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HUGUES DE SAINT VICTOR


T. de Régnon, Éludes de théologie positive sur la sainte Trinité, t. ii, Théories scolasliques, Paris, 1892, p. 120. Et l’on sait, selon la remarque de M. Chossat, t. iv, col. 1188, « qu’il serait aisé de trouver, dans saint Thomas parlant des mystères, autant et plus d’oportet et de neccsse est qu’on en pourrait recueillir dans tout le xne siècle réuni. »

La théologie.

1. Le De sacramentis et les autres

écrits sûrement authentiques. — Le De sacramentis, quel que soit l’intérêt des Sentences sorties de la plume ou de l'école de Guillaume de Champeaux et d’Anselme de Laon et des systématisations théologiques d’Abélard, qui nous sont parvenues « à l'état de torse », représente, par son architecture originale et puissante, par sa forme littéraire, surtout « par la plénitude et la profondeur de son contenu, le premier grand système complet de dogmatique dans l'ère de la haute scolastique ». M. Grabmann, Die Geschichte der scholastischen Melhofle, t. ii, p. 259. Les écrits moindres confirment, ou même complètent, sur des points particuliers, le De sacramentis. Dressons, en suivant l’ordre actuel des traités de théologie, le bilan de ces richesses.

a) La religion. — Voir, sur la divinité du christianisme, les arguments tirés des miracles, de la conversion du monde, de la constance des martyrs, de la vie et de la foi des saints. De sacramentis, I. 1, part. X, c. II, col. 330 ; De arca oe moriili, t. IV, c. V, P. L., t. CLXxvi, col. 671. De vanilate mundi, t. IV, P. L., t. cLxxvi, col. 735-739. Cf. t. iii, col. 2261-2262.

b) L'Église. — Le traité de l'Église n’a été constitué de toutes pièces que beaucoup plus tar<l. A Hugues revient l’honneur d’avoir les premières vues d’ensemble, dans le De sacramentis, t. II, part. II, c. ii-ix : part. Ill, c. v, xv, col. 416-422, 423, 430-431. Il faut en rapproclier le De arca Noe morali, t. I, c. iv, col. 629-634, et le De arca Noe mtjstica, col. 681-704. Entre saint Augustin et saint Thomas nul n’a poussé aussi loin cette belle étude, (^f. A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichie, 3'= édit., Fribourg-en-Brisgau, 1897, t. III, p. 420, n. 1 ; J.-V. Bainvel, L’idéede l'Église. Essai de théologie historique, dans Ln Quinzaine, Paris, 1899, t. XXX, p. 410-411.

A embrasser d’un coup d'œil le plan du De sacramentis, « on voit, dit A. Dorner, Grundriss der Dogmen geschichte, Berlin, 1899, p. 298, qu’il ordonne tout à l’union avec Dieu par le moyen de l'Église ». Et, notant, p. 350, que, dans la théologie du moyen âge, n le centre autour duquel tout se groupe est l’union de Dieu et de l’homme telle qu’elle se réalise dans l'Église », Dorner montre, p. 353, combien en particulier la cause de l'Église bénéficie de la doctrine sur les sacrements, développée par Hugues et par Pierre Lombard. Toute l'œuvre de Hugues révèle un sens de l'Éiilise admirable, et, si iamais entreprise fut chimérique, ce fut celle de SchopIT qui, essayant, après tant d’autres, de découvrir des protestants avant le protestantisme, a voulu embrigader Hugues de Saint-Victor en compagnie de Staupilz, de Nicolas lie Clamanges, de Savonarole, etc. Cf. Schopff, Aurora seu hibliotheca selecta ex scriptis eorum qui ante f.udterum Ecclesia-studuerunt rcstiluendir, 1857, t. i.

Dans l'Église, Hugues voit le corps mystique du Christ et il en trace, De sacramentis, t. II, part. II, c. II, col. 416, cette définition devenue classique : Ecclesia sancta corpus est Christi uno Spirilu vivificala. et nnita pde una, et sanctiftcata. VA encore, col. 417 : Quid est ergo Ecclesia ni.ii multiludo fidelium, nniversitas christinnornm ? Ou, De arca Soc mijstica, c. vi, roi. 691 : rniver.<iitas fidelium sub uno capile Christo. Au Christ il fait la grande place qui lui est due. La matière de toutes les divines Écritures, dit-il, De sacramentis, t. I, prril., c. II, col. 183, ce sont les œuvres

