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heur, et ce travail de votre imagination redouble votre désir de toucher le terme. A mesure que vous approchez, les lieux sont plus familiers à vos regards : vous nommez les villes, les hameaux ; les enseignes même des hôtelleries réjouissent vos souvenirs ; vous souriez aux habitants dont vous reconnaissez avec émotion le costume et le langage ; et il n’y a pas jusqu’au chant grossier du pâtre ramenant son troupeau à la bergerie, qui n’ait une douceur pour votre oreille.

Le postillon annonce enfin, par le retentissement de son fouet joyeux, que vous rentrez dans la ville natale. Vous vous imaginez que chaque passant vous reconnaît ou vous devine, et leur air indifférent vous cause une sorte de surprise. Le bruit, les clameurs, les embarras des rues, le mouvement des voitures et des piétons, tout vous ravit, tout vous transporte ; et vous oublieriez votre absence en retrouvant les objets que vous aimez, si quelque trace du temps ne vous frappait tout d’abord sur leurs visages. En les interrogeant, vous apprenez qu’il s’est fait des vides dans les rangs de vos amis ; puis, après la mort des uns, vient l’élévation des autres, la ruine de celui-ci, le mariage de celui-là. La vue du serviteur connu qui vous rouvre l’entrée de votre maison, le chien qui lèche les pieds de son maître le rayon de soleil qui pénètre dans votre chambre longtemps fermée, les