Page:Allais - À l’œil.djvu/29

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— J’ai eu tort ce matin de crier. Ce pardessus est à vous puisque vous l’avez payé. Mais si vous voulez être bien gentil, ne le mettez pas pour venir au collège, ça me fait trop de peine… Vous savez que j’ai perdu ma mère l’autre jour. Eh bien, c’est elle qui l’avait fait. Elle avait trouvé un coupon d’occasion, elle l’avait taillé et cousu elle-même. En me le donnant pour mes étrennes, la brave femme me dit : « Tiens, mon pauvre garçon, voilà un manteau, il n’est pas très beau, mais il te tiendra chaud. » Deux ou trois jours après, elle est tombée malade… Nous ne sommes pas riches ; nos petites ressources se sont vite épuisées, et, un beau jour, pour acheter du bois, j’ai dû vendre le pardessus. Oh ! je ne l’ai pas vendu bien cher… Et puis, quelque temps après, ma mère est morte. Alors, vous comprenez, quand vous vous moquez de mon pardessus vert, il me semble que vous vous moquez de ma pauvre maman, et ça me fait beaucoup de peine.

À ce moment, il me regarda ; je pleurais comme une grosse bête.

Je lui demandai pardon et, le soir même, je tins à lui rendre sa relique que je ne trouvais plus ridicule.

Et, depuis ce temps-là, quand je vois des paletots gauchement taillés, avec des drôles de