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À MONSIEUR ROUDIL

Moi, vous savez qui je suis. La jeune femme, vous l’ignorez (quoiqu’avec les femmes on n’ai jamais que des quasi-certitudes à cet égard). Aussi, permettez-moi de vous l’indiquer à grands traits.

Je la connus alors que, toute jeunette, elle jouait des petits rôles aux Bouffes-Parisiens, direction Ugalde.

À différentes reprises, elle consentit à m’accorder ses suprêmes faveurs. Brave petite !

Et d’une inconscience si exquise ! Laissez-moi à ce propos, mon cher Roudil, vous raconter un détail qui me revient en mémoire et qui n’a d’ailleurs aucun rapport, même lointain, avec ma réclamation ; mais la table n’est pas louée, n’est-ce pas ?

Un soir, elle me dit sur un petit ton d’indignation :

— Il y a vraiment des gens qui ne doutent de rien.

— Des gens qui se sont fait un front qui ne sait plus rougir !

— Parfaitement !

— Des gens qui ont bu toute honte !

— Parfaitement !… Imagine-toi que j’ai reçu, avant-hier, une lettre d’un bonhomme qui demeure dans l’avenue du Bois-de-Boulogne et qui me disait que, si je voulais aller le voir, il avait 25 louis à ma disposition.

— Et qu’as-tu répondu à ce goujat ?

— Ma foi !… j’y suis allée… Tu sais… 25 louis !…

Revenons, mon cher Roudil, à nos moutons.

(Le mot moutons n’est pas pris ici dans le sens