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HONORIUS AL’GUSTODUNENSIS


point de vue la vigueui' de la préface de la Gemma animée, P. L., t. clxxii, col. 543 : Quid conferl animée pugna Hectoris, vel disputaiio Platonis, aui carmina Maronis (Virgile), vel neniæ Nasonis (Ovide), qui nunc cum consimilibus suis strident in carcere infcrnalis Babylonis, sub Iruci imperio Plutonis ? Cf. la recommandation qui se lit à la fin du Spéculum. Ibid., col. 1086. La philosophie antique, elle-même, ne trouve que partiellement grâce aux yeux d’Honorius, tout au plus est-elle capable de donner un enseignement douteux, dubium dogma. Vainement la gentilité (la fille du roi de Babylone du Cantique) a demande aux livres obscurs des philosophes la vérité sur Dieu, sur la vie ; elle n’y a point trouvé de réponses satisfaisantes. Début du 1. III sur le Cantique, ibid., col. 398. Tout au plus la philosophie païenne a-t-elle quelque importance en ce qu’elle a préparé les matériaux premiers de la connaissance de Dieu.

n y a donc à prendre dans les arts libéraux, tels que nous les ont transmis les anciens et tels que les cultivent les contemporains d’Honorius, mais à condition de savoir les purifier. L’opuscule De animæ exilio et palriu a pour but de montrer comment la grammaire, la rhétorique, la dialectique, bref, toutes les branches de connaissances peuvent conduire à la sagesse suprême, vraie patrie de l'âme. Fidèle à l’exemple d’Anselme de Cantorbéry, Honorius attache à la dialectique une importance toute particulière. On sait l'étonnement qu’avait causé à un Lanfranc la méthode hardie employée par son disciple. Ces syllogismes successifs arrivant à déduire rationnellement les questions les plus élevées de la théologie, inspiraient au maître une vague appréhension. De même genre dut être l’impression que firent sur les contemporains d’Honorius les syllogismes imperturbablement alignés par notre auteur. La préférence de la méthode dialectique à la méthode d’autorité est tout à fait visible chez lui, et en plusieurs circonstances tout au moins la rigueur de sa déduction logique n’a pas été sans nuire à la solidité de sa doctrine. Pour ne prendre qu’un exemple, c’est la raideur de ses syllogismes qui a amené Honorius à dénier toute validité à la conjéiraliou eucharistique faite par un prêtre excommunié.

Ajoutons que, si la dialectique préside d’ordinaire à chacune des parties de l'œuvre si diverse d’Honorius, elle est loin d’ordonner l’ensemble des ouvrages. Pour un traité soigneusement composé, la Cognitio viles, il en est vingt où la division générale manque de logique, où les questions se succèdent un peu au hasard. Où les divers sujets sont traités, abandonnés, puis repris sans souci de l’unité. Ce défaut est particulièrement grave dans VEhicidarium, qui se donnait comme une exposition systtmalique de la doctrine chrétienne. Nous sommes encore loin de l’ordre rigoureux de la Somme théologique.

Conceptions philosophiques.

Une suprême

confiance dans la raison raisonnante, telle semble la caractéristique principale d’Honorius en matière de philosophie, et tout spécialement de théodicée. Cette confiance, il la doit à la fréquentation très intime de saint Anselme et plus encore à Scot Ériugène. Eiidrcs a fort justement attiré l’attention sur ce dernier point. Si Honorius dépend, pour les preuves de l’existence de Dieu, de l’auteur du Monologium (c’est à lui qti’il (mprunle l’argument a contingentia mundi et la preuve par les degrés de perfection), c’est tout spécialement de Scot Ériu-^ène qu’il relève pour ce qui est de la nature de Dieu et des relations entre lui et le monde. Strictement orthodoxe quand il déclare que Dieu est au-dessus de toutes les catégories, même de celle de substance, et quand il le déclare indéfinissable, il devient inquiétant quand il ajoute qu’il est l'éternité même, contenant en soi toutes les créa tures : Deus spiritus est, essentia invisibitis, omni creaturee incomprehensibilis, tolam vitam, totam sapienliam, totam œternitatem simul essentialiler possidens ; vel ipsa vita, ipsa sapientia, ipsa veritas, ipsa justifia, ipsa œternitas existens, omncm creaturam instar puncti in se continens. Cognitio vilee, c. iii, P. L., t. xl, col. 10 J8. A plus forte raison, peut-on s'étonner de la définition suivante, qui renferme en germe tout le système de Spinoza : Deus est substantia omnium. Substantiel autem non recipit magis et minus. Cité par Endres, Honorius Auguslodunensis, p. 100, note 4.

