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CYBÈLE

revenait comme une obsession un écho des idées vagabondes de l’ami Numa, assaillaient-elles en ce moment l’esprit de Marius ? Mais nous l’avons déjà dit, le Marius de ce jour-là n’était pas le Marius d’habitude.

Lorsqu’à l’approche des heures solennelles qui décident d’une existence, toutes les cordes de l’âme sont fortement tendues, les pensées et les sentiments atteignent à une puissance d’expansion qui les élève bien au-dessus du théâtre ordinaire de la vie courante. Notre ami touchait à un de ces points culminants où l’âme se soulève et déborde. Jamais il ne s’était senti plus de passion attendrie et en même temps d’émotion délirante que ce soir-là auprès de cette enfant qui restait comme lui silencieuse et comme lui aussi sans doute, s’abîmait dans quelque indicible vision intérieure.

On était devant la maison Honorat. Il fallait se séparer, et ce fut d’une voix troublée qu’en abandonnant la main de son amie, il lui dit ces seuls mots : à demain ! mais d’un ton si ému, d’un air si étrange que la jeune fille à son tour laissa percer un léger trouble interrogateur dans l’adieu qu’elle lui rendit.

— Allons, à demain, mon enfant, dit la mère.

— À demain, cher Marius, dit aussi Numa dans une dernière étreinte.