : Clément n’est pas un symboliste professant la présence en figure ; il est aussi réaliste de langage que la liturgie de son temps, et il parle de ce réalisme comme d’un mélange du Verbe et des espèces consacrées, mélange aussi réel que l’incarnation. Nous sommes assurément encore loin d’une théorie de ce complexiis qu’est le réalisme 1 Mais loin aussi du pur syinbolisme imaginé par Steitz. » Voir t. III, col. 195-198.

2. Origène.

A la différence de son prédécesseur, Origène ne conçoit pas l’eucharistie comme un mélange du Verbe et des espèces consacrées et il n’en fait pas un gage d’immortalité ; mais, comme Clément, il est retenu dans l’expression de sa pensée par l’usage de discrétion qui veut qu’on ne parle des mystères chrétiens, et notamment de l’eucharistie, qu’en termes voilés, par allusions, que saisissaient bien les fidèles, mais que ne pouvaient pleinement saisir les catéchumènes et les non-chrétiens. C’est ainsi qu’après avoir cité ces paroles du Sauveur : « Ceci est mon corps, » et le reste, il ajoute : « Celui là connaît la chair et le sang du Verbe de Dieu, qui est initié aux mystères. Ne nous arrêtons pas plus longtemps à ces choses connues de ceux qui savent et restées lettre close pour ceux qui ignorent. » //) Lev., homil. ix, 10, P. G., t. XII, col. 523. Comme Clément encore, Origène emploie des termes et des tournures de phrase qui rappellent le langage liturgique et qui sont le témoignage irrécusable de la foi traditionnelle au dogme de la présence réelle. Ce que le Seigneur donne, c’est son corps et c’est son sang : Sicwiao : /.a ih-i otpTov Tr, ; îO/.OY’a ? » tô’7ti’)|j.a âauToû xai t"o aî|jLa éa’j-.oC Xapt^sTa-. In Jer., homil. xviii, 13, P. G., t. xiii, col. 489. Ce que le fidèle reçoit par la communion, c’est le pain devenu corps saint et sanctifiant par la prière de ceux qui s’en nourrissent avec une intention pure. Pour nous, qui rendons grâce au créateur de l’univers, nous mangeons avec action de grâce et prière les pains que nous offrons, Tioy.a -Evouivo-j ; ?tà tV’sO/r|V av’-ïiv Tt /.%. ày’.âsO"’'où : |)£Tà JytoC ; iz^ohiniMi ocJt’ô /p(i)u£vo-j :. Conl. Cels., viii, 33, P. G., t. xi, col. 156.5. Mais cette communion au corps du Christ par la participation à l’eucharistie requiert une conscience pure ; d’où ce reproche au pécheur : Commimicarc non tintes corpus Christi, accedens ad eucharisliam’.' In ps. XX VII, homil. ii. G, P. G., t. xii, col. 1380. Elle requiert aussi de grandes précautions et un profond respect pour que rien n’en tombe à terre. Nostris qui divinis mijsleriis intéresse consucstis, cum suseipitis corpus Christi, cum omni cautela et vencralione servatis ne ex eo pnrum quid déridât, ne conserrati muneris aliquid dilabatur. Reos enim vos creditis, et recte creditis, si quid inde per ncgliqentiam décidât. In lixod., homil. xiii, 3, P. G., t. xii, col. 391. Comme Clément enfin, Origène connaît la relation qui existe entre l’Ancien et le Nouveau Testament ; il voit que ce fqui était une énigme dans le passé est devenu une réalité. « Alors, dit il, la manne était une nourriture in œniqmnte, aujourd’hui la chair du Verbe de Dieu est une nourriture véritable, ainsi qu’il l’a

