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COMMENCEMENT DES CULTURES

M. Heer[1] a montré, dans son admirable travail sur les palafittes, qu’ils avaient des communications avec les pays situés au midi des Alpes. Ils pouvaient aussi avoir reçu des plantes cultivées par les Ibères, qui occupaient la Gaule avant les Celtes. À l’époque où les lacustres de Suisse et de Savoie ont possédé le bronze leurs cultures étaient plus variées. Il paraît même que les lacustres d’Italie, lorsqu’ils avaient ce métal, cultivaient moins d’espèces que ceux des lacs de Savoie[2], ce qui peut tenir à une ancienneté plus grande ou à des circonstances locales. Les restes des lacustres de Laybach et du Mondsee, en Autriche, accusent aussi une agriculture tout à fait primitive : point de céréales à Laybach, et un seul grain de blé au Mondsee[3]. L’état si peu avancé de l’agriculture dans cette partie orientale de l’Europe est en opposition avec l’hypothèse, basée sur quelques mots des anciens historiens, que les Aryas auraient séjourné d’abord dans la région du Danube et que la Thrace aurait été civilisée avant la Grèce. Malgré cet exemple l’agriculture parait, en général, plus ancienne dans la partie tempérée de l’Europe qu’on ne pouvait le croire d’après les Grecs, disposés, comme certains modernes, à faire sortir tout progrès de leur propre nation.

En Amérique, l’agriculture n’est peut-être pas aussi ancienne qu’en Asie et en Égypte, si l’on en juge par les civilisations du Mexique et du Pérou, qui ne remontent pas même aux premiers siècles de l’ère chrétienne. Cependant la dispersion immense de certaines cultures, comme celle du maïs, du tabac et de la batate, fait présumer une agriculture ancienne, par exemple de deux mille ans ou à peu près. L’histoire fait défaut dans ce cas, et l’on ne peut espérer quelque chose que des découvertes en archéologie et géologie. . . .

  1. Heer, Die Pflanzen der Pfahlbauten, in-4, Zurich, 1863. Voir l’article du lin.
  2. Perrin, Étude préhistorique de la Savoie, in-4, 1870 ; Castelfranco, Notizie intomo alla Stazione lacustre di Lagozza, et Sordelli, Sulle piante della torbiera della Lagozza, dans les Actes de la Soc. ital. des sc. nat., 1880.
  3. Much, Mittheil. d. anthropol. Ges, in Wien, vol. 6 ; Sacken, Sitzber. Akad. Wien, vol. 6. Lettre de M. Heer sur ces travaux, et leur analyse dans Nadaillac, I, p. 247.