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nous attachons sur le rivage des yeux avides. C’est notre patrie qui semble nous fuir. Nos derniers adieux s’adressent aux rochers qui bordent la côte, et qui, emportés par une force mystérieuse, descendent peu à peu dans l’abîme, et enfin s’y engloutissent. Alors il n’y a plus que le ciel et l’onde, et nous sentons les rapports mélancoliques de cette solitude immense avec le vide qu’une douloureuse séparation a laissé dans notre âme.

Supposons-nous dans une autre situation du rivage de la, mer que nous habitons, nous voyons un navire qui, battu par la tempête, lutte en vain pour entrer dans le port. Nous ignorons à quel pays il appartient. Les passagers qu’il renferme nous sont étrangers mais ils sont hommes, et à la vue du péril qui les menace, nous sentons notre cœur troublé comme cet élément sur lequel ils naviguent. La pitié nous fait aimer des êtres que nous n’avons jamais vus (1).

On ne peut donc méditer au bord de la mer, sans être frappé de l’audace qui nous fait braver sur une faible planche la fureur des tempêtes. Nous songeons à tous ces naufrages dont chaque année nous apporte les récits lamentables, à tant de morts sans sépulture. Quelquefois il ne reste de

(1) Idée d’ amour.