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Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/470

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couvre tout ce qu’il a fait sans réserve, il recevra des effets de ma bonté, comme il en a déjà receu plusieurs fois par le passé. »

Quelque instance que La Rivière fasse d’avoir promesse d’un pardon général, sans obligation de descouvrir tout ce qui s’est passé, le Roy demeurera dans sa dernière response, luy disant qu’il ne voudroit pas luy-mesme le conseiller de faire plus que Dieu, qui requiert un vrai repentir et une ingénue reconnoissance pour pardonner ;

Qu’il luy doit suffire qu’il l’asseure que Monsieur recevra les effets de sa bonté, s’il se gouverne envers Sa Majesté comme il doit, c’est à-dire ainsi qu’il est dit cy-dessus.

On voit que les rôles sont écrits mot pour mot, et que le Roi ne doit rien ajouter ni retrancher. Aussitôt l’agent de Monsieur (La Rivière) accourt, et le Cardinal l’envoie au Roi d’avance dicter sa réponse. Avec quelle souplesse chaque personnage obéit au directeur de cette sanglante comédie !




Les observateurs politiques ne s’endorment pas : ils excitent Louis XIII par tous les moyens possibles contre le bouc émissaire sur qui tout péché doit retomber. On redouble de rigueurs avec le prisonnier.




Des Noyers écrit, le 30 juin 1642, au Cardinal :


Le Roy m’a dit qu’il croit que M. le Grand eût été capable de se faire huguenot. J’y ai adjousté qu’il se fût fait Turc pour régner et oster à Sa Majesté ce que Dieu luy a si légitimement donné. Sur quoi le Roy m’a dit :

— Je le crois.

Sa Majesté m’a dit ce matin que Tréville avoit entretenu M. le Marquis sur l’arrivée de M. le Grand à Montpellier, et qu’en entrant dans la citadelle, il avait dit :

— Ah ! faut-il mourir à vingt-deux ans ! Faut-il conspirer contre la patrie d’aussi bonne heure ! Ce qu’elle avoit très-bien receu.