Malgré ces prémisses plus ou moins panthéistiques. Honorius est nettement créationniste. Il repousse la doctrine de l'émanation qui fait sortir tous les êtres de la substance divine ; cette doctrine, dit-il, est opposée à l’immutabilité de Dieu ; il rejette l’hypothèse de la matière préexistante, car il ne peut rien y avoir en dehors de Dieu. Reste donc la création ex nihilo. Mais il ne faut pas perdre de vue, ajoute-t-il, que cette création est la reproduction des idées divines, ideo ex nihilo omnia fecit, et tamen quasi non ex nihilo, sed ex aliquu visibilis mundus processit dum instar archetypi mundi formas induit. Cognitio vita :, c. xxii, P. L., t. XL, col. 1019. La question de la présence de Dieu dans son œuvre et de son activité multiforme au sein de la création n’a pas laissé de préoccuper Honorius. Cognitio vitæ, c. xxiii-xxx. Dieu, dit-il, est évidemment en toute créature, et l’on peut même dire que chacune sent sa présence et son activité. Cf., dans VElucidarium, la phrase analogue : Quæ enim sunt inanimatu nobis quidem sunt insensibilia et morlua. Deo autem omnia vivunt et omnia crcalorcm suum scntiunt. P. L., t. CLXXII, col. 1113. On doit également affirmer d’autre part que les créatures sont en Dieu, non point cependant comme sa substance, ou commi une iiartie de son essence. Dieu répandu en toutes choses donne à chacune l'être suivant sa nature. Et si l’on demande au philosophe comment les choses peuvent changer, puisqu’elles sont dans l'être immuable, cum immutubilis Deus cuncta conlineat, Honorius répond par une fort jolie distinction. Il y a dans la créature la tendance continuelle au néant, c’est son infirmité, mais il y a aussi la continuelle infiuence divine qui sans cesse relève cette activité qui se dégrade, de là les cycles des phénomènes naturels que nous voyons se succéder. Ces cycles sont l’imitation, telle qu’elle est possible à la créature, de l'éternité divine. Cuncta œternitatem imitantur, dum deficiendo et iterum crescendo quasi in circulis existentiæ semper rotantur. P. L., t. xl, col. 1021. C’est cette perpétuelle activité divine qui engendre l’harmonie des mondes, dont Honorius parle en tel mes fort poétiques.

Il va sans dire que, dans un mr)nde si intimement pénétré de l’omniprésence divine, le mal ne saurait être une réalité sulJsistante. Touché à maintes reprises par notre auteur, le problème du mal est toujours résolu dans ce sens, que le mal est seulement la privation d’un bien. Résultat d’une défaillance volontaire, le mal moral a sa place dans l’univers comme un repoussoir qui fait valoir le bicn, ut enim piclor nigrum colorem substcrnit, ut albus vel rubeus prcliosior sit, sic collatione malorum, justi clariorcs fiunt. Elucidarium, P. L., t. CLXXII, col. 1115. Cf. Vlnevilabilc, ibid., col. 1206.

Image de Dieu par son âme, microcosme iiar son corps, l’homme est au degré supérieur de la création visible. Une bonne définition de l'âme se trouve au c. v de la Cognitio vitæ. Anima spiritus est substantia incorporca, corporis sui vita, invisibilis, sensibilis, mutabilis, illocalis, passibilis, ncc quantitatum mensurm, nec qualitatum forma ; vel coloris susccptibilis, memorialis, rationalis, intetlcchudis, immortalis. P. L., t. XI, , col. 1009. Sur son origine, Honorius professe une