de la restauration humaine. Or, toute l'Écriture divine est un livre unique, et ce livre unique est le Christ, omnis Scriptura divina unus liber est et ille unus liber Cbrisfus est, quia omnis Scriptura divina de Christo loquitur, et omnis Scriptura divina in Christo implrtur, et légende Scripturam hoc quærimus ut, ejus fada et dicta atque prxcepta agnoscentes, quod jussit facere et quod promisit percipere mereamur. De arca Noe morali. t. II, c. viii, col. 642. Et toute l'Écriture aussi se rapporte à l'Église, maison de Dieu, cité du roi, corps du Christ, épouse de l’Agneau : domus Dei est, civitas régis est, eorpus Christi est, sponsa Agni est… De hac. et ad hanc, et propter hanc omnis Scriptura factus (sic, pour fada) est. Propter hanc mundus fadus est. Propter hanc Verbam caro fadum est… Heec arca (Noe) Ecclesiam significat, Ecclesia autem corpus Christi est. De arca Noe morali, t. I, c. ii, col. 622.

L’existence de l'Église date du commencement du monde. Dans tous les passages où il distingue « l'œuvre de la création » et « l'œuvre de la restauration », Hugues spécifie que, si l’incarnation s’est accomplie dans le temps, son œuvre englobe tous les temps, ab iniliu sœculi… usque ad fincm mundi. De sacramentis, t. I, prol., c. II, col. 183 ; De arca Noe morali, t. I, c. ii, col. 625 ; De arca Noe mijstica, c. iii, col. 085. Le Verbe incarné est notre roi ; les saints qui ont précédé son avènement ont été comme les soldats qui marchent devant leur roi ; ceux qui sont venus ou viendront après lui, comme les soldats qui l’accompagnent ou le suivent. De sacramentis, L I, prol., c. ii ; part. VIII, c. XI, col. 183, 312 ; De sacramentis legis naturalis et scriptiv, col. 31 ; cf. De arca Noe mijslica, c. i-iv, col. 681-688. Il y eut donc et il y aura toujours des fidèles, des chrétiens, et sous la loi naturelle, et sous la loi mosaïque, et sous la loi de la grâce. De sacramentis, I. I, part. VIII, c. XI, col. 312-313 ; De sacramentis legi.'i naturalis et scriptee, col. 32 ; De arca Noe morali, t. I, c. IV ; t. II, c. I, col. 629-634, 635-636 : De arca Noe mijstica, c. V, col. 688-691. La communion des saints relie tous les membres de l'Église morts et vivants, Voir t. III. col. 444-445.

L’appartenance totale et véritable à l'Église a lieu par la grâce, par la charité. Soli autem homines gratise in Ecclesia sunt et de Ecclesia sunt, quia et fidem habent et boni sunt. De arca Noe mystica, c. v, col. 690. Charitas imitas est Ecclesiee… Qui in charitate sunt perire non passant ; sive charitatem sine unitatem nomines, idem est, quia imitas est charitas et charilas unitas. Qui ergo in unilate Ecclesiæ sunt semper in charitate sunt, et qui in cliaritate sunt perire omnino non passant. De sacramentis, t. II, part. XIII, c. xi, col. 544 ; cf. De arca Noe morali, t. I, c. i ; 1. II c. vi, col. 621, 640.

Dans l'Église il y a deux ordres : les laïques et les clercs, quasi duo latera corporis unius. De sacramentis, t. ii, purl. II. c. III, col. 417. Il y a deux vies : l’une terrestre, l’autre céleste, et donc deux peuples, deux pouvoirs, et, dans l’un et l’autre, une hiérarchie qui aboutit ici au pape, là au roi. Dans la mesure où la vie spirituelle l’emporte sur la vie terrestre et l'âme sur le corps, la puissance spirituelle l’emporte, en honneur et en dignité, sur la puissance séculière. Nam spirilualis potestas terrenam potestatem… instiluere habd… et fudicare… si bona non fiterit ; mais, si la puissance spirituelle dévie, a solo Deo judicari potest, conformément au mot de l’aixitre : « L’homme spirituel juge toutes choses et n’est jugé parpersonne. » Ce passage du De sacramentis, I. H, part. II, c. iv, col. 418, a passé, quant au sens et quant aux expressions latines citées (avec la variante : poteril judicari. au lieu de : judicari potest ; le mot de saint Paul est allégué d’après deux versions différcntes) dans In bulle Vnnm snndam de Bonifacc VIII. Voir t. n.