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DEUX ET DEUX FONT CINQ

» Eh bien ! mon cher Maître, vous pouvez sans crainte commander un cocktail pour le Captain Cap et une absinthe-grenadine pour moi : car j’ai trouvé le moyen de supprimer les tempêtes ou plutôt, comme on dit dans le grand monde, je suis tout simplement

» Celui qui met un frein à la fureur des flots.

» L’idée de ce frein, aussi pratique qu’imprévu, m’est venue l’autre jour en écoutant notre illustre ami le docteur Pelet discuter, avec son habituelle autorité, la question de l’apaisement des tempêtes par le filage de l’huile. Le savant praticien, qu’aucun Boucher n’attendait ce jour-là, expliquait à deux jeunes demi-vierges qu’il suffit de répandre quelques litres d’huile sur la mer, autour d’un bâtiment en détresse, pour voir les plus fortes lames se changer en petites vagues inoffensives qui enveloppent de caresses très douces les flancs du navire naguère désemparé…

» L’idée avait germé en moi, et j’en vins à me demander s’il ne serait pas possible, non seulement d’apaiser les tempêtes, mais de les prévenir en répandant dans tous les océans assez d’huile pour recouvrir la surface des flots de la très mince couche oléagineuse qui suffit à les rendre inoffensifs… Et, après trois jours de réflexions, je viens vous poser cette question, dont il me semble, comme dirait M. Brunetière, que la poser c’est la résoudre.