Page:Allart - La Femme et la democratie de nos temps.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
32

rains, ces riches, sous l’égide d’une douce pauvreté, eussent vécu honorables et contens ; débarrassés de soins pénibles, ils eussent mené jusqu’au terme des affections aimables et riantes comme on les trouve au village.

Pour l’homme intelligent, au contraire, la richesse n’est que l’instrument des besoins ; il lui faut voyager, comparer, marcher vite, car il est impatient et laborieux ; ses idées élégantes, ses impressions poétiques, demandent le luxe et la beauté. Ce n’est pas seulement dans les palais, entre les murs, qu’il la cherche ; il s’inspire au bord des fleuves, sous l’ombrage des oliviers, sur les rivages de Gènes, sur la Propontide, à Grenade et à Tusculum ; ses bibliothèques sont choisies ; ses collections, précieuses ; sa main libérale appuie les talens naissans. S’il est appelé aux affaires qu’il ambitionne, il y portera un à-propos que les hommes vulgaires n’ont jamais ; il saura créer pour l’action, pour la politique, comme on crée pour les arts, pour les lettres, tandis que les autres, portant au pouvoir un esprit fait pour servir, répondent à toute demande par la loi ancienne, n’ayant compris que ce qu’on leur a enseigné. La médiocrité, noyée dans ces puissantes eaux où le génie surnage, inventa enfin une morale bâtarde, stupide, qui, faisant marché avec le vice, s’appela bon ton, bon goût, et régla les grandes choses par les petites. Prenant l’homme au berceau, elle entraîna jusqu’aux plus fermes dans son égarement ridicule. On entendit dans les cours un langage barbare ; les places furent le prix de la parenté et de la frivolité ; tout se conduisit par l’intrigue. Les talens de premier ordre se corrompirent ou se réfugièrent dans la solitude, et les talens de second ordre, dupant le reste du monde et perdant toute vertu, s’emparèrent des affaires pour les abaisser. Ce fut alors que le peuple indigné, conservant dans son sein le sacré dépôt que Dieu garde à la frugalité, se