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Quand on lui offrit de rentrer dans sa patrie à des conditions qu’il trouvait humiliantes, comment répondit-il ! avec quelle élévation soutint-il la dignité des lettres et de la philosophie ! A-t-on entendu de nos jours parler plus noblement !

« .......... Est-il généreux de me rappeler dans ma patrie, à de pareilles conditions, après un exil de trois lustres ? Est-ce là ce qu’a mérité mon innocence ? Est-ce là ce qui est dû à tant de veilles et de fatigues ? Ah ! loin d’un homme familiarisé avec la philosophie la stupide humilité de cœur qui le porterait à subir, en vaincu, la cérémonie que vous me proposez, comme l’a fait certain prétendu savant, comme l’ont fait d’autres misérables ! Loin de l’homme accoutumé à prêcher la justice, et qu’on a dépouillé, la bassesse de traiter ses ennemis comme des bienfaiteurs ! Non, mon père, ce n’est pas là pour moi le chemin de ma patrie. Si vous en connaissez un qui laisse intacts mon honneur et mon renom, me voici prêt à y marcher à grands pas. Que si, pour retourner à Florence, il n’en est pas d’autre, je ne retournerai point à Florence. Eh quoi ! ne puis-je pas partout contempler le soleil et les astres ? Ne puis-je pas me livrer partout à la douce recherche de la vérité ? Irai-je m’avilir dans la cité des Florentins ? Non certes ! non pas même pour avoir du pain ! »

Pétrarque, exerçant une influence énorme sur son siècle, éprouvait pourtant le préjugé du rang et de la naissance. Il le secoue, et, fort de son mérite, il quitte et salue cette maison Colonne qui l’avait protégé comme un plébéïen, en disant au prince Etienne Colonne : « Je veux la liberté, enfin, et je vais la chercher. »

Quelle modestie dans la vie des hommes illustres qui unirent la pauvreté aux études savantes ! Citerons-nous les artistes italiens, leurs mœurs simples et enjouées ? Donatello, laissant tomber les œufs, le pain,