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est principalement adressé ; car ce culte n’honore le fait particulier (soit une apparition de la Vierge) que relativement et conditionnellement ; la personne seule (la Vierge) est honorée inconditionnellement et absolument. Ce culte, « en tant qu’absolu, ne peut jamais s’appuyer que sur la vérité, attendu qu’il s’adresse à la personne même des saints que l’on veut honorer. Il en faut dire autant des reliques. « Encyclique, loc. cit. Si la probabilité même venait à manquer, tout culte, même relatif, devrait cesser ; ainsi arrive-t-il que des reliques, reconnues fausses, soient soustraites par l’autorité ecclésiastique à la vénération des fidèles. A ces principes communément admis sur les révélations privées, les théologiens, dans le traité de la foi, ont ajouté une controverse un peu confuse, qui roule sur la possibilité de croire par un véritable acte de foi théologale à une révélation privée. L'école thomiste, assez généralement, nie cette possibilité ; beaucoup d’autres théologiens l’affirment, avec plus de raison, ce semble. Comme exemple de la première opinion, écoutons les carmes de Salamanque. Saint Thomas, disent-ils, n’a-t-il pas ces paroles : « Notre foi s’appuie sur la révélation faite aux prophètes et aux apôtres, qui ont écrit les livres canoniques, et non sur la révélation qui a pu être faite à d’autres docteurs ? » Sum. theol., Ia, q. i, a. 8, ad 2um. Oui, après la mort des apôtres, il n’y a plus de révélation publique, voir col. 146, et la révélation publique, à l’exclusion de la révélation privée, est la condition normale et ordinaire de la foi. Mais cela empêche-t-il qu’en des cas exceptionnels on puisse faire un acte de foi théologale sur un objet de révélation privée ? N’a-t-on pas alors le motif spécifique de cette foi, tel que le donne le concile du Vatican : auctoritas Dei revelantis ? La vertu infuse de foi s'étendrait donc accidentellement à cet objet secondaire, et on ne peut prouver l’impossibilité de cette hypothèse simple et commode. Prenons ces cas exceptionnels, disent les Salmanticenses. C’est en somme le cas du prophète : or c’est par la connaissance prophétique, essentiellement différente de la foi, que le prophète voit et donne son assentiment à ce qu’il voit ; dès lors il n’est pas tenu d’y donner en même temps une autre espèce d’assentiment, à moins d’un précepte spécial que l’on ne peut supposer toujours. Cursus theol., De fide, disp. I, n. 110 sq., Paris, 1879, t. xi, p. 52, 53. D’abord, répondons-nous, ces cas exceptionnels ne se réduisent pas tous au cas du prophète ; il y a aussi le cas d’une personne qui, par des motifs de crédibilité relativement suffisants, est arrivée à se convaincre de la vérité d’une révélation, d’une apparition faite à une autre ; elle n'était pas tenue de s’en occuper, mais elle a pu s’en occuper, et y croire. Ensuite, le prophète lui-même, c’est-à-dire celui qui a une révélation immédiate, peut, sinon au moment même de la connaissance prophétique, du moins après, faire l’acte de foi divine ; autrement, comment saint Paul nous parlerait-il de la foi d’Abraham, modèle de la nôtre ? Qu’il y ait des révélations privées où manque quelqu’une des conditions de latte de foi théologale, obscurité, liberté ou rapport de l’objet révélé avec Dieu, nous l’accordons volontiers aux théologiens de Salamanque : mais ne peut-il y en une autre où rien ne manque des conditions exigées ? — Oui, finissent-ils par dire, Dieu peut, s’il le veut, donner une semblable révélation privée ; et alors elle pourra être l’objet d’un acte de foi théologale ; les thomistes, défenseurs de notre opinion, le concèdent. Loc. cit., n. 115. Nous Voilà douc tous d’accord ; et j’ajoute que saint Thomas, qu’on nous objecte, admit une pareille révélation, suivie de l’acte de foi théologale, dans le cas d’un païen honnête et non évangélisé, qui ignore, sans faut de sa part, la révélation publique, les prophétes, les apôtres et l’Eglise. Quæst. disp., De veritate, q. xiv, a. 11, ad 1um. Ainsi encore aujourd’hui un moyen extraordinaire de foi et de salut peut se trouver, d’après le saint docteur, dans une révélation immédiate et personnelle, laquelle doit être rangée dans les révélations privées, puisque l’ère des révélations publiques est close. Quant aux textes scripturaires invoqués par les défenseurs de notre opinion, ils ne la prouvent pas ; il y est question de révélations immédiates, mais non privées. Schiffini, De virtutibus infusis, n. 85, p. 135.

