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II UGUES DE SAlNT-VICrOH


œuvres de la ciéaliou sont l’objet des sciences séculières ; les œuvres de la restauration sont l’objet de ritcrilurc diinc. La création, faile graluilement, est l'œuvre raisonnable, du domaine naturel, opus ralioncibile ; la rédemption, accomplie en dehors des exigences de la nature, mais en harmonie avec ses tendances et ses aspirations légitimes, est l'œuvre de la grâce, opus yratiæ, 1. 1, part. 1, c. xxix, col. 204. iJifTérentes pur l’objet, les sciences humaines et les sciences divines le sont aussi par la lumière cpii leur permet d’atteindre cet ojjjet. S’agit il de Dieu, jjar exemple ? Il y a une doulde science de Dieu, une théologie humaine ou naturelle qui est le point culminant de la philosophie, hic autcrn summa plulosophiw est et veritalis perjcctio, Commciiturioruni in llicranhium cœlesiem, t. I, c. I, P. L., t. CLXxv, col. 928, et une théologie divine, car il y a deux voies, deirx manifestations, deux modes par lesquels le Dieu caché s’est découvert a’u cœur humain : d’une part la raison humaine, d’autre part la révélation. » La raison atteint Dieu ex insilo sibi lumine vciitutis de deux fa(, 'ons, partim viddicei in se partim in ils qiiie erant extra se, et ces connaissances sont de l’ordre naturel, duo ud ncduram pertinent : la révélation manifesie Dieu de <lcux manières, par une illumination intérieure ou par l’enseignement extérieur, et ces deux connaissances sont de l’ordre surnaturel, pertinent duo ad gratiam. "Voir De sucramentis, 1. L part. III, en entier, spécialement c. iii, v, XXXI ; part. VI, c. v, col. 217, 218, 234, 266-267 ; cf. Commentariorum in Hierarchiam cœlestem, t. I, c. i, P. L., t. CLXXV, col. 926-927.

T. Ileitz, Essai historique sur les rapports entre la philosophie et la foi, p. 83, a soutenu que, chez Hugues de Saint-Victor, « la distinction entre le domaine révélé et le domaine rationnel s’efface ». Cette confusion proviendrait dans ses œuvres, comme, en général, dans la théologie antérieure à saint Thomas, de la thâorie uéo-p’atonicienne de l’illumination, héritée de saint Augustin, du pseudo-Aréopagite et de Jean Scot Eriugène. Ee graves objections ont été faites à la thèse de T. Ileitz. Cf. t. iv, col. 1187-1188 ; R. Hourcade, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Toulouse, 1909, 4'= série, t. i, p. 304-309. Pour ne parler que de Hugues, T. Heitz réduit, p. 82, son néo-platonisme à ce qui suit : c Tout ce que nous savons de Dieu, nous le savons par révélation, autrement dit par illumination. Cette révélation a lieu soit par révélation interne, soit par l’enseignement puisé au contact des faits extérieurs ou dans la doctrine humaine. » l’appui de cet exposé, il cite la Summa sententiarum, tr. I, c. iii, P. L., t. clxxvi, col. 45-46 : Cum vero subjuncjit (il s’agit de saint Paul, Rom., i, 19) : Deus illis revelavil (la Vulgate porte : manijestavit), ostendil quod ratio humana per se insufficicns esset nisi revelatio divina illi in adjutorium esset. Revelatio autem divina fit duobus modis : interna inspiratione et disciplinæ eruditione quæ foris fit per facta vel per dicta. Admettons que la Summa sententiurum est de Hugues. Hugues aurait-il employé le mot « révélation », à l’instar de plusieurs autres théologiens, cf. J. de Ghellinck, Pour l’histoire du mot « rcvelarc », dans les Recherches de science religieuse, Paris, 1916, t. vi, p. 149-157, pour désigner l’illumination divine dans la connaissance naturelle, il faudiait voir si cette terminologie n’est pas compatible, comme dans saint Augustin, avec la distinction entre la connaissance naturelle et la connaissance surnaturelle. Mais Hugues n’a pas adopté cette terminologie, et, loin d’enseigner que « tout ce que nous savons de Dieu nous le savons par révélation, autrement dit par illumination », il précise, col. 45 : Sed, cum Deus invisibilis sit…, quomodo indicari potuii ? Partim humana ralione partim divina rcvclalionc. De la révéla tion divine, qui supplée aux insuflisances de la raison humaine, il indique deux modes ; l’inspiration interne et disciplinæ cruditio, qui a lieu au dehors par des faits ou par des paroles. T. Heitz souligne les mots discipliiiic eruditione, où il voit « l’enseignement puisé dans la doctrine humaine ». C’est un contre-sens : tout le contexte montre que Hugues vise les deux fornies de révélation, la révélation immédiate, par le dedans, et la révélation médiate, par le dehors, par l’enseignement extérieur, tant celui des faits (les miracles) que celui des paroles (l'Écriture sainte et l’enseignement oral de la doctrine chrétienne). Que tel soit le sens de Hugues c’est ce que conlirme le texte parallèle du De særamentis, t. I, part. III, c. iii, col. 217-218, dont la Summa sententiurum s’inspire à ce point qu’elle le rejjroduit en partie mot pour mot. Il y est (lit également que Dieu est connu partim ratione humana partim rrvelatione divina, et que la révélation <liine humanam ignorantiam nunc intus per aspirationcm illuminans cdocuit, tune vero ^oris vel per doctrinæ eruditionem insi ; u.iil vel per miraculorum ostensianem confirmavit. La formule est meilleure que celle tle la Summa sententiarum, -d pensée est la même : dans les deux cas, la connaissance surnaturelle est distincte de la coimaissance naturelle.

