Page:Alquie - Anthologie feminine.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
ANTHOLOGIE FÉMININE

aux entraînements des passions qu’elle inspirait. Comme elle ne l’a jamais avoué, et qu’il est bon de ne pas s’en rapporter aveuglément sur ce point aux racontars des hommes qui n’aiment pas à laisser croire qu’on a su leur résister, ne décidons rien là-dessus. Il suffit que dans ses écrits elle sache mettre la vertu au-dessus de la passion pour que nous devions nous déclarer satisfait. Elle se plaisait à se sentir aimée, c’est là un sentiment féminin qu’on ne peut incriminer. Un jeune homme mourut soi-disant d’amour pour elle, et elle s’en fit gloire un peu trop haut. De cette aventure elle tira son célèbre roman de Valérie, qui, d’après les critiques les plus difficiles, est le seul roman épistolaire qui ne soit pas ennuyeux à lire. Comme dans les romans de Mlle de Scudéry, de Mme de La Fayette et autres du temps, l’amour y reste noble et pur ; une jeune fille peut le lire ; aujourd’hui, l’homme qui agirait comme Gustave serait bafoué. Elle écrivit ce roman à l’époque de ses relations d’amitié avec Benjamin Constant, qui le lui corrigea, assure-t-on. Elle approchait alors de la cinquantaine et conservait néanmoins sa beauté et ses adorateurs. Belle encore, et n’ayant pas renoncé à plaire, entrevoyant cependant l’heure où elle plaira moins, elle songe à quelque chose de meilleur et se jette dans le mysticisme, cherchant à fonder une sorte de culte. La séduisante Livonienne entraîne après elle des milliers