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ANTHOLOGIE FÉMININE

avaient répandu la terreur parmi eux ; une aigle poursuivie par d’autres oiseaux, la mer sortie de ses bornes, tout enfin rendait l’oracle aussi infaillible que funeste. Le fils aîné du septième des Incas, dont le nom annonçait dans la langue péruvienne la fatalité de son époque, avait vu autrefois une figure fort différente de celle des Péruviens : une barbe longue, une robe qui couvrait le sceptre jusqu’aux pieds, un animal qu’il menait en laisse, tout cela avait effrayé le jeune prince, à qui le fantôme avait dit qu’il était le fils du soleil et qu’il s’appelait Viracocha. Cette fable ridicule s’était malheureusement conservée parmi les Péruviens, et, dès qu’ils virent les Espagnols avec de grandes barbes, les jambes couvertes, et montés sur des animaux dont ils n’avaient jamais connu l’espèce, ils crurent voir en eux les fils de ce Viracocha qui s’était dit fils du soleil, et c’est de là que l’usurpateur se fit donner, par les ambassadeurs qu’il leur envoya, le titre de descendant du dieu qu’ils adoraient. Tout fléchit devant eux : le peuple est partout le même. Les Espagnols furent connus presque généralement pour des dieux, dont on ne parvint point à calmer les fureurs par les dons les plus considérables et par les hommages les plus humiliants.

Les Péruviens s’étant aperçus que les chevaux des Espagnols mâchaient leurs freins, s’imaginèrent que ces monstres domptés, qui partageaient leur respect et peut-être leur culte, se nourrissaient de métaux ; ils allaient leur chercher tout l’or et l’argent qu’ils possédaient et les entouraient chaque jour de ces offrandes. On se