V. Rôle de l'Église dans la foi.

La révélation sur laquelle est basée normalement la foi chrétienne est une révélation ancienne, dont les diverses étapes se sont terminées à la mort des apôtres et qui nous arrive par intermédiaires. Voilà un point déjà prouvé, qui précise le rôle de l'Église dans cette révélation publique, base de la foi. Ce rôle ne consistera pas à prophétiser, à écrire de nouveaux livres inspirés, à ajouter aux anciennes révélations d’autres documents qui aient la même valeur de témoignage divin : il ne pourra consister qu'à conserver les anciennes révélations, le « dépôt de la foi » , à les interpréter, à les appliquer aux besoins des temps nouveaux. Ce rôle est très grand, et nous devrons le défendre contre ceux qui ont tenté de le supprimer ou de l’amoindrir : mais il a, comme on le voit, ses limites et ses restrictions nécessaires, que nous devrons ensuite établir contre certaines exagérations. De là deux parties dans notre travail, l’une positive, l’autre négative.

I. GRANDEUR DU RÔLE DE L'ÉGLISE DANS LA FOI.

Pour nous en rendre compte, nous devons considérer l'Église :
1° comme une grande société humaine ;
2° comme infaillible ;
3° nous conclurons en expliquant comment l'Église est la règle de foi.

L'Église comme société humaine, son infaillibilité mise à part.

C’est ainsi qu’elle se présente d’abord à l’observateur, et qu’on doit d’abord la considérer en apologétique, pour éviter le cercle vicieux qui prouverait la valeur des Livres saints par l’infaillibilité de l'Église qui les transmet, et l’infaillibilité de l'Église par la valeur des mêmes Livres saints qui l’attestent, a par b et b par a, ce qui reviendrait à prouver a par a, c’est-à-dire à l’affirmer sans preuve. Quand donc, pour prouver l’authenticité de nos Évangiles, sources de la foi, nous faisons appel à l'Église de la seconde moitié du iie siècle, qui l’affirme par la voix de ses principaux docteurs en Orient et en Occident, alors nous prenons l'Église comme une grande société religieuse et traditionnelle, gardienne fidèle de ses livres sacrés, ainsi que nous prendrions la société musulmane comme témoin de l’authenticité du Coran. Pour prouver cette authenticité, dit le cardinal de la Luzerne, nous argumentons « du témoignage de l'Église, non pas de l'Église comme juge infaillible, mais de l'Église comme témoin constant et perpétuel depuis la publication de ces livres, et comme les ayant toujours regardés comme sa loi. C’est ainsi que nous sommes sûrs que l’Alcoran est véritablement de Mahomet, c’est ainsi que nous connaissons l’authenticité de tous les livn s quelconques. » Dissertation sur les Églises, c. x, n. 35, Œuvres, édit. Migne, 1855, t. ii, p. 491. Parlant de ces livres dont l’authenticité ou la valeur historique nous est ainsi connue, et de quelques-uns de leurs passages assez clairs par eux-mêmes sans en demander à l'Église une infaillible interprétation, nous pouvons arriver légitimement à l’infaillibilité ecclésiastique, à l'Église considérée plus profondément et sous un autre aspect, et faisant comme un personnage différent, ce qui n’est pas prouver a par a. Voir Franzclin, De traditione, 2e édit.. Rome, 1875, p. 61-63.

Déjà les Pères invoquaient ainsi l’autorité humaine de l’Eglise pour prouver l’authenticité, ainsi que l’état suffisant de conservation, des livres qui contiennent