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IMMUNITÉS ECCLÉSIASTIQUES


syndics, adores, baillis. Albi, 1254, can. 45, Mansi, t. xxiii, col. 844. Mais d’autres conciles ou bien ne portent que des restrictions, très limitées, ou prévoient des dispenses soit royales, soit épiscopales, ce qui fait dire au sage Thomassin : « Il semble qu’après l’an 12(J0 les conciles et les papes se sont un peu relâchés sur ce sujet de l’ancienne rigueur, » t. iiv p. 311. C’est ainsi que le concile de Paris de 1212 ordonne seulement aux ecclésiastiques avocats « de ne faire aucune paclion pour leur salaire, si leur salaire était suffisant, et de n’en point exiger d’immodéré s’ils n’avaient point de bénéfice ; au reste, il leur prescrivit les règles que tous les avocats doivent observer, (le ne point soutenir de mauvaises causes, et de ne les point prolonger malicieusement, » sect. i, can. 6. Cf. Thomassin, t. vi, p. 311. Il maintint d’ailleurs la discipline établie au xii » siècle relativement aux moines en leur défendant de demeurer en dehors du monastère sous prétexte de donner des consultations de droit ou de médecine, sect. ii, can. 20. Cf. Mansi, t. xxiii, col. 818 sq. Le IV « concile de Latran se contenta d’interdire aux clercs et aux moines les causas sanguinis, en même temps que la conduite de bandes armées et l’exercice de la chirurgie, envisageant sans doute pour ces trois défenses l’unique raison que l’Église abhorret a sanguine, can. 18. C’est le célèbre chapitre iVe clerici vel monachi du 1. III « des Décrétais, tit. L, c. 9. En 1268, le 6° canon du concile de Londres, Mansi, t. xxxiii, col. 1213-1260, défend aux ecclésiastiques d’être avocats « sauf les cas prévus par le droit, » d’être juges in causis sanguinis ; le canon 7 « , de recevoir une juridiction séculière des laïcs, de façon à porter le titre de justiciers et de devenir les ministres de la justice, ce qui, au dire de Thomassin, t. vii, p. 313, vise plutôt le cas d’un juge unique et en chef que celui d’un assesseur temporaire ; enfin, et la réserve est de quelque importance, tout ceci est décrété salvis domini régis priviligiis in hac parle. En 1279, le concile d’Avignon autorise de façon générale les clercs à être avocats ou juges avec la permission de leur évêque. Mansi, t. xxiv, col. 231.

A constater cette tendance incoercible du clergé à s’occuper des affaires judiciaires, on ne s’étonnera donc pas de voir les ecclésiastiques entrer en foule dans les parlements dès que ces derniers se constituèrent en corps séparés dont la fonction principale, mais non pas exclusive, était de pourvoir à l’administration de la justice. Une telle invasion n’avait pas pour unique raison une compétence spéciale dans la science juridique. On peut même dire que ce qui amena surtout les clercs à siéger au parlement royal, c’a été le devoir féodal qu’avaient les hauts dignitaires do l’Église d’appoitcr au roi leur conseil fco/ ! s/7(u/n^ dans l’administration générale du royaume. Dans tout l’Occident d’ailleurs, du fait qu’on était engagé dans la hiérarchie des suzerains et des vassaux, on devait à son seigneur, et au premier de tous, le roi, Vauxilium (prestations en nature et en espèces, service militaire) et le consilium (participation au gouvernement). Les évêques et les abbés siégèrent donc à la cour royale aussi bien que les barons. Quand une assemblée particulière, destinée à recevoir les plaintes des justiciables, se sépara de cette cour, ce qui se produisit sous le règne de I’hilippe-Auguste(l 180-1223) les seigneurs d’Église y siégèrent aux places les plus élevées, comme ils le faisaient au conseil du roi, c’est-à-dire parmi les pairs dont six sur douze étaient ecclésiastiques, archevêque de Reims, évêques de Laon et de Langres, pairs-ducs, évêques de Beauvais, de Noyon et de Chaions, pairs-comtes (cf. V. Viollet, Histoire des inslilulions poliliques, etc., t. iii, p. 301), puis venaient d’autres prélats, au moins jusqu’en 1321, iôkL, p.314, et des conseillers clercs. lJ"après une ordonnance de

