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des barricades au bagne

tre regret que celui de ne pouvoir recommencer. Nous le conduisîmes au poste de la mairie, pendant que le blessé était dirigé vers la plus proche ambulance.

Interrogé, le meurtrier répondit qu’il était un acharné ennemi de la Commune, qu’il s’était juré de tuer autant de fédérés qu’il en rencontrerait sur son chemin, et il exprima à nouveau le regret de n’avoir pu tuer l’officier.

— C’est là un acte d’assassin et non de soldat, puisque, dites-vous, vous agissez en soldat ?

— Tous les moyens sont bons pour se débarrasser des communards !…

On lui demanda son nom ; il refusa de répondre, mais il ajouta qu’il était ancien gendarme.

Il fut, le lendemain, condamné à être fusillé. Il tomba à la même place où, trois jours après, devait tomber le citoyen Millière. Mais si Millière lança aux échos le cri de : « Vive l’Humanité ! » le cri du soudard, au moment même où le capitaine de la première compagnie du 151e allait ordonner le feu, fut celui de : « Vive l’Empereur ! »

La brute militariste mourut avec le même courage que montrera le philosophe républicain, victime de la haine d’un politicien éhonté et d’un individu beaucoup moins brave que celui qui venait d’expier son attentat.

Mais il nous faut revenir à l’ennemi, car c’en était un et des plus implacables, celui qui venait non de forcer les portes de Paris, mais de les acheter. La « plus belle armée du monde » allait aussi se montrer le plus ignoblement féroce.

Après avoir vu mes collègues du Comité de légion et arrêté de concert les mesures que les circonstances commandaient, je crus nécessaire — en prévision de la lutte qu’il nous faudrait livrer — d’aller prendre quelques heures de repos.