Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/572

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1125

GALLICANISME

1126

II veut fixer les droits du pouvoir civil en France seulement (et non ailleurs) en matière mixte et ecclésiastique : c’est du gallicanisme politique, et ses négations recouvrent une doctrine positive. Il ne se préoccupe pas de déterminer la place du pape dans la hiérarchie sacrée, mais seulement de marquer ce qu’il n’a pas le droit de faire en France : aussi ne parle-t-il pas de son infaillibilité, qu’il croyait conciliable avec nos libertés ; s’il mentionne que le pontife « n’est estimé estre par dessus le concile universel, mais tenu aux décrets et arrests d’iceluy, » c’est pour lier sa puissance par les canons reçus chez nous ; s’il trace soigneusement les limites étroites où doit se renfermer dans notre pays son action (le roi seul pouvant convoquer les conciles nationaux, autoriser l’entrée des légats, les voyages des évoques à Rome, la levée des subsides pour la cour de Rome, la publication des bulles, etc.), ce n’est pas en vue d’étendre les bornes du pouvoir épiscopal. Pithou s’occupe spécialement de la papauté, parce que le pape réside hors de France et qu’il est à son époque la seule puissance ecclésiastique capable de balancer la prépondérance du pouvoir royal, le dernier représentant notable de cette juridiction ecclésiastique que les libertés gallicanes ont rognée de toutes manières.

La méthode de Pithou n’a rien de théologique.— ni même de philosophique : attentif à relever les précédents, même abusifs, pour établir la coutume, à rassembler « les choses plus tost pratiquées qu’escrites par nos ancestres, » son gallicanisme est un système principalement juridique, et sans diminuer le rôle du droit romain dans la conception que les Français se firent de la prérogative de l’État, on peut dire que, par sa méthode préférée, ce système est, en bonne part, un système de droit coutumier.

Enfin, et c’est ce qui obligeait les évêques à marquer très fortement les différences des deux gallicanismes, Pithou et les magistrats français étendaient le droit du pouvoir séculier jusqu’à envahir presque tout le domaine spirituel. « Le moyen de ce bon gouvernement (de l’Église), avait écrit dès 1551 Jean du Tillet, Mémoires et avis… sur les libériez de l’Église gallicane, était qu’en ce dit royaume, les juridictions ecclésiastique et temporelle étaient par ensemble concordablement admies sous et par l’autorité desdits rois… »

En pratique, les parlements, dirigés par les principes de Pierre Pithou, se contentaient d’affirmer que toute la discipline extérieure de l’Église était en quelque manière de leur ressort ; ils restreignaient ou surveillaient l’administration des évêques et du pape, contrôlaient, au moins quant à l’exécution et pour prévenir les désordres, les actes de leur ministère et de leur magistère, et se substituaient le plus possible à leur autorité judiciaire La prévention ou le cas privilégié qui enlèvent ses justiciables a la cour d’Église, l’appel comme d’abus et l’arrêt consécutif qui casse, réforme, annule les procédures du pouvoir spirituel, frappe dans son temporel le juge ecclésiastique abusant, qui lacérer les bulles et mandements, ont réduit [Ue i rien, à la fin de l’ancien régime, la juridiction du clergé dans l’Église gallicane. De son vrai nom, h tllicanisme des parlementaires est souvent un anticléricalisme. Il n’est pas tout le gallicanisme’|UC.

2. t’n bon nombre d’auteurs, en effet, veulent qu’on

distingue du gallicanisme parlementaire un gallica royal, par exemple, M. Hanotaux dans la belle.

étude <|in ouvre, le Recueil des instructions données à

ambassadeurs a Home, Paris. 1888, t. t. p. i. iq.

gallicanisme royal est moins une

théorie qu’une pratique : le roi ic sert toui —i toui’les

< loi innés de se. évêques, dei enseignements des p

et des théologiens ultramontains ou des systèmes de ses légistes pour assurer son indépendance et sa domination exclusive. « Entre les mains du roi, écrit dans le même sens M. Imbart de la Tour. Les origines de la Ré/orme, Paris, 1909, t. ii, p. 91, le gallicanisme n’est pas une doctrine, mais un instrument, » et il ajoute à propos des accords intermittents de la couronne avecla curie romaine : « Ce que le roi laisse à Rome, c’est la région théorique des doctrines ; ce qu’il garde, ce sont les avantages réels et tangibles. » De part et d’autre, ce n’était pas un marché de dupes : gardienne des doctrines, l’Église, pour les sauvegarder, peut parfois sacrifier le reste.

Il ne faudrait pourtant pas pousser à l’extrême cette thèse— Il a existé dans l’ancienne France une doctrine des droits spéciaux que possédait le roi très chrétien, premier fils et protecteur de l’Église, comme écrivait Pithou à Henri IV, sur l’Église de notre nation. Ces droits étaient établis sur le triple fondement du sacre, qui fait du roi une personne quasi ecclésiastique, des services très particuliers rendus par la monarchie française, soit aux églises locales (fondation et garde), soit à l’Église romaine (établissement du pouvoir temporel), enfin des devoirs incombant à In fonction souveraine pour protéger la foi et exécuter les canons. Cette théorie constitue un des éléments les plus importants du gallicanisme politique, le fondement même de « nos libertés » telles que Pithou les énumérait.

Celle doctrine en elle-même, si elle ne s’appuyait pas sur une négation formelle de toute autorité de la puissance spirituelle sur le temporel et si elle ne poussait pas ses déductions jusqu’à l’absurde et au ridicule inclusivement, ne serait pas incompatible avec la doctrine catholique.

Telle qu’elle a été professée par nos politiques, elle est inacceptable et nous verrons de quels anathèmes le concile du Vatican l’a frappée.

2° La théorie du gallicanisme des politiques, — Pierre Pithou, les commentateurs qui ont illustré son recueil et les magistrats qui ont appliqué ses maximes nous ont livré la pratique du gallicanisme des politiques : il reste à en étudier la théorie.

On pourrait en saisir des éléments dans des traités particuliers, par exemple, dans le fameux traité de l’abus de Feurct, ou ailleurs, mais il a paru plus utile de s’arrêter ici à des auteurs moins exclusivement juristes.

La définition du système gallican se rencontre liés nette dans un document émané d’un des plus clairvoyants héritiers des théories et l’ancien régime : du propre neveu de Durand de Maillane, Portails, ministre des cultes sous le consulat et l’empire.

1. Définition.

— Au moment où, par les articles organiques, Napoléon essayait de restaurer en France le gallicanisme politique, Portahs adressait au cardinal Caprara une justification de celle tentative archaisante où l’on peut lire ces déclarations caractéristiques : i A Dieu ne plaise que l’on veuille contester à l’Eglise les droits essentiels qui lui compétent sur le dogme, les mœurs et la discipline et qu’elle tient de la main de son divin fondateur. Mais les souverains, les l ; ciuci ncmenls ont sur les menus objets, quoique sous des rapports différents, des droits non mains essentiels que l’Église a toujours reconnus et que la puissance temporelle tient également de Dieu inénie.

lit le légiste, nourri des principes du parlement, Invoquait en faveur de sa thèse un canon célèbre du

onctle île Paris passé dans le décret de (Malien.

c Principes, 23 : Que les princes du siècle sachent

qu’ils doivent rendre raison ; i I heu de l’Église dont II leur a donné la protection. CM soit que l.i pgix on l.i

discipline de l’Église soit augmentée paj les princes

fidèles, soit qu’elle souille de leur relâchement l l