Cette philosophie, qu’il distingue de la sorte de la théologie, Hugues en a une idée très haute. La philosophie avait été longtemps la science universelle, l’ensemble des sciences humaines, comprises dans le cadre des arts libéraux, trivium et quadrivium, que couronnait la théologie naturelle. Peu à peu la iihilosophie, avec ses problèmes de métaphysique, de psychologie, de théodicée, de morale, se détacha de cet ensemble, et les arts libéraux, qui avaient été une propédeutique à la Bible et aux sciences religieuses, cf. J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du xil'e siècle, p. ()7-70, devinrent une propédeutique à la philosophie, laquelle fut un intermédiaire entre les arts libéraux et la théologie sacrée. Cette conception triompha au xiiie siècle. Elle se dessine déjà dans Hugues de Saint-Victor. Pour lui aussi, la philosophie est l’ensemble des sciences connues par la raison, l’ensemble des arts libéraux. Cf. Erudilio didascalica, t. III, c. I ; t. VI, c. XIV, P. L., t. CLXXVI, col. 765, 809-810 ; Commentariorum in Hierarchiam cœlestem, t. I, c. I, P. L., t. CLXXV, col. 927-928. Mais, par une sorte de contradiction bien curieuse, il montre, dans le même ouvrage, les arts libéraux comme une préparation à la philosophie : sunt enim quasi optima queedam instrumenta et rudimentaquibus via paratur animo ud plénum philosophicæ vcritatis notitiam ; hine trivium et quadrivium nomen accepit. eo quod Us quasi quibusdam viis vivax animas ad sécréta sophiæ inlroeat. Erudilio didascalica, t. III, c. iii, col. 768. Cf. M. de "Wulf, Histoire de la philosophie médiévale. 2<= édit., Louvain, 1905, p. 147-148 ; Introduction à la philosophie néo-scola.'itiqiie, Louvain, 1904, p. 109-111.

Or, il veut que cette préparation à la philosophie soit complète, qu’on ne néglige aucun des arts libéraux et que, sans leur attribuer une égale importance, on lise les écrits, qu’il appelle leurs < appendices », des poètes et des historiens. Il n’adnjet pas qu’on délaisse aucun des arts libéraux : hæ quidem ita sibi cohærent et alternis vicissim rationibus indigent ut, si una defuerit, cœterae philosophum facere non possint. Erudilio didascalica, t. III, c. v, col. 769. Il se plaint des étudiants qui ne veulent pas ou ne savent pas étudier conime il faut, et idcirco nmltos studentes paucos sapientes invrnimus, c. lii, col. 768 ; cf. G. Robert, Les écoles et l’enseignement de la théologie pendant la première moitié du XII'e siècle, p. 47-49, de ces cornificiens, qu’il ne ncmme pas mais qu’il désigne suffisamment, qui brûlent les étapes, qui se