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HUMILIÉS


un siip< ! ’ricur général. < Le ijrejuier fut Bcrliaiid de Brescia ; il y eu a eu trente-quatre de suite jusqu’en l’an 1570 que l’ordre fut supprinuî par le pajie Pie V », dit Ilélyot, Ilisloire des ordres monastiques, Paris, 1718, t. VI, p. 15H. Le 2 septemltrc l’2 « 8, Nicolas IV exempta les humiliés de la juridiction des évêques. Pendant que les deux premiers ordres s’étaient resserrés, le second ordre tendant à s’assimiler au premier, le tiersordre n’avait gardé avec l’un et l’autre que des liens de plus en plus lâches ; le déclin était venu et son action ne franchit guère le milieu du xiii’siècle. Dans les deux prcmiers ordres la décadence accourut de même, à la suite de Ir. richesse. Hélyot, op. cit., p. 159, dit, dans son rude langage, que les supérieurs, ou prévôts, < menoient une vie si licencieuse qu’ils ne refusoient rien à leur sensualité…, se souciant fort peu de ce qui regardoit la conduite de leurs monastères, où les religieux à leur exemple faisoient honte aux séculiers les plus débauchés, qu’ils surpassoient dans leurs excès. » Saint Charles Borromée entreprit, avec sa vigueur habituelle, une réforme urgente. Les prévôts résistèrent. Quelques-uns, pour se soustraire à la réforme, résolurent de se débarrasser du réformateur. Un des conjurés, Farina, déchargea presque à bout portant une arquebuse sur le saint, qui était en prières dans la chapelle de l’archevêchA, le 26 octobre 1509. L’archevêque de Mihui échappa comme par miracle. Cf. L. Celier, Saint Charles Borromée, Paris, 1912, p. 122-125. Le pape saint Pie V, renonçant à améUorer l’ordre, le supprima, par une bulle du 7 février 1571. Cf. L. Cherubini, Magnum bullarium romanum, Lyon, 1673, t. ii, p. 326-327. L’ordre avait alors quatre-vingt-quatorze monastères et seulement cent soixante-di.x religieux. Les religieuses humiliées ne furent point comprises dans cette suppression ; il en restait, du temps d’Htlyot, treize monastères en Italie (quatorze en comptant celui des religieuses de Sainte-Cécile de Rome, qui se donnaient pour hiuniliées, mais que les humiliées de Milan ne voulaient pas reconnaître pour leurs sœurs). Cf. Hélyot, op. cit., p. 166-167. Elles avaient encore, ces derniers temps, cinq monastères. Cf. M. Heimbucher, Die Orden und Kongregationcn der katholischen Kirche, Paderborn, 1907, p. 127.

II. Doctrines.

L’ordre des humiliés occupe une place importante dans l’histoire de l’hérésie n. édiévale. Les anciens historiens de l’ordre s’étaient mépris sur ce point. Tiraboschi, le mieux informé de tous, rencontrant les textes du concile de Vérone et de la chronique d’Ursperg, disait, Vetera humiliatorum monumenta, t. r, p.’79, que l’ordre n’avait rien de commun avec les hérétiques condamnés par le concile et que la chronique confondait à tort ceux-ci avec celui-là. Cette manière de voir était celle de tous les auteurs. Par exemple, G. Moroni, Dizionario di erudizione storico-ecclesiasiica, Venise, 1857, t. lxxxiii, p. 107, consacrait deux articles aux humilies, l’un aux hérétiques, l’autre à l’ordre des humiliés, supposant qu’il n’y avait entre eux aucun lien. Cf. encore le Nouveau Larousse illustré, Paris, s. d., t. v, p. 184. F. Tocco lui-même, L’eresia ncl medio euo, Florence, 1884, p. 183, note 3, admettait que l’ordre ne s’est jamais éloigné de l’Éghse, et, plus récemment, Arcliivio storico italiano, Florence, 1888, 5’série, t. ii, p. 81, avançait cette hypothèse que, « à la venue de Valdo, se serait constituée une société nouvelle, laquelle, prenant ce qu’il y avait de meilleur dans l’institut des trois ordres des humiliés, leur aurait emprunté aussi leur nom, quoiqu’elle n’eût rien de commun avec eux, qui, en général, ne se plièrent pas aux idées vaudoises et restèrent toujours hommes Uges de l’orthodoxie. » Un examen attentif des textes ne permet pas de s’en tenir à ces conclusions. Il en res sort que l’ordre des humiliés n’échappa point à l’hérésie et qu’il y eut aHinité entre les humiliés hérétiques et les vaudois. Mais sur les débuts de l’hétérodoxie des humiliés des opinions divergentes se sont produites.