dit lui-même : « ^^a chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage, » In Num., homil. vil, 2, P. G., t. xii, col. 613. Comparant la pâque chrétienne avec la pâque juive, il en note les différences caractéristiques. Les Juifs, dit-il, mangent un agneau ordinaire, mais notre pâque est le Christ immolé pour nous. C’est la différence entre l’ombre et la lumière, entre la figure et la réalité. Voilà ce que comprend celui qui a été instruit secrètement des mystères de la pâque : il sait que la chair du Verbe est vraiment une nourriture, tllù-iz on à), r, Oï, : âsTi [lipôpi ;. In Jer., homil. xii, 13, P. G., t. xiii, col. 395. Même rapprochement significatif et même distinction réelle au sujet du sang de l’agneau pascal, dont les Juifs avaient jadis marqué les portes de leurs demeures. Les chrétiens font quelque chose de semblable, mais bien plus relevé : « Ils mangent comme leur pâque le Christ immolé pour nous, qui a dit : « Si vous ne « mangez ma chair, vous n’aurez pas la vie en vous. » Et par cela même qu’ils boivent son sang, véritable breuvage, ils arrosent les portes de leur maison, qui est leur âme. » In Matth. comment, séries, 10, P. G., t. xiii, col. 1615. Tout naturellement il écarte le sens grossier d’une manducation telle que l’avaient comprise les capharnaïtes. S’adrcssant donc aux hommes charnels qui l’entendraient de même, il leur dit : « Si vous suivez à la lettre ce qui est dit : « Mangez « ma chair et buvez mon sang, » cette lettre tue. » Il veut, en clTct, qu’on entende le mystère de la communion dans le sens où l’enseigne l’Église, sccundum hanc intelligentiam quam docel Ecclesia. In Lev., homil. VII, 5, P. G., t. XII, col. 487.

Ces textes suffisent pour montrer la valeur du témoignage d’Origène en faveur de la présence réelle ; mais il en est d’autres où il tient un langage allégorique. En effet, en dehors et au-dessus de cette manière d’entendre les choses d’une communion réelle, quoique spirituelle, au corps et au sang divin, qu’il qualifie de plus commune et à l’usage des simples, àTrXouiTTipoiç y.y.-h xr, t y.oivoTe’pav -sp’i Tr, ; j-^/apto-tiai ; i-Alrj-/r, , il en conçoit une autre plus profonde et plus divine, toï ; 6s paO-Jxspov à/.o-j£iv ijE[jaOr, v.rj(Ttv v.aTa Tr|V Œîotépav y.a 7rep ToO xpoçîuo’J t ?, ; aXrjŒt’a ; o’; o-J éitayi-c/iav. In Joa. comment., xxxii, 24, P. G., t. xiv, col. 809. Il est vrai que, dans ce cas, ce n’est pas la communion au corps et au sang du Verbe incarné qu’il a en vue, mais bien, par l’allégorie, l’adhésion de l’esprit à l’enseignement du Verbe. Voici, en effet, un passage significatif : " Ce pain que le Lieu-Verbe dit être son corps, c’est le Verbe-nourricier des âmes, le Verbe procédant du Dieu-Verbe. Le pain qui sort du pain céleste et qui est passé sur la table, c’est celui dont il est écrit : < Tu as dressé pour moi une n table en face de ceux qui me persécutent. » Et ce breuvage que le Dieu-Vcrbe appelle son sang, c’est le Verbe qui abreuve et enivre magnifiqucmonl les cœurs… Car ce que le Dieu-Verbe nommait son corps, ce n’était point le pain visible qu’il tenait entre ses mains, mais le Verbe dans le mystère duquel ce pain devait être rompu ; de même ce qu’il nommait son sang, ce n’était pas ce breuvage visible, mais le Verbe, dans le mystère duquel ce breuvage devait être répandu. Le corps et le sang du Dieu-Verbe peuvent-ils être, en effet, autre chose que le Verbe qui nourrit et le Verbe qui réjouit le rrrur ? » In Matth. comment, séries, 85, /’. G., t. xiii. co !. 1735. Ce passage et d’autres encore, In um, homil. xvi, 9 ; xxiii, 0 ; In Lev., homil. vii, 5 ; De oral., 27 ; cLDupcrron, L’eucharistie, y>. 223-226 : A. Struckmann, Die Gegenucrt Chri.sti in der heiligen Lurhnristic, cnnc, r-i, p. l.’"^8191, sont assurément déconcertants pour celui ( ; ui les lit aujourd’hui ; l’étaicnl-ils aussi pour les auditeurs habituels d’Origène, même pour les fldéîes ? Nous ne