P hilippe VI de Valois datée de 1345, la Grand’Chambre devait être composée de 13 clercs et de 15 lais, la Chambre des enquêtes de 24 clercs et de 16 lais, la Chambre des requêtes de 5 clercs et de 3 lais. Ibid., p. 316. Dans les parlements de province les ecclésiastiques avaient également droit à un certain nombre de sièges que Henri III fixa, en les diminuant, aux chiffres suivants : à Toulouse, 4 présidents, 10 conseillers clercs, 24 conseillers laïcs ; à Bordeaux, 3 présidents, 6 conseillers clercs, 18 conseillers laïcs ; en Bourgogne,

2 présidents, 6 conseillers clercs, 16 conseillers laïcs ; en Bretagne, 4 présidents, 8 conseillers clercs, 24 conseillers laïcs ; à Rouen, 3 présidents, 6 conseillers clercs, 18 conseillers laïcs ; en Dauphiné, 2 présidents, 4 conseillers clercs, 12 conseillers laïcs ; en Provence,

3 présidents, 6 conseillers clercs, 18 conseillers laïcs. Édit de Blois de 1579. Cf. Thomassin, t. vii, p. 318. Les papes, tout en faisant certaines réserves, admirent le principe de la présence des ecclésiastiques aux parlements : d’après Loisel, Clément IV écrivit à Charles, comte de Provence, depuis roi de Sicile, que, s’il admettait des prélats dans son parlement, il devait leur donner des gages et ne pas les y retenir trop longtemps, de peur que leurs diocèses souffrissent de leur absence et qu’ils servissent le roi aux frais de leurs églises. 76/rf., p.316. Quant au clergé lui-même, il considérait si peu les charges parlementaires comme incompatibles avec l’immunité, qu’il protestait quand le roi diminuait le nombre des conseillers clercs : ainsi fit l’assemblée générale du clergé de France de 1583 au sujet de l’édit de Blois de 1579. Cf. Thomassin, t. vii, p.318.

Nous avons dit que le parlement n’avait pas une compétence exclusivement judiciaire, et gardait de ses origines, par démembrement de la cour royale, des attributions politiques. Nous sommes amenés ainsi à constater que la participation à l’administration de la justice conduisait presque nécessairement les ecclésiastiques à se mêler du gouvernement local ou national. Le fait se comprend aisément si l’onréfléchit qu’une différenciation nette des magistratures politiques et des magistratures judiciaires n’existait ni au temps de l’empire romain (dans le Code Justinien, nous le rappelons, les judices sont les gouverneurs de province), ni durant la féodalité, ni sous la royauté absolue. C’est une conquête révolutionnaire : encore cette conquête n’est-elle pas achevée. Si la division du travail gouvernemental fait des progrès, ce qui n’est pas certain, nos arrière-neveux estimeront que notre société était bien imparfaite où il existait des tribunaux administratifs et où le ministre de la justice était un homme politique. En tout cas, pour l’époque que nous considérons, un corps qui jugeait pour l’ensemble d’un pays ou d’une province était fatalement un corps qui gouvernait. Un ecclésiastique mêlé aux affaires judiciaires était souvent appelé à devenir un homme de gouvernement.

En réalité, il en était ainsi depuis le règne de {>harlemagne et pour bien d’autres causes encore que le besoin qu’on éprouvait de recourir aux bons offices des clercs dans l’administration de la justice. Ces causes nous les avons déjà brièvement signalées ; il nous faut maintenant en reprendre l’étude pour en déterminer toute l’action. Charicmagne a des sentiments plus religieux, sinon des mœurs plus pures que les Mérovingiens. Il entreprend la tâche de faire coopérer le christianisme et l’Église à la réforme du gouvernement et de la société. Il fait donc très résolument appel à la collaboration du clergé. H envoie dans tout son empire des missi dominiei, qui font leurs tournées d’inspection en général, deux par deux, un laïc et un évêque ou abbé. La conipélence des missI est à peu près universelle et l’on