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ANTHOLOGIE FÉMININE

question que de mettre de la justesse dans cet esprit-là, et, si vous voulez m’aider, nous y travaillerons ; je suis sûre que nous y réussirons. Lady Violente, vous m’avez dit que les Athéniens punissaient l’ingratitude ; il me semble que je vous ai donné, il y a deux ans, une fort jolie histoire à ce sujet ; voudriez-vous nous la raconter ?

Lady Violente.

Oui, ma Bonne, je m’en souviens fort bien. Il y avait dans la ville d’Athènes des juges qui étaient chargés de punir les ingrats ; mais c’était une chose si rare qu’ils n’avaient rien à faire. Ils s’ennuyèrent d’aller tous les jours à leur tribunal sans y trouver personne et mirent une cloche à la porte de leur maison, afin qu’on la pût sonner quand on aurait besoin d’eux. On fut si longtemps sans sonner cette cloche que l’herbe qui croissait à la muraille s’entortilla avec la corde. Dans ce temps-là il y avait dans la ville un homme qui, voyant que son cheval était devenu si vieux qu’il ne pouvait plus travailler, ne voulut pas le nourrir à rien faire et le mit hors de son écurie. Ce pauvre cheval marchait tristement dans la rue, comme s’il eût deviné qu’il était en danger de mourir de faim. Il passa par hasard proche de la maison des juges dont j’ai parlé, et, voyant de l’herbe à la muraille, il s’éleva sur le bout de ses pieds pour tâcher de l’attraper : il eut beau faire, il ne prit que la corde, ce qui fit sonner la cloche plusieurs fois. Les juges vinrent aussitôt pour voir ce qu’on leur voulait, et, voyant que c’était un cheval qui sonnait la cloche, ils demandèrent à qui il appartenait. Quelques-uns des voisins leur dirent qu’il n’appar-