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rent la marche et triomphèrent d’une religion qui, s’étant corrompue, faisait payer désormais trop cher les services obtenus. Les lettres rendirent aux grands hommes une importance qu’ils semblaient perdre individuellement, mais qui ne leur fit plus porter le sceptre ni commander l’armée. On avait vu l’intelligence jusqu’ici agir, monter à cheval, diriger l’Église, maudire, bénir, massacrer ; s’il y avait eu des légistes, ils s’étaient tenus à part dans leur profession ; on vit alors, comme dans l’antiquité, l’homme régner par sa pensée : une feuille de papier valut plus qu’un trône et qu’une épée, triompha de loin des préjugés, des prêtres, suivit et hâta la marche des temps. La pauvreté, si méprisée, si humble jusqu’alors, releva fièrement la tête, et la philosophie lui imprima une dignité que ne lui avait pu donner la religion du Christ ; mais ce pouvoir élevé dut se contenter long-temps de sa propre estime, se fier en secret à l’avenir ; les richesses, en éblouissant le peuple, conservèrent le pouvoir direct ; et peut-être la nature a trouvé du charme, durant cet apprentissage, à tenir dans l’obscurité, loin des petitesses du vulgaire, l’homme réservé à une gloire éloignée.

La conséquence naturelle des événemens, l’hérédité des fortunes, l’accroissement des familles et des empires, le besoin d’ordre, renforcèrent de plus en plus la société, qui devint une espèce de machine si puissante, si lourde, qu’aucun bras mortel ne put plus l’ébranler. Des races primitives, dotées à l’origine ; peu restèrent dignes du passé ; un petit nombre de nouvelles s’élevèrent ; un plus grand nombre dut tout à la faveur, n’ayant rien de ce qui avait rendu les races anciennes maîtresses des richesses ; les richesses, naissant de toute part, fondèrent un pouvoir matériel énorme, que l’esprit, par sa nature sublime, devait à la fois dédaigner, combattre et dompter. Le progrès des âges précipite aujourd’hui