A. de Stefano, Rivista storico-critica délie scienze tcolofjiclie, t. II, p. 861-863, a « cru pouvoir identifier les humiliés primitifs avec les vaudois lombards primitifs ». Le décret d’excommunication de Lucius III, qui unit, à cause de leurs traits communs, les cathares et les patarins, assimile les humiliés aux pauvres de Lyon, si tant est que dans sa pensée ils ne forment pas une seule et même chose, ce qui aurait lieu si le vel de la phrase : eos qui se humiliatos vcl pauperes de Lurjduiw falso nominc mentiuntur… avait un sens explicatif et non disjonctif, comme l’ont admis les historiens modernes après W. Prcger, Beitrâge zur Geschichte der Wuldesier im Miltclalter, dans les Abhandlungen der hist. Classe der Kônigl. Bayer. Akademie der Wissenscha/ten, Munich, 1875, t. xiii, p. 211. La chronique d’Ursperg distingue, mais en même temps rapproche humihés et pauvres de Lyon en des termes qui font penser qu’elle leur attribue une communauté d’origine. Décisif surtout est l’argument interne, tiré de la comparaison entre l’idéal, les coutumes et les vicissitudes historiques des vaudois et des humiliés.

L. Zanoni, op. cit., p. 27-50, rejette l’identification entre les vaudois primitifs et les humiliés primitifs, et substitue aux vaudois les cathares. Si le canon de Lucius III au concile de Vérone juxtapose humiliés et pauvres de Lyon, c’est parce qu’ils prennent les uns et les autres un nom de sainteté simulée. liunnliatos, pauperes. Il faut éviter les jugements simplistes d’ensemble qui groupent et mettent sur un plan unique des éléments qui appartiennent à des temps divers ; or, à considérer les deux mouvements dans les trente dernières années du xii'e siècle, avant les échanges mutuels de doctrines, ils n’ont guère en commun que le propos d’une vie plus parfaite, qui était propre à toute l’époque. Les différences sont nombreuses. Le mouvement vaudois de Lyon a deux notes exclusives : l’amour de la pauvreté évangélique et la prédication de la vie de renoncement ; mais c’est une prédication qui n’a rien de dogmatique, ce sont exhortations en langue vulgaire, sans polémique doctrinale. Pour vivre pleinement la vie chrétienne, on ne sent pas encore le besoin de s’abstenir du serment et de fuir les tribunaux. Loin de délaisser la communauté cathoUque, on fréquente les églises, les sacrements. Tels sont les vaudois, d’après l’abbé Bernard de Fontcaude, dans son Adversus waldensium seclam liber, P. L., t. cciv. col. 793-840, écrit entre 1180 et 1190. Cf. K. Mûller, Die Wcddenser und ihre einzelnen Gruppen bis zum Anfang cfes.v/r J((/)//i ! i ; i(/tT/s, Gotha, 1886, p. 141-142 : P. Alphandéry, Les idées morales chez les hétérodoxes latins au début du Mil'e siècle, p. 122-128. Les humiliés, au contraire, adoptent une prédication doctrinale

— elle se proposa d’abord la défense de la foi catholique

— ont une organisation indépendante de l’autorité ecclésiastique, s’abstiennent du serment et du mensonge et s’éloignent des tribunaux. Ces derniers traits conviennent aux cathares. Par ailleurs nous savons que les cathares ont envahi l’Italie, qu’au milieu du xiiie siècle ils pullulent à ! Milan ; et, parce que le nom de « cathare » ne se trouve dans aucun document local, il faut les rechercher sous la dénomination, courante en ItaUe, de < ; patarins », nom qui n’est pas encore synonyme d’hérétique en général. A cette date, l’identité entre cathares et patarins ne fait pas de doute. D’autre part, les humiliés apparaissent comme des patarins organisés dans quatre do-