Page:Allais - Deux et deux font cinq (2+2=5).djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jour cette subtile idée que la réalité ne vaudra jamais le rêve.

Comme il avait raison, ce penseur doublé d’un écrivain !

Ah ! il était chouette, le gros canard !

Ah ! elle était chouette, le petit loup !

Son nez, au gros canard, était la proie d’un turbulent eczéma. Ses deux douzaines de cheveux demeurés fidèles se tournaient, se contournaient et se recontournaient sur son crâne pour donner, à une portée de fusil, l’illusion d’un système pileux follement développé.

Quant au petit loup, elle donnait plutôt l’illusion d’une femelle de kanguroo dont on aurait craint, tout le temps, que les gros yeux tombassent dans la mayonnaise de sa langouste.

Et ce qu’ils disaient !

Le gros canard parlait de l’année véritablement rigoureuse, et que ça ferait de la misère, et que la misère est mauvaise conseillère aux pauvres gens, et qu’on n’avait pourtant pas besoin de ça, en France !

Et le petit loup concluait :

— Il faudra, cette année, que les riches soient assez raisonnables pour faire un peu la charité !

Le gros canard sembla touché jusqu’aux larmes des sentiments si pitoyables de son petit loup chéri, dont les yeux persistèrent à me donner des inquiétudes par leur tendance à choir dans les assiettes.