Page:Alletz - Génie du XIXe siècle, ou esquisse des progrès de l’esprit humain depuis 1800 jusqu’à nos jours.djvu/50

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Celui-là se fait l’adversaire de Dieu même, celui-ci s’établit son prophète ; le premier a du génie à force d’esprit, le second à force d’enthousiasme ; l’un se condamne au brillant exil de Ferney pour préparer dans les idées une révolution qui, passant dans l’état social, réduit l’autre à chercher un refuge au Nouveau-Monde. La cause que Voltaire soutient de ses intarissables plaisanteries est, au xviiie siècle, aussi neuve que le sera au dix-neuvième, la thèse défendue par l’éloquence magique de M. de Châteaubriand : l’un, protée des salons, amuse une société mourante ; l’autre, chantre de la nature, berce un monde nouveau ; celui-là, tour à tour prosateur et poëte, étincèle de grâce et de bon goût ; celui-ci transporte la poésie dans la prose, et, comme Bossuet, invente sa langue. La renommée de Voltaire durera autant que les passions humaines ; la gloire de M. de Châteaubriand est protégée par le besoin d’espérer et de croire, qui ne s’éteindra jamais sur la terre.

Bernardin de Saint-Pierre, qui appartient à la fin du xviiie siècle avait ouvert cette grande école de style qui a fait la gloire de notre âge, et dont M. de Châteaubriand a été la voix la plus éloquente. Il tient parmi nous comme écrivain, la même place que Buffon occupe dans le siècle