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DEUX ET DEUX FONT CINQ

goût, et ensuite que tout autre goût que le goût salé aurait présenté des inconvénients dans lesquels le ridicule l’aurait disputé à l’odieux.

1o Les larmes doivent avoir un goût. — À n’en pas douter. S’imagine-t-on, par exemple, une mère versant des larmes insipides sur le cadavre de son enfant ?

Non, mille fois non, n’est-ce pas ? Eh bien, alors ? (C. Q. F. D.)

2o Les larmes ne sauraient avoir un autre goût que le goût salé. — Vous représentez-vous, entre autres, des larmes acides ? Les quelques personnes de la société dont une maîtresse grincheuse aurait aspergé le visage de vitriol, d’acide azotique ou même chlorhydrique connaissent les inconvénients résultant du contact trop direct de ces substances avec les tissus si délicats de l’appareil ophtalmique.

Les larmes ne sauraient être amères. Nos grands classiques ont tiré un immense parti des larmes amères. Or, cette amertume est, ici, purement métaphorique. Si nos pleurs étaient véritablement amers, il n’y aurait plus de métaphore et nos romanciers auraient ainsi une image de moins à leur arc. Qui sait même si notre grand Ohnet ne doit pas ses meilleures pages et les plus poignantes à ces trouvailles qu’un long usage n’a pu défraîchir ? La Providence, raisonnablement, pouvait-elle consentir à en priver la langue française ?