Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/472

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Une crainte mortelle agite le Cardinal qu’on ne vienne à savoir que le Roi a été de la conjuration : il rend la prison plus sévère. Il ajoute :

Ceton, lieutenant des gardes écossaises, âgé de soixante-six ans, a laissé promener M. le Grand deux fois le jour. Il n’y a que trois jours qu’il en usoit encore ainsi, ce qui me feroit croire que les premiers ordres ont été perdus.

M. de Bouillon n’a demandé qu’un médecin et deux valets de chambre ; le perfide public a six personnes qui doivent être retranchées. Autrement, il est impossible qu’il ne fasse sçavoir tout ce qu’il voudra ; jamais prince n’en eut davantage.

Vous parlerez adroitement de ce que dessus, sans me mettre en jeu aucunement.

Comme il attend avec impatience un bon commissaire, il dit :

J’attends M. de Chazé, que nous essayerons par M. de Thou. — Faites-le hâter par le Rhône, car le temps nous presse, et il est nécessaire que je sois icy pour l’aider à ses interrogatoires, que je lui donnerai toutes digérées.

Comme il faut envenimer la plaie du cœur royal, il n’oublie pas un trait qui puisse porter :

Il est bon que le fidel marquis de Mortemar dise au Roy comme le perfide public disait que Fontrailles avoit dit un bon mot sur ses maladies, sçavoir, est :

Il n’est pas encore assez mal.

Pour montrer comme le perfide et ses principaux confidents estoient mal intentionnez vers le Roy.




On voit que nulle légèreté de propos, nulle étourderie du jeune favori, vraie ou supposée, n’est omise par le rusé politique. Chavigny répond sur-le-champ et dans les mêmes termes :

Le fidèle marquis n’a pu encore prendre son temps pour dire ce